Le poème de la Borda – قصيدة البردة

Quassidet El Borda (poème du manteau) est unanimement reconnue comme étant la plus fameuse parmi toutes les autres louant le prophète, par l’ensemble des musulmans partout dans le monde. C’est une extraordinaire poème dédié à la glorification du prophète Mohammed صَلَّىٰ اللّٰهُ عَلَيْهِ وَسَلَّم . C’est un poème d’une incomparable richesse mais c’est également un hymne religieux d’une intense densité en émotions. Elle fût, du vivant même de son auteur, considérée comme sacrée, et occupe encore de nos jours une place privilégiée auprès de la communauté musulmane.

Quassidat El Burda a pour auteur l’Imam Sharaf ad-Din Abu Abdullah Muhammad Al Boussairi dont l’origine remonte à la tribu Berbère des Sanhadja du Maroc et d’Algérie .Il est également l’auteur de la Hamazia (un poème de 517 vers).
El Boussairi naquit le premier jour de Choual en 608 (Mars 1212) et mourut dans les années 694-697 de l’hégire (1294-1298). Copiste et grammairien, il était également le disciple du célèbre soufi Abou Al Abbàs Ahmed Al Masri . Il devint par la suite le plus connu des docteurs « traditionniste » de son époque.

Histoire de ce poème.

Malade, Al Boussairi devint paralysé. Il se consacra à l’écriture de ce poème de 25 pages en langue arabe, un poème d’éloge dédié au prophète Mohammed صَلَّىٰ اللّٰهُ عَلَيْهِ وَسَلَّم . Un soir, avant de conclure son œuvre, il reçu dans le rêve la visite du prophète Ce dernier s’approcha de lui et le couvrit de son manteau, El Burda, le manteau, d’où le nom du poème. Ce poème avait été réalisé dans la plus grande discrétion. Après ce rêve et après son réveil, son mal avait disparu.

Nous retrouvons un extrait de ce poème plus précisément trois vers sur l’un des plafonds du palais Ben Ayed de Djerba à Cedghiane achevée en 1775 (plus de détails dans notre précèdent article La merveille du Ksar Ben Ayed), mais également sur le sceaux de Ahmed Bey (1837-1855) .

Plafond Bit Si Younes, palais Ben Ayed à Djerba.
Signature du maître Chaabouni et date d’achèvement 1775.
Sceau de Ahmed Bey ( 1837-1855) .

Au centre on peut y lire : عبده احمد باشا بك – Son serviteur de Dieu Ahmed Pacha Bey 1252 (1836-1837)

Immédiatement autour du centre : احل امته في حرز ملته كالليث حل مع الاشبال في اجم – Il (le prophète Mohamed صَلَّىٰ اللّٰهُ عَلَيْهِ وَسَلَّم ) a honoré son peuple en lui donnant sa religion (L’islam) comme refuge. Ainsi fait le lion, entouré de ses lionceaux, il regagne son repère.

Extérieurement en haut: و لن تري من ولي له غير منتصر له ولا من عدو غير منقصم – Vous ne verrez jamais un de ses fidèles ne lui devant pas sa réussite; Vous ne verrez jamais un de ses ennemis ne lui devant pas son anéantissement.

En bas: و من تكن برسول الله نصرته ان تلقه الاسد في اجامها تجم – Celui qui demande l’assistance du prophète de Dieu ( صَلَّىٰ اللّٰهُ عَلَيْهِ وَسَلَّم ), ferait fuir les lions en foules vers leur repaires.

Dans son livre, Ahmed Ibn Abi Dhiaf, « Présent des hommes de notre temps » (Ithaf Ahl al-zaman bi Akhbar muluk Tunis wa ‘Ahd el-Aman (إتحاف أهل الزمان بأخبار ملوك تونس وعهد الأمان) ) tout un chapitre lui est consacré. On y lit que le Mushir Ahmed Pasha Bey lors de sa visite sur l’île de Djerba aurait passé une nuit dans le somptueux palais Ben Ayed.

Extrait de « Présent des hommes de notre temps » . de Ahmed Ibn Abi Dhiaf.

Peut-être que Ahmed Bey devant la beauté de ce plafond s’en est-il inspirée pour en faire son sceau ? Peut-être aussi que le maitre Chaabouni ou son mandataire le Général Hmida Ben Ayed l’ont vu dans d’autres palais et ils s’en sont inspirés ?

Par Kais Ben Ayed

La vallée industrielle d’El Battan

Au XIX e siècle est installé sur le pont de la Medjerda (El battan) une manufacture pour confectionner les uniformes de l’armée beylicale, les ouvriers était principalement Maltais et Italiens.
Cet ensemble de style ottoman a été construit en 1616. Il comprenait en même temps une caserne, des haras mais il abritait également en son enceinte l’un des nombreux palais de la famille Ben Ayed qui en était l’exploitant. Ben Ayed était le bâtisseur de cette vallée industrielle d’El Battan. Il avait fait appel à l’ingénieur français Charles Benoit pour la réalisation de cette manufacture qui était considérée de haute technologie pour l’époque.

Aujourd’hui elle abrite les Haras de la FNARC ( Fondation Nationale d’Amélioration de la Race Chevaline).

A toi ! petit historien du dimanche !

A tous les petits historiens du dimanche une petite remise l’heure de vos pendules s’impose !

Au 17 -ème siècle Kacem Ben Ayed fut le premier caid-Gouveneur de Djerba dès 1756, en tant que commerçant il contribua fortement à la promotion de la chechia Tunisienne au grand Levant et il était par ailleurs envoyé du Bey pour le paiement des redevances annuelles dût à Constantinople. (Voir la thèse de Saadaoui)
Ali Ben Ayed le frère de Kacem prit la relève après sa mort, également au service du Bey on l’appelait Hadher Bach il paya quatre millions de ses fonds propres pour éviter l’occupation de Tunis par les Algériens. Ceci mérite d’être rappeler. Plus d’infos par ici.

Le fils de Kacem, Hmida Ben Ayed général et caïd de l’Aradh a lui combattu pour la Tunisie à plusieurs reprises, et mit toutes ses richesses au service du Bey Hamouda Pacha, nous ne citerons que la bataille de Constantine comme exemple ! Regeb Ben Ayed, Grand Douanier de Tunis et Caid du Cap Bon, a quant à lui fortement contribué à la construction du boughaz de la goulette.

Mohamed Ben Ayed fils de Hmida Ben Ayed, lui aussi général, mais également ambassadeur et envoyé de Bey auprès du roi Louis Philippe en 1831 et 1846, grand armateur corsaire (2 eme flotte après le Bey) a lui aussi laisser son empreinte dans l’histoire de la Tunisie, nous ne citerons que les principaux fait comme sa contribution à l’abolition de l’esclavage avec Sir Thomas Reade.
Il était également de bon conseil, sous Hamouda Pacha il évita une guerre in extremis entre la régence de Tunis et le Royaume de Sardaigne. Mohamed Ben Ayed a également offert le premier bateau à vapeur au Bey qui avait été très honoré que quelqu’un de son entourage puissent lui faire un pareil présent.

Hamida Ben Ayed deuxième du nom, petit fils de Mohamed lui aussi général et caid a également suivi les pas de ses ancêtres lorsqu’en 1868 l’année Boubarek une année où la famine, une invasion de sauterelles avec le choléra avait fauché en Tunisie 30000 personnes ! Le général Ben Ayed avait mobilisé tous ses moyens que l’on compta par millions pour venir en aide au plus démunis. (Voir Peister, Histoire de la ville de Tunis)

Citons également Khayriya Ben Ayed conférencière dès 1900 et première femme musulmane en faveur de l’émancipation des femmes ! Ou encore Aly Ben Ayed, l’artiste, le comédien et metteur en scène d’exception qui marquera à jamais d’une pierre blanche l’édifice du théâtre tunisien. Sans oublier le professeur Hassouna Ben Ayed, le maitre incontesté de la néphrologie en Tunisie, qui a contribué à la première dialyse péritonéale de Tunisie en 1963, à l’introduction du premier rein artificiel en 1968 dans le monde arabe et l’Afrique, à l’envoi du premier greffé du rein tunisien en France en 1971 et est aussi l’un des principaux intervenants dans la première greffe de rein en Tunisie et au Maghreb le 4 juin 1986 avec les professeurs Saâdeddine Zmerli et Khaled Ayed. En 1967, il effectue la première biopsie rénale en Tunisie.

La liste est encore longue mais parlons maintenant du célèbre Mahmoud Ben Ayed, général et caïd, un homme d’affaire au service du Bey que l’on accuse de tous les maux de la Tunisie etc. Je ne vais pas dire que c’était un saint parmi les saints, il y a eu certes quelques irrégularités dans ses comptes, personne ne conteste cela, mais l’accuser d’avoir fuit avec le trésor public est une pure fiction qui pour ceux que ça arrange trouve en lui le coupable idéal !
Mahmoud était le plus riche en Tunisie, à cette époque avant même son entrée au service du Bey. La démarcation entre le public et le privé, l’économique et le politique n’était pas établie. Les seuls responsables de la banqueroute de la Tunisie sont Ahmed Bey et Mustapha Khasnadar qui ont eu les yeux plus gros que le ventre ! Pourquoi ne parles t’on jamais d’eux ? quant à Mahmoud devait il rester à attendre qu’on le pende et porter le chapeau, et payer de sa vie des erreurs qu’il n’a pas commises, être vulgairement assassiné commeYoussef Saheb Etabaa et tout le monde sait ce que ce personnage a fait pour la Tunisie bien avant lui !
Non Mahmoud a était plus malin, un homme averti en vaut deux, il est parti en France, il s’est réfugié en France pour sauver sa vie en emportant une partie de sa fortune, qu’il a fait fructifier par la suite grâce à son bon sens des affaires uniquement. (Voir cette étude de M. GHARBI ici)

Quant au généraux Kheireddine et Hassine pourquoi ne parles t’on pas de leur richesse ? Le général Hassine à lui aussi fuit en Italie pourquoi n’en parlez vous pas ? Le général Kheredinne était le gendre de Mustapha Khaznadar … n’avait il rien vu ? Pourquoi s’est il retrouvé à la cour du Sultan turque dans la même cour que Mahmoud Ben Ayed ? Ce sont des questions qui doivent être posées !
Ahmed Bey a demandé l’arbitrage de Napoléon, et l’arbitrage fut ! Une commission a établie après plusieurs mois d’enquêtes que certes il y avait quelques irrégularités dans certains comptes, mais surtout que tous les biens de Ben Ayed devaient lui être restitués ! Le procès à durer des décennies, bien après la mort de Mahmoud, et les héritiers eurent gain de causes et ont put récupérer certains de leur biens. C’est curieux non ? Pourquoi personne n’en parle? (Plus d’information sur cette affaire en cliquant ce lien. )

A toutes ces mauvaises langues, à ses pseudo-historiens du dimanche qui ne prennent même pas le temps de lire un bouquin ou de simplement vérifier l’information, à toutes celles et ceux qui gobent tous ce qu’on leur raconte, la vérité n’est pas celle qui vous arrange et celle que vous aimez à croire, mettait là en sourdine et faites tournez votre langue sept fois dans votre bouche avant d’en régurgiter des sottises. Enfin il n’y a pas que Mahmoud Ben Ayed dans cette grande famille, bien d’autre avant lui et bien d’autre après lui ont donnés sans compter à la Tunisie et continuerons à donner ! Ce qu’aucun d’entre vous n’a donné pour notre Tunisie et pour terminer, comme Bajbouj aimait souvent vous le rappeler :

يَا أَيُّهَا الَّذِينَ آمَنُوا إِن جَاءَكُمْ فَاسِقٌ بِنَبَإٍ فَتَبَيَّنُوا أَن تُصِيبُوا قَوْمًا بِجَهَالَةٍ فَتُصْبِحُوا عَلَىٰ مَا فَعَلْتُمْ نَادِمِينَ

Par Kais Ben Ayed

Le chebec Tunisien et la course maritime au XVIII siècle

Le chebec Tunisien

Le Chebec ou chebek, bateau favori des corsaires. C’était ce type bateau que les Ben Ayed notamment armait pour la guerre de course.

Apparut au XVe siècle il est adopté par les pirates algériens et tunisiens dans leurs raids contre les côtes et la flotte chrétienne en Méditerranée.

Initialement utilisé pour le commerce le chebec était propulsé par des voiles et des rames, la voile était utilisées pour la navigation, les rames servaient pour des manœuvres complexes.

A la fin du XVIIe siècle les corsaires d’Afrique du Nord modifièrent la structure du chebec, en supprime les rames et allonge la coque.

Le vaisseau devenait plus manœuvrable et avait un faible tirant d’eau. Les mats aux nombres de trois étaient équipés de voiles triangulaires et inclinés vers l’avant.

Grace à sa vitesse, combinée avec l’artillerie montée au XVII siècle, le chebec devient un bateau de guerre redoutable. Il était équipé habituellement d’environ 20 canons positionnés sur le pont. Au cours des siècles XVIe, XVIIe et XVIIIe , les pirates algériens et tunisiens ont effectué de fréquents raids contre les côtes européennes.

Il convient de rappeler ici que la conjoncture méditerranéenne était favorable au commerce mais aussi, en raison des guerres de la Révolution et de l’Empire en Europe, l’activité corsaire.  Le bey, Yousef Saheb Tabaa, les Ben Ayed, et d’autres dignitaires se lancèrent dans cette entreprise.

Chebek barbaresque.

 Les Ben Ayed

Originaire de Djerba, cette famille, une des plus importantes de la Tunisie de la seconde moitié du XVIII siècle.

Les premier à figurer dans les contrats de caravane est Ali Ben Ayed.

Entre 1763 et 1767, il fait enregistrer 24 contrats de nolis dans la chancellerie du consulat de France. Treize de de ces navires se rendent à Alexandrie dont plusieurs avec des chargements d’huile pris à Djerba. Cinq se rendent à Smyrne, deux à Tripoli et un à Alger.

En outre, trois vont chercher du bois à Tabarka. A partir de novembre 1767, Ali Ben Ayed est qualifié de grand Douanier de Tunis.

Hmida Ben Ayed, son neveu expédie cinq navires de Tunis à Djerba en 1786. Après avoir acquis la ferme des pêcheries en 1792, on le retrouve en 1794 affrétant deux navires pour transporter des pèlerins à Alexandrie. Les Ben Ayed figurent également parmi les plus important armateurs de bâtiments corsaires: 27 entre 1784 et 1788 et 73 entre 1798 et 1805.

L’envoi en 1802 d’un navire à Alexandrie et d’un autre à Malte, chargé de céréales sont les deux derniers témoignages de l’activité de Hmida Ben Ayed. Regeb Ben Ayed, un de ses frères à une activité similaire qui s’arrête toutefois en 1794.

Mohamed Ben Ayed est le dernier armateur corsaire du clan Ben Ayed. La flotte Ben Ayed figurait en deuxième position après celle du Bey de Tunis en terme de nombres de navire avant l’abolition de la course en 1815. Les prises leurs rapportaient gros en biens de toutes sortes et, bien sûr, aussi en esclaves et odalisques.

(source Panzac, Grandchamps)

Par Kais Ben Ayed

Conte tunisien oublié : le petit fumeur de kif

Par une belle matinée d’automne, un petit fumeur de kif, assis près de la fenêtre d’un café maure, savourait joyeusement la fumée lentement aspirée de sa longue pipe. Dans la rue vint alors passer un paysan qui criait : Hâou ezzebda !

Ce mot d’ezzebda résonna agréablement aux oreilles du petit fumeur qui, passant sa mignonne tête par la fenêtre ouverte, appela le paysan: Ya el houni ! (viens-ici).

Chargé de son lourd makbed (panier), le paysan, monta les marches qui aboutissaient au café et étala aux yeux de son petit client tous ses pots, les uns après les autres.

Après les avoir longuement et successivement considérés, maniés, flairés, Le petit fumeur finit par dire :
« Il me semble bien que ce beurre doit être bon; pèse-m ‘en une oukitine » (deux onces).

Le paysan, qui d’abord avait espéré une meilleure affaire, n’en servit pas moins la quantité demandée, et se retira en maugréant.

« Et maintenant, s’écria notre jeune héros, je prie Dieu de bénir ce beurre, afin qu’il me donne, quand je le mangerai, vigueur, force et vaillance ! »

Dans le capuchon de son burnous, il prit un pain dont il coupa un gros morceau, sur lequel soigneusement il étendit son beurre. « Voilà certes qui n’aura pas mauvais goût, dit-il; mais avant de le déguster, achevons notre pipe l »

Il posa sa tartine à côté de lui et, sans autre hâte, il se remit à fumer. Sa joie et sa belle humeur se manifestaient simplement par des bouffées plus rapides et plus serrées. Cependant, le parfum du beurre attirait les mouches qui, tentées, vinrent en foule se poser sur sa tartine.

« Et qui donc ici vous invite ?» disait le fumeur, en essayant de chasser les petites gourmandes. Mais les mouches tenaient bon, el le nombre en grossissait à vue
d’œil. Alors, exaspéré el perdant toute patience, le petit fumeur, déjà surexcité par le kif, saisit son mouchoir et, sans pitié, l’abattit sur l’essaim.

Le coup porté, il eut l’idée de compter les cadavres il ne trouva pas moins de sept mouches qui gisaient, étendues, les pates en l’air, sur la tartine.

« Allah ! Allah I s’écria-t-il, plein d’étonnement, il parait que je suis un homme valeureux: il faut que le bruit s’en répande ! »
Son enthousiasme de lui-même fut dés lors si grand qu’il ne craignit pas d’arborer une ceinture sur laquelle il avait fait broder en grosses Lettres :

« J ‘EN ABATS SEPT D’UN COUP ? »

Bientôt, la ville ne lui suffit pas pour clamer son courage; il voulut que l’univers entier connut sa valeur, et son cœur, à cet espoir, frétillait en sa poitrine comme la queue d’un agneau qu’on a caresse.

Il prit donc sa ceinture et se résolut à parcourir le monde. Les cafés maures, dédaignés de lui, n’étaient plus, en effet, un théâtre digne de ses exploits.

Avant d’abandonner sa maison, il ramassa tout ce qu’il avait de précieux, mit un morceau de fromage dans sa poche, sortit et s’en alla vers l’inconnu, à la grâce de Dieu.

Comme il était jeune et leste et très actif, le chemin ne l’effraya pas, et longtemps, longtemps, il marcha sans éprouver la moindre fatigue. Il arriva ainsi devant un palais entouré d’un vaste et splendide jardin, dans lequel il entra.

Un magnifique olivier le tenta par son ombrage; sans hésiter, il s’étendit au pied de l’arbre et, tranquillement, s’endormit. Des passants s’arrètèrent, admirant sa bonne grâce et, stupéfaits, contemplèrent les mots brodés sur sa ceinture. « Sept d’un coup ! disaient-ils; quel est donc ce foudre de guerre, et que vient-il faire par ici?»

Vite, ils allèrent conter leur découverte au Bey, qui justement demeurait dans le palais, ajoutant (que c’était sans doute un puissant seigneur en quête d’aventures glorieuses. Ils ne tarirent point en éloges sur la bonne mine du jeune homme, et demandèrent de se l’attacher par ses bienfaits, car il pouvait être d’un précieux appui si la guerre venait à éclater un jour.

Le Bey ne se fit point prier, et, par son ordre, une députation d’officiers se rendit auprès du petit fumeur de kif qui, tout étourdi du bonheur qui lui survenait, n’en répondit pas moins crânement qu’il était justement venu pour cela. Le Bey lui fit le meilleur accueil, le combla d’honneurs et lui donna logement au palais.

Mais la jalousie, Hélas I est la méchante sœur cadette de la fortune, et, bientôt envié de tous, le petit fumeur de kif se vit en butte à toutes les tracasseries mesquines, mais très timides d’ailleurs, car chacun se disait en lui-même : Je ne puis l’affronter seul : que deviendrais- je entre ses bras, à lui qui en tue sept d’un coup !
Ils s’adressèrent au roi, qu’une telle réputation de vaillance avait à la longue indisposé contre lui, et demandèrent leur congé.
Le Bey n’osa refuser et laissa partir tous ses vieux. et loyaux serviteurs.

Il eût préféré de beaucoup se débarrasser de leur rival, mais il n’osait le congédier, de peur d’exaspérer celui qui en tuait sept d’un coup, et qui n’hésiterait pas sans doute à le massacrer pour s’emparer de koursi (trône) el de sa couronne.
Mais le Bey n’en était moins un homme très fin et très madré; il s’avisa d’un expédient qui, selon lui, devait réussir et donner satisfaction à tous.

Il fit venir le petit fumeur de kif el lui annonça qu’il était décidé à lui donner sa fille en mariage, avec, en dot, la moitié de son royaume, à la condition qu’il se rendrait dans la forêt voisine, où deux géants redoutables vivaient de crimes et de rapines. Il importait de débarrasser enfin le pays de ces deux monstres, et c’était une œuvre digne de lui, de sa valeur et de sa réputation. Le Bey termina en annonçant à son champion qu’il mettait cent cavaliers à sa disposition pour l’aider à vaincre les deux géants.

Notre petit fumeur de kif, ébloui, pensa avec raison qu’on ne trouvait pas tous les jours une occasion pareille d’épouser une princesse aussi accomplie, et s’empressa d’accepter la proposition du Bey.
Mais il refusa les cent cavaliers, et déclara qu’il ne les acceptait que comme escorte. Sous aucun prétexte il ne voulait qu’on lui vint en aide, « car, ajout a-t-il, celui qui en tue sept d’un coup n’a besoin d’aucun secours pour venir à bout de deux seuls adversaires, fussent-ils des géants ».
Il se mit donc en route suivi de ses cavaliers, qu’il laissa sur la lisière de la forêt. Avec précaution il entra dans le bois, regardant attentivement autour de lui et rampant avec la souplesse silencieuse du serpent.

Au bout d’un instant, il aperçut les deux géants endormis sous un arbre; leurs ronflements sonores étaient tellement épouvantables que les branches des arbres elles-mêmes en tremblaient.
Notre petit fumeur avait son projet: il remplit tout d’abord ses poches de cailloux; puis, sans perdre de temps, avec l’agilité d’un singe, il escalada l’arbre· qui les abritait et vint se poster sur une branche au-dessus des dormeurs.
Alors, il commença à jeter quelques cailloux sur la poitrine d’un de ses ennemis, que ce choc troubla à peine et qui continua de plus belle à ronfler. A la fin cependant, agacé par les coups répétés, il s’éveilla en grognant et, poussant brusquement son compagnon:
« Pourquoi ma frappes-tu ainsi ? lui dit-il
« Moi ! fit l’autre, tu rêves : je ne t’ai pas touché ! »
De mauvaise humeur, cependant, ils se rendormirent.
Le petit fumeur de kif s’attaqua alors au second géant; un caillou bien lancé l’éveilla tout à fait.
<< Qu’as-tu donc, dit-il, à me frapper de la sorte?
« – Moi ! tu rêves : je ne t’ai pas touché ! »

A nouveau, ils se recouchèrent; mais un caillou plus gros ralluma leur fureur. Ils se ruèrent l’un contre l’autre. Le combat fut terrible; les arbres arrachés devinrent entre leurs mains des massues redoutables; à la fin, perdant leur sang, ils s’étendirent pour ne plus se relever.
Tranquillement alors, notre héros descendit. de son poste, enfonça par deux fois son sabre dans la poitrine de chacun des cadavres, et s’en revinL vers son escorte, anxieuse, attendant la fin du combat qu’elle devinait, mais auquel elle n’avait pu assister.
« C’est fini, dit le vainqueur: je leur ai donné le coup de grâce, Oh! ils ont résisté; mais que pouvaient-ils contre moi, qui en tue sept d’un coup !

« N’êtes-vous pas blessé?
« Moi! je n ai pas la moindre égratignure !
E:t, conduit en triomphe, il revint vers le Bey réclamer la récompense promise.

Mais le Bey tergiversa.
« Ce n’est pas suffisant objecta-t-il; tandis que tu es en train de débarrasser le pays de ces monstres, il te faut retourner dans une autre forêt, voisine encore, où une licorne monstrueuse a établi son repaire, répandant partout à l’entour la terreur et l’effroi. »
Sans répliquer, le petit fumeur de kif prit une corde el une hache et se dirigea en chantant ya ! li li ! ya ! li li ! vers son nouvel ennemi;
celui-ci, à son aspect, se précipita sur lui.
« Doucement, doucement, dit-il : trop vite ne vaut rien ! »

Immobile tant que l’animal ne pouvait l’atteindre, il se déroba tout à coup, très adroitement, à son approche, et se glissa derrière le tronc puissant d’un arbre à sa portée. Lancée à toute vitesse, la bête géante ne put se retenir ni obliquer,
et vint buter furieusement contre l’arbre, dans le tronc duquel sa corne s’enfonça profondément.
La licorne, là, fut rivée, prisonnière.
« Bon !, voici l’oiseau en cage», dit notre héros, sortant de sa cachette.
Il lui passa sa corde au cou; avec sa hahe, et sans efforts, il sépara du corps la corne, qui resta comme vissée dans le tronc de l’arbre; puis, il amena le monstre devant le prince.

Mais, toujours désireux de se soustraire à sa promesse imprudente, le Bey lui dit:
« Il Le reste encore une tâche aussi redoutable à accomplir, mais celle-ci sera la dernière, et je te donne ma parole royale que si tu en viens à bout aussi heureusement que, des deux premières, je ne te demanderai rien de plus, et ma fille sera a toi avec la moitié de mon royaume. »
Il s’agissait cette fois de s’emparer d’un lion qui depuis longtemps faisait de terribles ravages dans là contrée et soumettait le pays à des dîmes incessantes.

Le petit fumeur de kif, comprenant que le bonheur qui l’attendait était digne de tous les exploits, se dirigea sans répliquer vers la caverne du redoutable fauve.
A sa vue, le lion rugit de colère et se rua sur lui avec l’intention évidente de n’en faite qu’une bouchée. Mais il avait compté sans l’ingéniosité du petit homme qui voyant une zaouia ouverte, s’y précipita, la traversa d’un bond et en ressortit par la fenêtre, qu’il ferma; puis, soigneusement encore, il vint fermer la porte, car le lion,
certain de son aubaine, n’avait pas hésité à le suivre, et se trouva prisonnier comme par enchantement.

Cette fois, ne sachant plus que dire, lié d’ailleurs par sa parole royale, le Bey dut s’exécuter. 1l accorda donc la main de sa fille avec la moitié de son royaume.
Les noces furent célébrées en grand apparat, et c’est ainsi que, par la seule volonté et la souveraine bonté d’Allah, il fut fait un grand roi d’un petit fumeur de kif qui, au début de sa carrière, avait tué sept mouches d’un coup.

Conte tunisien traduit par Mustapha Kourda, 1894.

Combat de l’oued Remel en 1782

Les batailles algéro-tunisiennes sont une série de conflits entre la régence d’Alger et la régence de Tunis , l’une d’elles fut la bataille de Constantine en l’an 1782.

Siège de Constantine

Après quinze jours d’une marche pénible, les différents corps arrivèrent en vue de la ville. Des forces considérables défendaient la position de Mansourah. Le lendemain, les deux armées en vinrent aux mains. Le choc fut terrible sans être décisif. Après six attaques successives, la victoire se déclara enfin pour les Tunisiens et s’emparèrent du camp ennemi.

Cette position dominait complètement la ville.

La porte El Kontra étant ouverte, l’état-major tunisien voulait que l’on donnât immédiatement l’assaut, que l’on achevât ainsi la victoire afin de s’en faire un mérite aux yeux de Hamouda Pacha qui aimait beaucoup les braves. Cet avis était bon et l’on aurait dû en profiter puisque les portes étaient ouvertes, ce qui prouvait les bonnes dispositions des habitants. Mais le généralissime des troupes, Soliman Kahia, homme habitué à faire la guerre ainsi qu’on la faisait dans les temps de la chevalerie, répondit aux officiers de l’état-major que-les troupes étaient exténuées, et qu’il serait toujours grand temps d’effectuer l’assaut le jour suivant.

Pendant la nuit, des agents du bey d’Alger s’étaient introduits dans Constantine et étaient parvenus, à force de présents, à changer l’esprit des habitants et à gagner les Flisséens. Ceux-ci s’engagèrent à tourner leurs armes contre Ingliz Bey, leur propre souverain.

Le jour parut, et l’on demeura tout surpris dans le camp tunisien de voir que les habitants avaient non-seulement fermé leurs portes, mais qu’ils les avaient fortifiées. Il fallut donc entreprendre un siège régulier.

Après deux mois d’une défense opiniâtre, les Tunisiens et leur général Soliman Kahia, se décidèrent à donner l’assaut. Mais ce général eut la mal* heureuse idée de recourir à une stratégie surannée et profondément ridicule.

Combat de l’Oued Remel

Il plaça à l’avant-garde des colonnes d’assaut cinq cents chameaux chargés d’échelles et les fit pousser vers la ville. Arrivés aux pieds des remparts, ces timides animaux furent tellement épouvantés par le feu violent que les assiégés avaient ouvert sur eux, qu’ils reculèrent précipita misent et se jetèrent avec leurs échelles sur les troupes qui les suivaient. Le désordre qui en résulta fut si grand que l’on crut à une sortie de la garnison. Ce spectacle était à la fois triste et risible. Pour parer au danger imaginaire de cette prétendue sortie, une partie des troupes s’était hâtée de regagner le plateau de Mansourah pour défendre les pièces qui s’y trouvaient établies.

Après cette échauffourée que l’on pourrait qualifier de défaite, les Tunisiens continuèrent à tirailler sur la ville, sans résultat marqué. Pendant ce temps, la saison mauvaise s’avançait à grands pas; les pluies et le froid faisaient considérablement souffrir les troupes.

Constantine siégée une armée de secours a été annoncée par Alger, et s’était mise en route; elle se composait de quatre-vingt tentes et avait établit son camp à l’Oued-Remel, et s’y retrancha. En même temps, un autre corps algérien, fort de quarante tentes, venant de Bône, s’avançait, à marches forcées.

Le Général Hmida Ben Ayed

A la vue des Algériens, les Tunisiens sous le commandement de Soliman Kahia attaquèrent le camp de l’Ouad-Remel, par la division les cavaliers de l’Arad, sous les ordres de Général Hmida Ben Ayed.

« Un instant, à la vue de leurs adversaires, le courage des Tunisiens se réveilla ; ils sentirent la nécessité de mettre de côté leurs passions, d’oublier leurs querelles , afin de réunir leurs efforts en commun dans la bataille qui allait s’engager. Toutes les dispositions ayant été prises, l’ordre de commencer l’attaque fut donné par Soliman Kahia. Aussitôt, la cavalerie tunisienne, contingent considérable fourni par les tribus de L’Arad et placée sous le commandement de Hmida Ben Ayed, déploya ses nombreux escadrons dans la plaine et fondit avec une intrépidité incroyable sur l’avant-garde algérienne.

Accueillie par une vive mousqueterie et exposée au, feu bien soutenu de la place, la division de Hmida Ben Ayed ne put forcer les rangs  algériens, qui résistèrent bravement à son choc terrible, et elle dut se replier sur le gros de l’armée, Hmida Ben Ayed fut fait prisonnier. Pendant que les Algériens emmenaient ce général, ses mameluks et ses soldats se ruèrent avec impétuosité sur son escorte et le rendirent à la liberté.

Retour à Tunis

Les affaires restèrent en suspens pendant plusieurs jours. A la fin, voyant qu’il lui devenait de plus en plus difficile de tenir devant l’ennemi, Soliman Kahia prit la résolution de battre en retraite. Profitant d’une nuit très obscure, il leva précipitamment son camp et se dirigea vers le Kef.

Bien que cette expédition n’ait pas eu d’issue fort heureuse, elle peut toutefois être considérée comme une victoire, car il est incontestable que les Tunisiens auraient pu pénétrer dans la ville s’ils avaient voulu profiter du moment où les portes en étaient ouvertes.

Les Tunisiens retournèrent dans leur capitale avec toutes les richesses enlevées dans le camp ennemi.

Suite à cette échec Hmida Ben Ayed se fait prisonnier sous ordres du Bey mécontent de cette défaite, Mohamed Hamouda Lasram, chef des zouaouas l’accompagne en signe de compassion et de respect.

Cela ne diminue en rien le dévouement du Caid Hmida Ben Ayed pour son Bey, suite à une nouvelle attaque des algériens, il met à disposition du Bey depuis sa prison toute sa fortune et sa grande cavalerie à son service pour combattre.

Depuis l’affaire de Constantine, les Algériens ne pensaient qu’avec dépit aux pertes qu’ils avaient reçuent. Ils voulurent s’en venger par la conquête de l’île de Djerba. A cet effet, ils opérèrent un débarquement dans cette île ; mais n’en connaissant pas la topographie, ils s’engagèrent imprudemment dans des marais d’où ils ne purent sortir. Pendant neuf heures, les habitants ne cessèrent de tirer sur eux sans que les algériens pussent faire usage de leurs fusils, parce qu’ils avaient jeté dans la mer les munitions et les armes dont le poids gênait leurs mouvements et compromettait les chaloupes dans lesquels ils se trouvaient embarqués.

A la nouvelle du débarquement des Algériens, Hamouda Pacha expédia de suite une escadre pour se porter au secours de l’île de Gerbi. Elle était composée de neufs bâtiments de tous rangs et marchait sous les ordres de Mohammed el Mouraly. Sur ces entrefaites, la flotte algérienne qui avait reconnu l’impossibilité de s’emparer de l’île, avait mis à la voile et s’était rencontrée avec celle des Tunisiens à la hauteur d’Hammamet. Au moment d’engager le combat, le général Mourales fut indignement trahi par ses capitaines qui eurent la lâcheté de fuir devant l’ennemi et ce fut un échec cuisant pour les algériens.

Extrait de “Histoire de Constantine” par Ernest MERCIER. Principales époques de la Tunisie : documents pour servir à l’histoire de ce pays / par A. Oualid

Par Kais BEN AYED


Communiqué de l’ASPB

Le jeudi 29 octobre a eu lieu à Paris, une première réunion de travail entre l’association de sauvegarde du palais Ben Ayed et l’union d’associations internationale REMPART.

Depuis 1966, l’union d’association REMPART réunit en France et à l’International des citoyens bénévoles qui ont la volonté d’agir ensemble pour la sauvegarde, la restauration et l’animation de leur patrimoine. 

Union REMPART organise des chantiers – séjours où des participants venus de tous horizons se rencontrent pour réaliser ensemble et bénévolement une action d’intérêt général autour d’un patrimoine.

En vue de la restauration du Palais Ben Ayed de Cedghiane à Djerba, l’union REMPART à réitérer son intérêt à collaborer avec l’ASPB et à venir dans les prochains mois effectuer une première visite du palais afin de prendre connaissance de son état et de rencontrer les différents acteurs de ce grand projet notamment l’institut national du patrimoine et les associations qui agissent pour le patrimoine de Djerba. L’objectif étant de réaliser une première action en organisant un chantier de bénévole durant l’année 2021, si la situation sanitaire le permet.

1794: les tripolitains attaquent Djerba

En l’an 1794, dans la nuit du lundi au mardi 27 septembre, neuf vaisseaux chargés d’un millier de soldats et commandés par Kara Mohammed arrivèrent de Tripoli. Ils étaient envoyés par Ali Borghel, où il se proclama gouverneur de cette ville après la fuite d’Ali Pacha El Ghrormali qui était allé se réfugier à Tunis avec tous ses enfants. Les vaisseaux jetèrent l’ancre sur la côte Sud du mouillage de Romela, près du bordj Aghir. Dans le premier tiers d’une nuit sombre et pluvieuse, les troupes tripolitaines descendirent à terre. Elles furent reçues par les Djerbiens, non partisans de la guerre qui étaient allés au devant d’elles pendant que le reste de la population se reposait insouciante. Les troupes tripolitaines réparties en trois corps firent leurs préparatifs pour le combat et le lendemain matin, à la pointe du jour, se répandirent dans l’île.

Chitiha Arabe de Djerba

Informé de l’arrivée des troupes, le Caïd Hmida Ben Ayed alors gouverneur de Djerba, mit son harem en sûreté dans la Zaouïa Abi-Zid et grimpa sur une monture au bordj El Kebir où il fut suivi de tous ses serviteurs. Les Tripolitains et les Djerbiens qui s’étaient joints à eux se rendirent dès le matin dans l’habitation du Caïd où ils se livrèrent au pillage, et un des serviteurs de ce dernier, Hafid El Hezami, surnommé Chebaz, ayant été tué, les autres prirent la fuite. Les troupes tripolitaines poussèrent ensuite jusqu’au bordj, d’où elles repartirent aussitôt n’ayant rien trouvé à prendre. Le Caïd Hmida ben Gassem Ben Ayed errait à l’abandon sur la côte lorsqu’il vit arriver un de ses navires, commandé par Abou-Merzak rentrant d’une razzia. Le Caïd monta sur une barque avec le reste de ses serviteurs et parvint ainsi au navire. Il ordonna Abou-Merzak de faire voile pour Sfax où il fut reçu par le Caïd Mahmoud Djellouli qui était venu au devant de lui et qui l’installa avec sa suite dans sa propre demeure. Informé des faits qui s’étaient passés, le jeudi 2 octobre 1794, le Caïd Mahmoud Djellouli en rendit compte par écrit au très élevé Hammouda-Pacha, à qui il envoya un messager.

Devenu le maître de l’île, Kara Mohammed se proclama gouverneur en remplacement du Caïd Hmida ben Gassem Ben Ayad qu’il calomnia ainsi que ses gens. Il se rendit ensuite au Souk El Kebir et fit annoncer par un crieur public, qu’il
accordait l’amen à la population de l’île ainsi qu’aux soldats encore dans les bordjs, qui lui remirent les clés sans résistance. Le samedi 4 octobre, Hammouda Pacha, ordonna ses troupes de reconquérir Tripoli. Il en confia le commandement à Mustapha Khodja, qui emmena avec lui les enfants d’Ali-Pacha El Ghrormali, Ahmed Bey et Youssef-pacha qui furent remis en possession de leurs biens.

Voulant reprendre Djerba, Hammouda fit appel à tous ses sujets tant soldats qu’arabes qui accoururent en grand nombre. Jamais souverain tunisien n’avait jusqu’alors obtenu un aussi gros contingent de volontaires. Le dimanche huit 5 octobre, à une heure de l’après-midi, les troupes se mirent en marche par la route de Kairouan. Le 7 novembre 1794, à une heure de l’après-midi, une immense flotte composée de gros vaisseaux outre les nombreux petits bateaux venus de Sfax, de Tunis et d’autres endroits, partit du port de Halk El-Oued (la Goulette) sous les ordres de El Hadj Ali Djeziri. Arrivée à Sfax, la flotte fut augmentée par des vaisseaux qui étaient venus se joindre à elle et le 25 novembre, la flotte arriva dans la rade de Djerba où elle rencontra des vaisseaux de guerre tripolilains qui s’en fuirent à Tripoli pour informer Ali-Pacha de l’arrivée de la flotte tunisienne à Djerba.

Les vaisseaux restèrent sept jours en rade sans combattre ; mais le huitième, qui était un mercredi, 26 novembre, année 1794, les troupes débarquèrent sur la côte du Bordj Djelidj et Kara Mohammed qui leur avait livré bataille dans l’après-midi de ce même jour fut complètement défait malgré ses retranchements en terre. Après sa défaite, Kara Mohammed s’enfuit avec ses serviteurs sur la côte sud qui est celle où il avait débarqué la première fois. Des vaisseaux tripolitains chargés de matériel de guerre se trouvant à cette même époque dans le port de la Séguia arrivèrent à leur secours et les amenèrent à Tripoli le jeudi 27 novembre. Kara Mohammed était resté maître de l’île pendant cinquante-huit jours. Les soldats tripolitains restés à Djerba devinrent les sujets de El Hadj Ali Djeziri qui fut nommé gouverneur après le départ de Kara Mohammed. Livrés à eux-mêmes et autorisés par El Hadj Ali Djeziri, les soldats Tunisiens pillèrent le Souk El Kebir ainsi que la Zaouïa des Djemeniine qui ne fut pas plus épargnée que le Maâkal (lieu d’asile) du Djamaâ Mahboubine et autres. Tous les esclaves qu’ils rencontrèrent furent pris par eux et ceux qui ne purent être rachetés par leurs maîtres furent emmenés à Tunis.

Deux jours après l’arrivée des troupes tunisiennes à Djerba, Ahmed Gourdji (géorgien), aide-de-camp du Caïd Hmida Ben Ayed arriva avec des Arabes de l’aârad par le passage de Tarbella, précédant de deux jours le Caïd Hemida ben Aïad qui passa par El Kantera suivi d’autres arabes. Après leur arrivée, le Caïd Ben Aïad et son aide-de-camp se rendirent auprès de El Hadj Ali qui était chargé de l’administration de l’Ile où il n’exerça son commandement pendant environ soixante jours. Lors du retour à Tunis de El Hadj Ali Djeziri qui ramena la flotte en parfait état, Hammouda-Pacha qui avait été informé des méfaits commis par lui à Djerba, le réprimanda de la façon la plus sévère au point qu’il en devint fou. Il fut alors mis aux carcan et aux fers où il mourut dans d’affreux tourments.

Il fut remplacé dans son commandement par le Caïd Mustapha Ben Hassine El Kebir qui partit pour Djerba le lundi 15 juin 1795. Destitué lui-même le vendredi, 27 Aout 1795, il fut remplacé par le Caïd Younes, fils du Caïd Hmida Ben Ayed qui arriva à Djerba un vendredi à midi, le vendredi 3 novembre 1797.

K Ben Ayed

Ali Ben Ayed dit Hader Bach

Ali Pacha 1er

Ali 1er Pacha et le fils de Mohamed Bey frère aîné d’Hussein Ier Bey . Il devient gouverneur du Kef et de Sousse puis il est investi comme prince héritier le 17 janvier 1706 par son oncle Hussein et reçoit, à la suite de la demande de ce dernier, le titre de pacha en 1724 de la part du sultan ottoman.

Ali Pacha 1er est remplacé par son cousin Mohamed Rachid, le fils aîné d’Hussein Bey, en 1726. Il se réfugia à Alger, où, après avoir langui de nombreuses années, il finit par obtenir du Dey une armée qui le remit en possession de ses États. Il parvient à déposer son oncle Hussein Ier Bey le 7 septembre 1735 avec l’aide des troupes du dey d’Alger : il fait son entrée solennelle dans Tunis, précédé de son fils aîné Younès, en promettant aux habitants que leurs biens seraient respectés.

Ce qui n’empêche pas, durant les jours suivants, l’armée du dey d’Alger, campant sous les murs de la ville, de piller les magasins et les demeures particulières.  Le trésor était épuisé. Ali Pacha 1er ne pouvait faire face aux exigences de ses alliés; et un jour, lassé d’attendre, les chefs de l’armée algérienne vinrent lui signifier au milieu de sa cour, qu’ils avaient résolu, ou d’obtenir le payement qui leur était du, ou de le ramener à Alger comme leur gage. Le malheureux prince se désespérait: il n’avait ni crédit ni argent, “Qui donc me sauvera? ” criait-il dans son angoisse. L’oncle du général Hmida Ben Ayed, Hadj Ali-Ben Ayed le djerbien, était présent :

— Moi ! répondit-il.

— Insensé! où trouveras-tu tant d’argent?

— Combien vous faut-il?

— Il fallait quatre millions.

— Hader Bach ! je suis prêt ! répliqua Hadj Ali, et il versa immédiatement l’énorme somme nécessaire pour délivrer le pays du poids de cette occupation. Ali Ben Ayed de Djerba paya cette somme en pièces d’argent qu’il fit charger sur 35 mules, et Ali Bey s’engagea à verser un tribut annuel de 50 000 piastres au Dey.

Le jour du départ de l’armée algérienne, une illumination générale célébra la générosité d’Hadj Ali Ben Ayad et la délivrance de la ville. La reconnaissance du peuple décerna au libérateur pour surnom le mot qu’il avait prononcé, en faisant son offrande; il devint désormais son nom : Hader Bach l je suis prêt !

K.BENAYED