1794: les tripolitains attaquent Djerba

En l’an 1794, dans la nuit du lundi au mardi 27 septembre, neuf vaisseaux chargés d’un millier de soldats et commandés par Kara Mohammed arrivèrent de Tripoli. Ils étaient envoyés par Ali Borghel, où il se proclama gouverneur de cette ville après la fuite d’Ali Pacha El Ghrormali qui était allé se réfugier à Tunis avec tous ses enfants. Les vaisseaux jetèrent l’ancre sur la côte Sud du mouillage de Romela, près du bordj Aghir. Dans le premier tiers d’une nuit sombre et pluvieuse, les troupes tripolitaines descendirent à terre. Elles furent reçues par les Djerbiens, non partisans de la guerre qui étaient allés au devant d’elles pendant que le reste de la population se reposait insouciante. Les troupes tripolitaines réparties en trois corps firent leurs préparatifs pour le combat et le lendemain matin, à la pointe du jour, se répandirent dans l’île.

Chitiha Arabe de Djerba

Informé de l’arrivée des troupes, le Caïd Hmida Ben Ayed alors gouverneur de Djerba, mit son harem en sûreté dans la Zaouïa Abi-Zid et grimpa sur une monture au bordj El Kebir où il fut suivi de tous ses serviteurs. Les Tripolitains et les Djerbiens qui s’étaient joints à eux se rendirent dès le matin dans l’habitation du Caïd où ils se livrèrent au pillage, et un des serviteurs de ce dernier, Hafid El Hezami, surnommé Chebaz, ayant été tué, les autres prirent la fuite. Les troupes tripolitaines poussèrent ensuite jusqu’au bordj, d’où elles repartirent aussitôt n’ayant rien trouvé à prendre. Le Caïd Hmida ben Gassem Ben Ayed errait à l’abandon sur la côte lorsqu’il vit arriver un de ses navires, commandé par Abou-Merzak rentrant d’une razzia. Le Caïd monta sur une barque avec le reste de ses serviteurs et parvint ainsi au navire. Il ordonna Abou-Merzak de faire voile pour Sfax où il fut reçu par le Caïd Mahmoud Djellouli qui était venu au devant de lui et qui l’installa avec sa suite dans sa propre demeure. Informé des faits qui s’étaient passés, le jeudi 2 octobre 1794, le Caïd Mahmoud Djellouli en rendit compte par écrit au très élevé Hammouda-Pacha, à qui il envoya un messager.

Devenu le maître de l’île, Kara Mohammed se proclama gouverneur en remplacement du Caïd Hmida ben Gassem Ben Ayad qu’il calomnia ainsi que ses gens. Il se rendit ensuite au Souk El Kebir et fit annoncer par un crieur public, qu’il
accordait l’amen à la population de l’île ainsi qu’aux soldats encore dans les bordjs, qui lui remirent les clés sans résistance. Le samedi 4 octobre, Hammouda Pacha, ordonna ses troupes de reconquérir Tripoli. Il en confia le commandement à Mustapha Khodja, qui emmena avec lui les enfants d’Ali-Pacha El Ghrormali, Ahmed Bey et Youssef-pacha qui furent remis en possession de leurs biens.

Voulant reprendre Djerba, Hammouda fit appel à tous ses sujets tant soldats qu’arabes qui accoururent en grand nombre. Jamais souverain tunisien n’avait jusqu’alors obtenu un aussi gros contingent de volontaires. Le dimanche huit 5 octobre, à une heure de l’après-midi, les troupes se mirent en marche par la route de Kairouan. Le 7 novembre 1794, à une heure de l’après-midi, une immense flotte composée de gros vaisseaux outre les nombreux petits bateaux venus de Sfax, de Tunis et d’autres endroits, partit du port de Halk El-Oued (la Goulette) sous les ordres de El Hadj Ali Djeziri. Arrivée à Sfax, la flotte fut augmentée par des vaisseaux qui étaient venus se joindre à elle et le 25 novembre, la flotte arriva dans la rade de Djerba où elle rencontra des vaisseaux de guerre tripolilains qui s’en fuirent à Tripoli pour informer Ali-Pacha de l’arrivée de la flotte tunisienne à Djerba.

Les vaisseaux restèrent sept jours en rade sans combattre ; mais le huitième, qui était un mercredi, 26 novembre, année 1794, les troupes débarquèrent sur la côte du Bordj Djelidj et Kara Mohammed qui leur avait livré bataille dans l’après-midi de ce même jour fut complètement défait malgré ses retranchements en terre. Après sa défaite, Kara Mohammed s’enfuit avec ses serviteurs sur la côte sud qui est celle où il avait débarqué la première fois. Des vaisseaux tripolitains chargés de matériel de guerre se trouvant à cette même époque dans le port de la Séguia arrivèrent à leur secours et les amenèrent à Tripoli le jeudi 27 novembre. Kara Mohammed était resté maître de l’île pendant cinquante-huit jours. Les soldats tripolitains restés à Djerba devinrent les sujets de El Hadj Ali Djeziri qui fut nommé gouverneur après le départ de Kara Mohammed. Livrés à eux-mêmes et autorisés par El Hadj Ali Djeziri, les soldats Tunisiens pillèrent le Souk El Kebir ainsi que la Zaouïa des Djemeniine qui ne fut pas plus épargnée que le Maâkal (lieu d’asile) du Djamaâ Mahboubine et autres. Tous les esclaves qu’ils rencontrèrent furent pris par eux et ceux qui ne purent être rachetés par leurs maîtres furent emmenés à Tunis.

Deux jours après l’arrivée des troupes tunisiennes à Djerba, Ahmed Gourdji (géorgien), aide-de-camp du Caïd Hmida Ben Ayed arriva avec des Arabes de l’aârad par le passage de Tarbella, précédant de deux jours le Caïd Hemida ben Aïad qui passa par El Kantera suivi d’autres arabes. Après leur arrivée, le Caïd Ben Aïad et son aide-de-camp se rendirent auprès de El Hadj Ali qui était chargé de l’administration de l’Ile où il n’exerça son commandement pendant environ soixante jours. Lors du retour à Tunis de El Hadj Ali Djeziri qui ramena la flotte en parfait état, Hammouda-Pacha qui avait été informé des méfaits commis par lui à Djerba, le réprimanda de la façon la plus sévère au point qu’il en devint fou. Il fut alors mis aux carcan et aux fers où il mourut dans d’affreux tourments.

Il fut remplacé dans son commandement par le Caïd Mustapha Ben Hassine El Kebir qui partit pour Djerba le lundi 15 juin 1795. Destitué lui-même le vendredi, 27 Aout 1795, il fut remplacé par le Caïd Younes, fils du Caïd Hmida Ben Ayed qui arriva à Djerba un vendredi à midi, le vendredi 3 novembre 1797.

K Ben Ayed

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