Le parcours d’un esclave maltais: le capitaine Gio. Stafrachi.

En plongeant dans les registres de l’archive consulaire française à Tunis du 18-éme siècle, on ne peut rester indifférent face au curieux périple d’un maltais nommé Giovanni Stafrachi, qui se trouvait être en 1788, lorsque la course et l’esclavage étaient d’usages de part et d’autre de la Méditerranéen, esclave du puissant caïd de Djerba, Sidy Hamida Ben Ayed.

Les registres nous apprennent que Giovanni Stafrachi avait un frère nommé Guiseppe, à qui il demanda de venir de Malte à Djerba quelques mois plutôt pour le remplacer. En devenant otage, le caïd avait accordé à Giovanni de “vaquer à ses affaires” à Malte. Quoique l’on puisse penser de cette manœuvre, le maltais n’abandonna pas son frère puisqu’après 15 mois, il était de retour à Djerba. Une fois la mission accomplie Giuseppe, illettrée se rendait à Tunis au fondouk des français où il consignait toute l’affaire en chancellerie déclarant ce qui suit.

Déclaration du nommé Giuseppe Stafrachi maltais, en faveur de son frère Giovanni Stafrachi, esclave de Sidy Hameida Ben Ayat, caïd de Gerbé.
L’an mille sept cent quatre vingt huit, et le premier jour du mois de Décembre avant midi, par devant nous chancelier du consulat général de France en cette ville et royaume de Tunis, soussigné et des témoins bas nommés, a été présent le nommé Giuseppe Stafrachi maltais, frère de Giovanni Stafrachi esclave de Sidy Hameida Bin Ayat Caïd de Gerbé, lequel a déclaré et déclare par ces présentes qu’il s’est rendu volontairement et sans contrainte de Malte à Gerbé, en qualité d’otage, au lieu et place de son dit frère pendant l’espace de quinze mois, pour que celui-ci, avec la permission de son patron, fut libre de se rendre à Malte et y vaquer à ses affaires, et que son dit frère, esclave, ayant été reconnaissant du service qu’il lui a rendu, il promet de ne lui faire aucune demande à ce sujet, ni de le rechercher pour raison de ça, et nous a requis acte de la présente déclaration que nous lui avons concédé, tout et publié au dit Tunis en cette chancellerie du consulat de France, en présence des Sieurs Dominique Arnaud et François Louis Niaire, témoins requis et signés avec le dit déclarant et nous dit chancelier fait le dit Giuseppe Stafrachi ne sachant écrire a fait une croix ./.

Les Stafrachi en déclarant la situation aux autorités françaises espéraient-il obtenir une aide quelconque ?

En tout état de cause, deux années plus tard, le 2 novembre 1790, Giovanni Stafrachi regagnait sa liberté en ayant rempli “ses obligations” comme il le déclare dans le contrat de rachat ci-dessous. On y apprend qu’avec le concours d’un négociant génois Nicolas Borzone, ils parviennent à racheter la liberté de deux autres esclaves maltais, sous conditions de remboursements des sommes avancées.

Contrat de rachat des nommés Angelo Broll et Giovanni Ferrugi Maltais ci-devant esclaves de Sidy Hamida Ben Ayed.
L’an mille sept cent quatre vingt dix et le deuxième jour du mois de novembre avant midi, par devant nous chancelier du consulat général de France en cette ville et Royaume de Tunis, soussigné et des témoins bas nommés, sont comparus les nommés Angelo Broll et Giovanni Ferrugia Maltais, ci-devant esclaves de Sidy Hamida Ben Ayat Caïd de Gerbé lesquels nous on dit et déclaré avoir été racheté par l’entremise du Sieur Nicolas Borzone négociant génois, résidant en cette ville, en vertu de son obligation en vers Sidy Ahmed El Chabba, procureur fondé de Sidy Hameida Bin Ayat, de la somme de mille écus de Malte payables sous les termes de deux mois et demi, pour le rachat des deux sus dit esclaves, laquelle obligation est en date du 30 octobre de cette présente année et de plus la somme de cinq cent piastres de Tunis, le sieur Giovanni Stafrachi, ici présent déclare avoir avoir fait son obligation en vers le sus dit Hameida Ben Ayat, sous la condition que les deux sus dits esclaves lui rembourseront la dite somme à Malte, vingt jours après avoir eu l’entrée et en outre la somme de cent trente sept piastre de Tunis pour les donations d’usage aux officiers du Barde, et ceux de la Marine, frais de leur passage et ce ce présent acte que le sieur Nicolas Borzone s’oblige à payer, fait et publié au dit Tunis en cette chancellerie de France en présence des sieurs Joseph Etienne Farmin et Jacques Bouzige, témoins requis et signé avec les dits Angelo Broll et Giovanni Ferrugia, le dit Giovanni Stafrachi, le sieur Nicolas Borzone et nous dit chancelier à l’original, les dits Angelo Broll et Giovanni Ferrugia ne sachant écrire … ont fait chacun une croix .

On apprend aussi, qu’un mois et demi plus tard, le 17 décembre 1790, Giovanni Stafrachi affrète la tartane Le Saint-Antoine commandé par le capitaine Jacques Antoine Barberousse de la Ciotat pour un voyage de la Goulette à Malte où son voyage prendra fin.

Affrétement de la Tartane Saint Antoine Capitaine Jacques Antoine Barberousse de la Ciotat, en faveur du nommé Giovanni Stafrachi Maltais.
L’an mille sept cent quatre vingt dix et les dix septième jours du mois de décembre avant midi, par devant nous chancelier du consulat général de France, en cette ville et Royaume de Tunis, soussignés les témoins bas nommés, fut présent le capitaine Jacques Antoine Barberousse de la Ciotat, commandant la Tartane le Saint-Antoine, actuellement ancré en cette rade de la Goulette, lequel cas de son gré et libre volonté l’a affrété d’un parapet à
l’autre de la portée qu’elle se trouve, en état de navigation sous les réserves du carré d’estive et autres lieux d’usage pour l’eau, câbles provisions et équipage au nommé Giovanni Stafrachi, maltais, ici présent en acceptant aux conditions et pactes suivant:
1) le présent voyage sera de cette rade de la Goulette à Malte où il sera terminé accordant le dit Capitaine à son affréteur quinze jours courant d’Estérie qui commencerons à compter du jour qu’il aura mis son dit bâtiment en rade, et deux jours de sur Estérie, à raison de deux sequins zermaboubs par jours, payables journellement et l’oblige de mettre à la voile, si le temps le permet, dès que son affréteur lui aura remis ses expéditions.

2) Tous les frais concernant les chargements seront acquittés par le dit affréteur et ceux attenant au bâtiment par le capitaine qui placera cinq passagers sur la courante, et donnera une place à son dit affréteur dans la grande chambre.
3) Le dit affréteur ne pourra charger le bâtiment qu’a vue navigation et de façon que la perçante soit au dessus de l’eau.
4) Le présent affrètement est fait et passé pour le prix et somme de cinquante sequins zermaboubs du Caire de poids et bon or, ou leur juste valeur en écu de Malte, à raison de trois écus pour chaque sequin zermaboubs et cinq pour cent de chapeau, et le dit affréteur est convenu avec le dit capitaine qu’il partageront entre eux le compte à venir, le fret des denrées qu’ils pourront trouver à embarquer d’ailleurs des particuliers en sus les soixante cinq ou soixante dix caffis de carambole que le dit sieur nolisataires doit embarquer ainsi d’accord et convenu entre les parties sous … promesses, obligatoires, renonciatrice et ferment, dont acte fait et publié au dit Tunis en cette chancellerie en présence des sieurs Joseph Etienne Farmin et Jacques Bouziges témoins requis et signés avec les parties et nous dit chancelier ./.

Après avoir vécu une telle expérience, il serait un impensable que Giovanni Stafrachi s’aventurerait une nouvelle fois aux abords de Tunis. Et pourtant, le voici moins d’une année plus tard, le 6 octobre 1791 de nouveau dans la chancellerie du fondouk des français mais pour y faire cette fois-ci affaire avec son ancien patron Sidi Hameida Ben Ayed. Le maltais achetait par l’entremise d’un des hommes d’affaire du caïd, un pinque génois prise faite par l’un de ses corsaires pour la somme de cinq cent sequins comme le mentionne le contrat ci-dessous.

Contrat de vente d’un pinque appartenant à Sidy Hamida Bin Ayat (Ben Ayed), caïd de Gerbi, en faveur du Sieur Giovanni Stafrachi Maltais.
L’an mille sept-cent quatre-vingt-onze et sixième jour du mois d’octobre après-midi. Par devant nous Chancelier du Consulat Général de France en cette ville et Royaume de Tunis, soussigné, et des témoins bas nommés, est comparu Sidy Hameida bin Aly Cassem, homme d’affaire de Sidy Hameida Bin Ayat, a cédé, vendu et transporté au sieur Giovanni Strafachi Maltais, icy présent, stipulant et acceptant, savoir, un pinque Napolitain à deux mats, de la portée d’environ deux cents caffis mesures de ce Royaume avec tous ses agrais et apparaux, appartenant au dit Sidy Hameida Bin Ayat, prise faite par un corsaire de cette Régence, lequel pinque a été vendu pour le prix et somme de cinq cent sequins « zermaboubs », franc et libre de tous droits quels conques, laquelle dite somme de cinq cent sequins « zermaboubs » le dit Sidy Hameida Bin Cassem déclare et confesse avoir reçu coût présentement comptant en sequins « zermaboubs », au vû de nous dit Chancelier et Témoins du dit Giovanni Stafrachi Maltais acquéreur, et le dit Sidy Hameida Bin Aly Cassem en sa sus dites qualité et au nom de Sidy Hameida Ben Ayat caid de Gerbé, s’est démis et dépouillé du dit pinque, et en a bien et … investi le dit Sieur Giovani Strafachi Maltais acquéreur, pour en prendre possession et jouissance dès ce jour, et en faire et disposer à son plaisir et volonté, comme chose lui appartenant en propre, moyennant la sus ditte somme de cinq cent sequins « zermaboubs » qu’il reçut et dont il tient quitte le dit Sieur Giovanni Stagrachi Maltais acquéreur, avec promesse de garantie, et qu’il ne lui sera jamais fait aucune recherche à raison de ce, sous l’obligation de tous ses biens présent et avenir. Dont acte, fait et publié au dit Tunis, en cette Chancellerie de France, en présence des Sieurs Jacques Bouriges Victor Bonhomme, témoins requis et signés avec le dit Sidy Hameida Bin Aly Cassem, le Sieur Giovanni Strafachi acquéreur et nous dit Chancelier.

Nous n’avons trouvé aucune trace de la précédente vie de Giovanni Stafrachi. Son nom n’apparait plus dans les registres consulaires français après avoir acheté le pinque du caïd de Djerba. On pourrait cependant penser qu’avant sa capture le maltais aurait été membre d’équipage ou capitaine, hypothèse qui se confirme car son nom réapparait dans les registres du port de Trieste en Italie en 1814. On y fait apprend que le capitaine Giovanni Stafrachi fait son entrée arrivant de Smyrne à bord d’un brigantin sous pavillon anglais et portant le nom d’Ulisse…

Extrait de Portata de’ bastimenti arrivati nel Porto-Franco di Trieste

Ce qui est certain c’est que tout comme Ulysse, le capitaine Giovanni Stafrachi aura été profondément marqué par son périple et son passage sur l’ile des lotophages, Djerba.

Kais Ben Ayed

Les frères Hamida et Regeb Ben Ayed durant l’épidémie de peste en 1784/1785

Vente de huit sandals ou soit bateaux de construction tunisienne passée par Sidi Regeb Ben Ayed Douanier en faveur des sieurs Louis d’Audibert Caille et Joseph Cesar Bellier députés, agissants pour la Nation.

L’an mil sept cent quatre vingt quatre (1784), le quatrième jour de mois d’Octobre avant midi, par devant nous chancelier du consulat de France en ce Royaume de Tunis soussigné et témoins bas nommés fut présent Sidi Regeb Ben Ajad, caïd du district de Soliman et Grand Douanier de cette ville dans laquelle il fait sa résidence ordinaire, lequel de son gré et libre volonté, a déclaré, et le déclare par les présentes, avoir vendu et transporté dès maintenant aux sieurs Louis d’Audibert Caille et Joseph César Bellier députés en exercice de la nation française résidente en cette échelle, ici présents, stipulant et acceptants huit sandals ou soit bateaux de construction tunisienne servant ordinairement aux chargements et déchargements des navires marchands avec tous les agrès, apparaux et ustensiles qui leurs sont propres pour être en état de navigation lesquels sandals le dit vendeur a fait apparaitre lui appartenir en propre et promet garantir de tout trouble et empêchement généralement quelconques la dite vente a été faite et passée pour les prix et somme de six mille quatre cent cinquante piastres de Tunis: savoir; 600 piastres, pour prix du sandal que montait ci devant le Rais Mashoud Maabouli, actuellement ancré à Soliman; 650 piastres pour prix de celui que montait ci-devant le Rais Mohamed Maabouli, actuellement ancré au dit Soliman: 800 piastres, pour celui que montait ci-devant le Rais Mohammed Hammami, actuellement ancré au dit Soliman; 700 piastres pour prix de celui que montait ci-devant le Rais Hajat actuellement ancré à la marine; 900 piastres pour prix de celui que montait ci devant de Rais Assan Heggiage, actuellement ancré à la marine; 800 piastres pour prix de celui que montait ci-devant le Rais Ali El Maabouli actuellement ancré à la marine; 900 piastres pour prix de celui que montait ci devant le Rais Mubarec Maabouli, actuellement ancré à la marine; enfin 1100 piastres pour prix de celui que montait ci-devant le Rais Meshoud Boulaba actuellement ancré à Porto Farine; le tout faisant comme il a été dit ci dessus la somme de six mille quatre cent cinquante piastres de cette monnaie que le dit Sidi Regeb Ben Ayed vendeur confesse et reconnait avoir reçu tout présentement comptant, au vu de nous Chancelier et des témoins sous nommés, des mains des Sieurs Louis d’Audibert Caille et Joseph César Bellier députés en exercice de la nation française, auxquels il a fait sa quittance et décharge en la meilleure forme possible, et en faveur desquels le dit vendeur, content et satisfait, s’est démis et dépouillé des huit sandals avec tous les agrès, apparaux, ustensiles qui leurs sont propres pour être en état de navigation aux fins d’en faire jouir et disposer les dits acquéreurs à leurs plaisir et volonté comme chose leur appartenant, a commencé la jouissance de la date du présent acte, promettant formellement, le dit Sidi Regeb Ben Ayad vendeur de leur être tenu de toute garantie et recherche de la part de qui que ce puisse être, à ce jour l’obligation, de tous ses biens présent et avenir. Les dits Sieurs Louis d’Audibert Caille et Joseph César Bellier, députés en exercice, acquéreurs ont déclarés avoir fait l’achat de ces huit sandals, aux fins et la délibération de la nation en date de ce jour, de ses propres deniers et pour son propre compte, suffisamment autoriser à cet effet par Monsieur d’Esparron Vice-consul chargé des affaires du Roy auprès de son Excellence le Pacha Bey de Tunis et de tout acte acte fait et publié au dit Tunis en Chancellerie en présence de Monsieur James Traill consul de Sa Majesté Britannique et de Monsieur Arnold Henri Nyssen consul de leur leurs hautes puissances résidents en cette ville, témoins requis, appelé à soussigné avec Sidi Regeb Ben Ajad, vendeur, les sieurs Louis d’Audibert Caille et Joseph César Bellier Députés en exercice acquéreurs et nous chancelier présent original;
Signataires

James Traill
Arnold Henri Nyssen
Louis d’Audibert Caille
Joseph César Bellier
Sidi Regeb Ben Ayed

Sceau de Sidi Regeb Ben Ayed, Grand Douanier de Tunis.

Sont signataires du contrat les consuls britannique et hollandais de l’époque Messieurs James Traill, et Arnold Henri Nyssen. Leur présence pourrait indiquer que cette transaction était importante pour les intérêts européens. Il ne s’agit donc pas d’une simple opération commerciale, puisqu’en qu’en y mentionne dans le contrat qu’acceptant Sidi Regeb Ben Ayed, il promettait de garantir “de tout trouble et empêchement généralement quelconques“.

Afin de remettre les choses dans leur contexte, en 1784, Hammouda Pacha était au pouvoir depuis deux années et le Royaume de Tunis est ravagé par la Peste. Au mois d’Avril, un capitaine français conduit en rade de La Goulette 150 pèlerins musulmans venus d’Alexandrie. Dix personnes sont mortes de la peste à bord du bâtiment. Le capitaine feint
de l’ignorer pour débarquer ses passagers. Un autre bâtiment français, chargé de pèlerins de la même provenance, arrive à point nommé pour empêcher cette imprudence criminelle C’est déjà trop tard. Dès les premiers jours d’avril, la peste s’est déclarée dans le pays. Elle livre alors plusieurs assauts, progressivement plus meurtriers.

Lucette Valensi dans son article de 1969, Calamités démographiques en Tunisie et en Méditerranée orientale aux XVIIIe et XIXe siècle nous décrit “qu’au premier, qui commence au mois d’avril, tout le pays, et singulièrement les ports, sont rapidement atteints par le fléau. L’hôpital des esclaves, qui accueille les chrétiens, est bientôt plein. Puis la maladie accorde quelques jours de répit au mois de juin. Elle recule, dans la capitale comme dans le sud. Mais c’est pour redoubler de vigueur quelques jours plus tard : elle enlève 90 personnes par jour à Tunis. Elle fauche la population avec la même ardeur dans le Sahel, à Sousse, Monastir, Djemmal, où le nombre de morts s’élèverait à 300 par jour.

L’épouvante est générale; les consulats se ferment sur leurs administrés, pour couper toute relation avec les populations touchées. Pourtant, aux premiers signes d’accalmie, les portes s’ouvrent, et l’on commence à douter du diagnostic, ou du caractère contagieux de la maladie. Laissons parler ce correspondant : c’est, dit-il, « une maladie violente avec bubons, charbons et tous les autres caractères de la peste, mais heureusement pas assez
répandue ni contagieuse pour obliger les francs à se renfermer ». Et il se flatte qu’on en aura été quitte pour la peur. Au contraire, le voyageur Desfontaines, « docteur-régent de la Faculté de médecine de Paris, qui a voulu voir lui-même plusieurs malades », est moins optimiste et « persiste toujours à croire que la maladie qui règne est la peste ».

Son pessimisme est-il fondé ? La maladie paraît décliner au mois de juillet, ne faisant plus que 12 à 18 victimes par jour dans la capitale. En août, on ne signale aucun accident, ni à Tunis ni sur la côte, et toutes les catégories de la population paraissent épargnées, juifs, maures ou chrétiens. La régression du mal contagieux dans la capitale se confirme en septembre et octobre. Mais il frappe ailleurs : dans la région du Kef, où il aurait fait disparaître un tiers des habitants, au large des côtes tunisiennes, notamment dans l’escadre vénitienne stationnée devant Sousse.

Dès la fin du mois d’octobre, la maladie prend une nouvelle vigueur, et ce troisième assaut est le plus long et le plus impitoyable. A Tunis, chaque jour voit mourir plusieurs centaines de personnes . La capitale aurait déjà perdu 18 000 habitants depuis le début de l’épidémie. Elle exerce ses ravages à l’ouest, à Bizerte, où elle enlève 50 à 80 personnes par jour pendant tout le mois de novembre; à Porto Farina; dans la région de Béja. Les campagnes sont aussi désolées que les villes.”

L’épidémie atteindra Djerba au début de l’année 1785. Elle toucha en premier lieu Houmt-Souk, précisément Taourit, puis Ajim, ensuite elle se propagea dans toute l’ile en terminant par les villages de Ouersighen, Cedouikech, Cedriane enfin Temlal. Il y eu de nombreux morts parmi les habitants, a tel point qu’on ne trouvait plus d’hommes pour le transport et l’enterrement des victimes. Dans certains villages ce sont des femmes qui durent transporter les morts sur des montures, ils étaient parfois enterrés sans prière.

Le caïd gouverneur de l’ile était Sidi Hamida Ben Ayed frère de Sidi Regeb. Il se confina dans sa résidence de Cédriane sans en sortir durant six mois ou plus. On ne recensa aucunes victimes parmi ses enfants, ses femmes et ses odalisques vivants dans l’enceinte du palais. Mais il eut de nombreuses victimes parmi ses serviteurs qui vivaient à l’extérieur du Palais.

Extrait d’une lettre du lettre du Cheikh Mohamed Ben Youssef Mosebi.

L’épidémie perdura jusqu’en juillet 1785, puis elle commença à se contenir petit à petit. Il ne resta plus que quelques cas dans les villages de Sedouikech et Cédriane qui furent les derniers atteints en fin d’année.

Texte extrait et traduit d’une lettre du Cheikh Mohamed Ben Youssef Mosebi.

Kais Ben Ayed

Depuis Djerba le Caïd tisse sa toile en Méditerranée

Le règne de Hammouda Pacha a été manifestement l’une des périodes les plus prospères de l’histoire tunisienne où le commerce et l’industrie y ont connus un essor considérable. Ce Bey avait pu compter sur les puissants ministres Youssef Saheb Ettabaâ ou Mustapha Khodja mais aussi sur de riches notables issue des grandes familles tunisiennes telles que les Djellouli, les Belhadj ou encore les Ben Ayed. Ces hauts cadres du makhzen avait entre leurs mains le contrôle de vastes régions, ils purent ainsi accumuler de considérables richesses et développer d’importants réseaux commerciaux leur permettant de devenir les puissants opérateurs économiques du pays.

C’est le cas du caïd de Djerba et de l’Arad, Hamida Ben Ayed grand armateur corsaire dont nous proposons d’en étudier l’exemple à travers l’enregistrement de ses comptes de marchandises envoyées au négociant Pierre Mourié à Marseille, extrait des registres du consulat général de France à Tunis et datant de l’année 1793. Il serait fort intéressant d’en décrypter le contenu pour connaitre qu’elles ont été les parties prenantes mentionnées mais également de connaitre la nature des marchandises qui étaient commercialisées à cette époque de rayonnement économique.

Enregistrement extrait des registres consulaires.

L’an mil sept cent quatre vingt treize le jour du mois d’Octobre avant midy, par devant nous Chancelier du Consulat Général de la République française, en cette ville et Royaume de Tunis … soussigné et des témoins bas nommés, est comparu le Sieur … Sesana, juif premier employé à la Douane de Tunis, homme d’affaire de Sidi Hamida Bin Ayat, frère du Grand Douanier de cette ville lequel a été chargé de sa part de nous remettre le compte en idiome arabe que le nommé Gabriel Juif des diverses … dont il est fait mention dans le dit compte, lesquelles ont été vendues à Marseille par l’entremise du citoyen Pierre Mourié négociant de cette ville, auquel elles étaient adressées, et dont le dit Sieur Sesana Juif en la dite qualité d’homme d’affaires, du dit Sidy Hamida Bin Ayat nous en as requis l’enregistrement … la traduction en français, pour certifiée par le dit compte de Gabriel, que le dit citoyen Pierre Mourié reste débiteur au dit Sidy Hameida Bin Ayat de la somme de vingt neuf mille sept cent trente une livre huit … indépendamment de la partie d’éponges mentionnées dans le dit compte, et aussi d’une branche de corail enchâssée en or massif, qui avait été pareillement … au dit Citoyen Pierre Mourié pour en faire la vente, laquelle dite branche de corail n’est point mentionnée dans le dit compte, et requiert que la sus dite somme des vingt neuf mille sept centre une livre … tournois, soyes payée ou prise courant de la … la monnaie, lors de la date du sus dit compte,

الحمدالله علم الحساب اسلعه الذي سافر بها … فرانصه و تصرف فيها المركانتي موري الفرنصيص

صولدو فنك اول قبض موري فكان بوسيه الف شكوط فرانصيص

ايضاقبله … صوف صافي سعر القنطار

ايضاقبله … حشيشه …

ايضاقبله … حروش صافي … سعر القنطار

ايضاقبله برتيره بقري …

ايضاقبله برتيره نشاب يعطي حسابها موري

الحمدالله علم ما قبض الذي … المركنتي موري المذكور من العدد المذكور علاه هو أوله ستت و عشرين ألف و خمست و سبعين فرنك ايض زاد قبض موري المذكور الف و مأتين و اربعت و خمسين فرنك

Traduction du sus dit compte

Louanges à Dieu. Compte de marchandises que le … Gabriel a portées avec lui en France et qui ont été vendu le Canal ou Citoyen Pierre Mourié Négociant français l’an de l’hégire 1205 , savoir , que le Citoyen Pierre Mourié a retiré du Capitaine Baussier
Milles écus de six livres
… 96138 quintaux laine poids de France à 43. le quintal de France …
… 348 quintaux Séné net poids de France à 26. la livre
… 5879 de Barille net à 8 le quintal
… une partie de cuire bœufs … … Sommes que le dit Gabriel a …
à compte ou montant des marchandises …
En premier lieu la somme des vingt six milles soixante … livre
… reçu ou Mourié Mille deux cent cinquante quatre livres.
De plus le change de la Monnaye de la date sus dites ou compte jusqu’au jour ou les dits fonds rentreront. Traduit conformément au compte en idiome arabe ci dessous par nous dit Chancelier de ce Consulat. Et avons ainsi procédé à l’enregistrement du sus dit compte sur l’original en arabe, lequel a de suite été retiré par le dit Sieur Sesana Juif homme d’affaire du dit Sidy Hameida Bin Ayat, lequel a signé avec le Citoyen Rodrigues et Gabriel Valensi témoins requis et signés avec nous dit chancelier au jour que dessus.

La nature des marchandises envoyées.

Parmi les marchandises mentionnées dans cet enregistrement, nous pouvons relever que Hamida Ben Ayed envoyait à Marseille 93638 quintaux de laine. Ce produit était très répandu en Tunisie et particulièrement dans l’île de Djerba, bastion du caïd. La qualité de la laine et le travail remarquable dont faisait preuves les fileuses djerbiennes en faisait une excellente opportunité pour Pierre Mourié qui n’avait certainement aucun mal à en écouler les stocks en Europe à une époque où les industries textiles commençait à émerger et où la demande commencer à s’accroitre.

On peut aussi citer 348 quintaux de Séné net qui furent envoyés au négociant marseillais au prix de 26 franc la livre. Le séné, Senna Alexandrina ou Sana Makki est aujourd’hui utilisée comme plante médicinale ayant des propriétés laxatives. Le mot séné est d’origine arabe, au 18 éme siècle les feuilles de cette plante étaient séchées puis acheminées en Tunisie par les caravanes venant de Ghadamès. Traill* nous apprend que c’est à partir de 1789 que le commerce des feuilles de Séné avait commencé à devenir significatif. Avant cela cette plante très utilisée en Europe dans l’industrie et la fabrication du papier, n’était que très peu commercialisées par les caravanes arrivant dans la Régence. Traill nous informe également qu’à Tunis, il n’y avait pas de demande pour ce produit. Les marchands de Ghadamès en rapportèrent plus de 3100 quintaux à Djerba, première arrêt des caravanes revenant de l’intérieur Africain. Le Caïd Hamida Ben Ayed qui contrôlait la route du sud avait identifié en ce produit une opportunité commerciale, puisqu’il acheta les 2/3 des quantités disponibles à un prix avantageux de 3 ou 4 franc la livre qu’il exportait ensuite via le port de Djerba vers les plus importantes villes portuaires de la Méditerranée.

Les fonds marins du sud Tunisien, notamment au large de Zarzis, de Djerba ou des îles Kerkennah étaient très propices à la pêche aux éponges. L’éponge tunisienne fine représentait un bon rapport qualité / prix, ce produit avait donc toute sa place parmi les marchandises envoyées en France par le caïd. Toute fois la pêche aux éponges ne connaitra sont apogée qu’au 19 éme siècle avec l’arrivée des grecs.

Autres produits mentionnées, une branche de corail enchâssée dans de l’or massif. Cette merveille subaquatique se trouvait en abondance dans la Régence notamment dans la région de Tabarka et de Bizerte.

Le cuir de bœuf fait également partie de la liste. Il était exporté dans sa forme brute. La tannerie de cuir ou Dar Jeld ne verra le jour que sous le règne de Ahmed Pacha Bey qu’en 1838, dont il confiera la réalisation au français André Faille.

Cette diversité de marchandise permettait à Ben Ayed d’élargir son empreinte sur le marché et d’explorer de nouvelles opportunités en introduisant de nouveaux produits et d’augmenter ainsi ses entrées financières.

Le réseau mobilisé.

Cette opération commerciale qui peut sembler banale en apparence, devait mobiliser un certain nombres d’hommes afin qu’elle soit couronnée de succès. Une analyse plus approfondie du texte nous permet d’identifier plusieurs intervenants.

Outre le caïd Hamida Ben Ayed, il est fait mention de son frère Regeb Ben Ayed qui occupe le poste de Grand Douanier de Tunis, depuis 1773. Ce poste stratégique était déjà occupé par son père Kacem dès 1760, le Grand Douanier avait sous son autorité toutes les autres douanes de la Régence et contrôlait par conséquent toutes les activités maritimes. Regeb cumulait en plus, la fonction de caïd de l’Outan (Cap-bon). Hamida avait lui le vaste fief de l’Aradh ainsi que l’île de Djerba sous son emprise, territoires par lesquels transitaient les caravanes revenant de l’intérieur Africain. Les deux frères contrôler à eux seul une majeur partie des entrants et sortants de la Régence. Ils étaient les premiers à disposer d’informations précieuses notamment le prix des marchandises dans les autres villes méditerranéenne qui leur provenaient des autres villes portuaires. Suivant les besoins du marché la famille pouvait donc diriger ses navires vers la destination qui lui semblait la plus avantageuse pour importer des articles de l’étranger ou inversement exporter les marchandises tunisiennes qu’elle avait à sa disposition dans ses stocks.

Il est également fait mention dans ce document du nommé Sesana, premier employé de la Douane de Tunis introduit comme homme d’affaire de Hamida Ben Ayed et son envoyé auprès de la chancellerie pour accomplir les démarches d’enregistrements. Une autre personne se prénommant Gabriel apparait également comme l’homme a qui la marchandise avait été confiée pour l’amener jusqu’ à Marseille et la remettre au négociant Pierre Mourié en vue de sa vente. ll ne fait donc plus aucun doute que les Ben Ayed pouvaient s’appuyer sur un réseau de négociants européens et juifs tunisiens pour vendre leurs produits en Europe. Ils pouvaient également compter d’un autre côté sur le réseau de la communauté djerbienne ou sfaxienne du côté orientale.

Enfin un dernier acteur figure dans ce document le Chancelier du consulat général de France à Tunis Jean-Baptiste Adanson et le témoin signataire de ce registre Rodrigues Junior. Cet acte d’enregistrement devait s’effectué à l’époque lorsque des européens étaient impliqués dans les opérations commerciales car en cas de litiges entre les parties c’est le Consul qui devra trancher entre les parties et cela devait garantir leurs droits.

En conclusion, le capital de la famille Ben Ayed, associé à un réseau mosaïque composé de négociants transsahariens, djerbiens, sfaxiens juifs tunisiens et européens, ainsi que la diversification des marchandises proposés a permis à la famille Ben Ayed de devenir un opérateur économique d’envergure en Tunisie, et à plusieurs générations de prospérer.

Par Kais Ben Ayed.

*The Abolition of slavery in Ottoman Tunisia. Ismael M Montana 2013.

Marché de 100 quintaux de “Takrouri” entre Tunis et Alger

En épluchant les archives de la Chancellerie du Consulat de France à Tunis, je suis tombé sur un autre document fort intéressant. Il illustre, d’une part le passage du flambeau des affaires d’une génération à l’autre de la famille. En effet, les premiers documents datant d’au moins 1748 font récit de Kacem, puis de son frère Ali devenu Grand douanier de Tunis, ce sont ensuite les enfants de Kacem, Hemida, Caid de Djerba et de l’Aradh et Regeb Caid du Ouatan (Cap Bon) et Grand Douanier de Tunis qui sont cités.

En poursuivant les recherches et sans grande surprise on retrouve les pas du Général Mohamed Ben Ayed fils de Hemida, puis de ses enfants Abderahmen et Mahmoud. Enfin, ce qui rend ce document datant de 1845 si passionnant c’est qu’il nous annonce l’entrée en jeu de Hemida Ben Ayed fils de Abderahmen qui est introduit en tant que chargé de la ferme des tabacs avec son associé Regeb Ben Ayed (fils de Younes). C’est donc une cinquième génération qui se prépare pour assurer la continuité des affaires.

D’autre part, ce contrat nous renseigne sur la diversification des activités commerciales de la famille, puisqu’il est question de la ferme des tabacs, nous avons donc un aperçu des acteurs impliqués et de son mode de fonctionnement. On évoque dans cette convention particulière le commerce d’un produit qui est aujourd’hui illégal mais qui pourrait dans un avenir plus ou moins proche revoir le jour.

Il est sujet de l’achat de 100 quintaux du fameux “tacrouri” ou la chanvre nain, plante connue surtout pour ses propriétés enivrantes mais aussi thérapeutique. Cette plante équivalente au cannabis était consommée sous forme de poudre mélangée avec du tabac et fumée à l’aide d’une pipe. Autre aspect intéressant de ce contrat, ce sont les différentes parties prenantes du marché.

On cite tout d’abord le mandataire qui était en charge de l’enregistrement de cette convention dans les registres de la chancellerie du Consulat Général de France à Tunis, il s’agit du tunisien nommé Haï Cohen. Et cité ensuite le fournisseur du “tacrouri”, il s’agit d’un algérien dénommé Hamda Ben Salem Ezeitouni. C’est un marchand de tabac de Annaba. Le fournisseur étant de nationalité algérienne, l’Algérie ayant été colonisée en 1830 par la France, faisant ainsi partie de ces possessions territoriales, ce contrat passé entre un algérien et des tunisiens doit nécessairement être enregistré dans les registres du Consulat de France à Tunis. En cas de litiges c’est ce consulat qui aura le pouvoir de statuer entre les contractants. Enfin sont cités Hemida et Regeb Ben Ayed, qui sont les commanditaires de ce marché de 100 quintaux de chanvre nain. Les clauses du contrat sont parfaitement claire et bien définie. Enfin une dernière remarque, ce contrat est signé au mois de Joumada Al Awel soit quatre mois avant le mois de Ramadan serait-ce un renflouement des stocks avant l’arrivée du mois sacré ? Je me pose simplement la question d’un point de vue historique. Bien entendu, je n’encourage personne à consommer ces produits ni à s’en approcher.

الحمدالله لقد وكالنا هاي كوهين ان يتوجه لقشلرية بر قنصل جنرال الفرنصيس لأجل ان يكتب في عوضنا الكنتراته معي سي حمده بن سالم الزتوني العنابي في شأن المياة قنطار تكروري الذي اشتريناه منه والذي التزم البايع المذكور توكيلا تاما و ستناد منا بما في الكنتراته المذكور بجميع ما مضمون بها في شأن التكروري صحه و كاتبه رجب بن عياد و فقير ربه حميدة بن عياد وفق الله الجميع

١٠ جمادى الأول سنة ١٣٦١

L’an mil huit cent quarante cinq et le vingt trois du mois de mai, pardevant nous Pierre Augustin Ferdinand Maurin, chancelier au Consulat Général de France à Tunis, et les témoins ci-bas nommés, furent présens le sieur Haï Cohen, sujet tunisien, estimateur attaché à la douane de Tunis, domicilié en la dite ville, fondé de pouvoir des sieurs Redjeb Ben Ayad et Hemida Ben Ayad, sujets tunisiens, fermiers des tabacs, également domiciliés à Tunis, suivant la procuration sous seing privé, en idiôme arabe, ci-annexée, d’une part; Et le Sieur Hamda Ben Salim Ezzeitouni algérien, marchand de tabac, demeurant à Bône, présentement à Tunis, d’autre part; Lesquels ont fait entre eux, par ces présentes, le marché qui suit:

Art. 1er

Le Sieur Hamda Ben Salem Ezeitouni s’engage à fournir dans l’espace de quatre mois, à dater d’aujourd’hui, aux Sieurs Redjeb Ben Ayad et Hemida Ben Ayad, la quantité de cent quintaux (poids de Tunis) de chanvre nain connue en arabe sous le nom de tacrouri, à raison de cent soixante cinq piastres tunisiennes le quintal, vendu en rade de Tunis.

Art. 2

Les Sieurs Redjeb Ben Ayad et Hemida Ben Ayad seront tenus de recevoir cette fourniture dans le terme ci-dessus énoncé et non après, et de payer comptant au Sieur Hamda Ben Salem Ezeitouni au prix stipulé plus haut, la valeur de chaque quantité de chanvre nain qu’il leur livrera, jusqu’à extinction des susdits cent quintaux lorsque cette marchandise aura été reconnue être conforme, sous le rapport de la qualité, aux échantillons existant entre les mains des contractans et portant les cachets respectifs de ces derniers, ainsi que celui de ce Consulat général.

Art. 3

Le Sieur Hamda Ben Salem Ezeitouni s’oblige à faire au Sieurs Redjeb Ben Ayad et Hemida Ben Ayad une première livraison à prélever sur la quantité énoncée dans l’article 1er de vingt cinq quintaux de chanvre nain, dans l’espace de deux mois à compter d’aujourd’hui; à défaut par lui de l’effectuer dans le temps convenu, il sera passible d’une indemnité de deux mille piastres tunisiennes envers les dits Sieurs Redjeb Ben Ayad et Hemida Ben Ayad.

Art. 4

La dite livraison de vingt cinq quintaux effectuée et payée, le Sieur Hamda Ben Salem Ezeitouni aura la faculté de livrer une portée du complément des cents quintaux précitée de chanvre nain ou de renoncer à fournir ce complément, si, dans le délai susénoncé de quatre mois, il n’y a pas de convenance pour lui à maintenir le présent marché qui, dans ce cas, sera résolu de plein droit.

Art. 5

Toute quantité de chanvre nain que le Sieur Hamda Ben Salem Ezeitouni livrera aux Sieurs Redjeb Ben Ayad et Hemida Ben Ayad contiendra par moitié chacune des deux quantités de cette plante dont se composeront les échantillons possédés par les parties.

Art. 6

Les contestations, quelles qu’elles soient qui pourraient survenir entre les Sieurs Redjeb Ben Ayad et Hemida Ben Ayad et le Sieur Hamda Ben Salem Ezeitouni sur l’exécution au présent marché, seront jugées par des experts arbitres qui seront nommés d’office par Monsieur le Consul général de France en cette échelle et à la décision desquels les contractants seront tenus de se soumettre.

Art. 7

Les frais au présent acte seront supportés, savoir: le quart par les Sieurs Redjeb Ben Ayad et Hemida Ben Ayad et les trois quarts restants par le Sieur Hamda Ben Salem Ezeitouni. C’est ainsi que le tout a été convenu entre les parties. Les Sieurs Haï Cohen et Hamda Ben Salem Ezeitouni, auxquels il a été donné lecture, en langue arabe, du présent acte, par l’organe du Sieur Ruben Valensi, courtier-interprète de ce Consulat Général ont déclaré en avoir parfaitement compris le contenu. Fait et payé dans la chancellerie de ce Consulat Général, en présence des sieurs Hippolyte Rey, et Dominique Arnaud, négociant, tous deux français etablis à Tunis, témoins requis, et ont signés, après lecture faite, avec les comparans le Sieur Ruben Valensi et avec nous dit Chancelier.

Par Kais Ben Ayed

Reconstruction 3D du Ksar Ben Ayed – Episode 1

Par M. Raouf Bessghaier

Épisode 1

Avec plus de 15 ans d’expérience dans l’industrie 3D, j’ai développé une expertise polyvalente englobant la modélisation de décors, l’animation de personnages, l’écriture de scénarios et la création de textures pour divers médias tels que le cinéma, la télévision, la réalité virtuelle (VR) et la réalité étendue (XR). Tout au long de mon parcours professionnel, j’ai eu l’occasion de laisser libre cours à mon imagination sur chaque projet. Cependant, travailler sur des projets liés à l’histoire et à sa préservation était un domaine que je n’avais pas encore exploré.
En matière de patrimoine, chaque détail a une importance cruciale et doit être minutieusement étudié. Rien ne peut être laissé au hasard. Après avoir travaillé trois ans sur différents sites patrimoniaux du sud tunisien, j’ai eu l’occasion de découvrir le palais connu sous le nom de Ksar Ben Ayed, situé sur l’île de Djerba. Ce palais est une véritable merveille, regorgeant de détails captivants, chacun porteur d’une histoire riche et fascinante.


Je souhaite vous présenter un aspect remarquable de cette splendeur, à commencer par sa section céramique. Chaque élément est minutieusement fabriqué à la main, dépourvu de couleurs uniformes ou de formes régulières. Chaque carreau est unique, avec ses propres subtilités. La reconstruction 3D a posé un défi de taille, nécessitant l’utilisation d’une tablette graphique pour travailler minutieusement chaque détail à la main et ainsi préserver l’intégrité de l’œuvre originale.


À suivre…!

Lien de la publication de M. Raouf Bessghaier: Episode 1 – Modélisation 3D Ksar Ben Ayed

Par M. Raouf Bessghaier

L’habitation djerbienne (Tunisie)

Figure 1 – Carte de l’île.

On trouve rarement des îlots pendant des siècles à l’abri des vagues niveleuses des “invasions étrangères”; l’Histoire est là pour nous dire que la Tunisie fut un couloir de passage pour les envahisseurs venus “de l’est lointain” et qu’en tant que promontoire “jeté” au milieu de cette marmite méditerranéenne, où bouent depuis plus de 2.000 ans des civilisations diverses et “heurtées”, elle n’a cessé de subir des influences extrêmement diverses. L’Algérie et le Maroc, grâce à leurs régions montagneuses et retirées ont conservé des centres “primitifs”. En Tunisie, je ne pense pas qu’en dehors de l’ile de Djerba on puisse trouver un ensemble autochtone qui se soit maintenu non seulement dans une pureté ethnique relative, mais encore avec ses traditions fondamentales. On peut, pour Djerba, citer le mot de Masqueray : « notre bonne fortune nous a conservé la comme un fragment de haute antiquité ». Sur les rives du continent qui font face à l’ile. le nomadisme tache la steppe de ses tentes sombres et élève les greniers fortifiés de Métameur et de Medenine, Djerba, au contraire, essaime sporadiquement ses habitations sur la totalité des 225 km2 de sa superficie. Identique, quant à sa formation géologique, au climat, à sa pénurie d’eau potable, à son exposition aux vents dominants, l’ile n’est qu’un fragment du continent (fig. 1), séparé de lui par quelques centaines de mètres au point le plus proche. D’un côté, une steppe que la paix peuple péniblement de jeunes oliviers, de l’autre, une ile bourrée d’habitants (l’habitant pour 0,4 hectares) on l’on sent une présence humaine très ancienne et encore bien vivante, où la série des traditions relatives à son établissement révèle plus de choses que la documentation écrite “dite historique”, où sous nos yeux se déroule une tranche du passé extrêmement significative.

Figure 2 – Menzel de Zarzis.

Le premier acte de l’homme est d’assurer son gite et il le fait en suivant des lois le plus souvent inconscientes, agissant selon une tradition dont il a perdu même le souvenir des origines. C’est pour cela que l’habitation est révélatrice de la race, du passé, des coutumes et de l’histoire des hommes. Si l’on élimine de Djerba l’impossible style européen du début du siècle et les atrocités rares, il est vrai, de l’architecture administrative, nous nous trouvons en présence d’un ensemble typique qui ne peut se retrouver ailleurs. Certes les paysages de Zarzis (fig. 2). de Zliten et d’autres coins du rivage des Syrtes rappellent Djerba, mais renseignements pris, nous nous trouvons en présence d’émigrations djerbiennes sur le continent, émigrations récentes à l’échelle historique. Un fait domine : à l’exception des deux bourgades israélites, Hara Kebira et Hara Sgira (et aussi de l’ancien emplacement de cette dernière). il n’existe dans l’ile ni village ni encore moins de ville proprement dite. Houmt Souk débarrassé de sa gangue européenne n’est plus qu’un groupe de caravansérails autour d’un souk restreint, sans aucune habitation proprement dite (fig. 3). Il en est de même de Midoun, d’El May. d’Adjim, de Cédouikech, qui, à l’heure actuelle, trompent l’œil en groupant écoles, poste, marché, pompes à essence et entrepôts, le long de Ia route. Otez l’apport européen du dernier siècle et Djerba apparait telle qu’elle fut durant des siècles : un puzzle de jardins et d’olivettes renfermant chacun son habitation: le menzel. Sa vision aérienne rappelle certaines préparations microscopiques où l’on aperçoit les cellules et leur noyau : les cellules? les propriétés; les noyaux? les menzel.

Figure 3 – Vue aérienne de Houmt-Souk.

Et la comparaison est d’autant plus juste que si l’on enlève le modeste réseau routier de l’ile, il ne reste plus que cet assemblage de nucléoles verdoyantes, ceinturées du vert plus bleu des tabia de cactus avec a l’intérieur, au hasard des plantations, la tache blanche du Menzel. A ma connaissance pas un seul ethnologue ne s’est penché sur la singularité du Menzel djerbien. Les linguistes nous donnent une poétique explication du mot explication au demeurant exacte : Menzel vient du mot n – z – l. qui signifie “camp provisoire” (campement où l’on fait cuire le thé, ou l’on mange des aliments déjà préparés et où l’on ne dort qu’une nuit, très exactement). Les Djerbiens appelleraient ainsi leurs demeures pour signifier la précarité de la vie terrestre en comparaison avec la vie future. Les littérateurs font étalage de leurs impressions et parlent de “fermes fortifiées”, de style “abyssin” ou “égyptien”. Les architectes y ont puisé des idées de formes extérieures; les cinéastes y ont trouvé des décors “rationalistes” ; les artistes un retour conscient à l’étude des volumes et des lignes; les historiens ont parlé du fameux « mystère lybien ».

Il semble que, favorisés par un climat très doux et possesseurs de terres fertiles à l’abri des incursions par suite de leur qualité d’insulaires, les habitants de Djerba aient, des l’antiquité, habité des maisons construites en pierres. A l’époque romaine, les hauts fonctionnaires et les riches commerçants de l’Ifriqiya et de la Byzacène avaient accoutumé de venir oublier chaque année à Meninx puis Girba, pendant quelques semaines, les soucis des affaires, et il n’est pas exagéré de supposer que la capitale, de même que les autres villes principales : Tipasa. Haribus, Thour et Uchium, devaient renfermer des villas somptueuses, analogues à celles que les hiverneurs habitaient ordinairement dans le nord du pays. Les belles mosaïques découvertes à Meninx, ainsi que les vestiges épars ça et là dans la campagne djerbienne, appuieraient, s’il en était besoin, cette hypothèse. Vandales et Hilaliens durent accomplir à Djerba, comme dans le reste de la Tunisie, leur œuvre dévastatrice. Cependant, soit qu’ils fussent pressés de remonter vers le nord, soit que les autochtones, suffisamment nombreux et armés leur en aient imposé, il ne semble pas que l’ile de Djerba ait subi les destructions systématiques qui marquèrent le passage des hordes conquérantes dans leur course vers les riches capitales. C’est ainsi que bon nombre d’oliviers millénaires aux troncs énormes et comme on n’en rencontre nulle part ailleurs dans le sud, continuent à étendre sur le sol leur ombre bien faisante. Les Djerbiens ont-ils toujours, depuis les premiers siècles de l’ère chrétienne, habité des maisons de pierres? On ne saurait le dire. Mais ce qui est certain c’est que depuis des siècles, ils vivent confortablement dans des maisons dont l’architecture n’a pas varié.

Figure 4 – Menzel

De loin, le menzel djerbien offre l’aspect d’une jolie villa perdue dans la verdure et les fleurs (fig4). Presque toutes les maisons de l’île se ressemble. Néanmoins quelques détails architecturaux peuvent être observés plus fréquemment dans certaines régions que dans d’autres. Toutes dérivent de la maison romaine: cour centrale entourée des bâtiments d’habitations, type de maison généralisé en Afrique du Nord. La disposition des pièces ne varie guère la disposition des ghorfa et des coupoles permet une classification. A signaler toutefois les menzel fortifiés de la région d’Adiim aux murs plus épais et où les ghorfa forment bastion. Autrefois les nomades du continent faisaient des incursions fréquentes à Djerba (Adiim est la région la plus proche du continent). Le rôle des châteaux fort de notre moyen âge était dévolu aux mosquées fortifiées qui comportent encore créneaux, machicoulis et meurtrières dans le mur d’enceinte mais la région proche des plages de débarquement devait posséder des constructions assez solides pour permettre de résister aux envahisseurs et de tenir tête jusqu’à ce que les hommes des districts voisins eussent le temps d’arriver. Le menzel, d’autre part, forme un tout s réservé à la vie familiale; alors que, dans d’autres régions, le bâtiment originel s’entoure de constructions diverses dues au hasard (accroissement de la famille, nécessités de travail. hangars, ateliers, huileries, dépôts, etc.. qui, sur le plan, le font ressembler à un cactus qui ajoute feuille sur feuille, au petit bonheur, sans plan d’ensemble), le menzel atteint une formule “définitive”. Pas d’atelier annexe, pas de pièces réservées à d’autres activités que celles de la vie familiale. Il comporte tout ce qui est nécessaire pour la vie de famille et rien de plus. Les ateliers de tissage ou de poterie sont groupés loin des habitations. Les souks sont à un bout de l’île. Les huileries, les fours à chaux et a plâtre, près des “carrières”, le magasin à paille à l’extrémité de la parcelle près de l’entrée, la “maison des étrangers”, tout auprès, loin du menzel, si la famille s’agrandit, si une domesticité plus importante est nécessaire, le Djerbien bâtit un autre menzel sur une autre parcelle. Il ne lui viendrait pas l’idée d’ajouter une aile au groupe de bâtiment existants, d’y adjoindre un atelier, d’y accoter une grange, de le surélever d’un étage. Comme les abeilles dont il possède nombre de qualité, il bâtit une nouvelle cellule semblable à la première. Incapacité? Sagesse peut-être. Le menzel est un tout parfaitement équilibré. La contenance de sa citerne correspond exactement à l’impluvium des bâtiments et à la consommation des habitants, ses greniers à la récolte des quelques hectares irrigués de la propriété, ses celliers à celle des palmiers dattiers et aux denrées importées. L’ile est pleine et nul ne peut étendre son jardin ou son olivette. Le plus riche n’a guère plus d’arpents que les autres, mais son puits est plus profond (fig. 5). sa terre plus soignée, son menzel plus solide. Il n’existe pas plus de grands et de petits menzel que de grandes et de petites propriétés*.

Figure 5 – Puit avec dalou et dromadaire.

*Djerba semble s’être stabilisé au point de vue architectural depuis la suppression de la “chaussée romaine” d’El Kantara. On compte en moyenne à Djerba 5 hectares par menzel. Nombre de menzel dans l’île: 4.749 (1945).

Le menzel djerbien répond à cinq impératifs catégoriques:

1. il assure le logement dans des conditions confortables à un ensemble humain déterminé.

2. il protège les femmes et la vie familiale des regards indiscrets.

3. il assure une protection efficace contre le vent et les intempéries

4. il assure l’alimentation en eau du groupement humain.

5. il n’utilise que les matériaux se trouvant dans l’île.

Pour le premier point le maitre maçon djerbien dispose des données de l’expérience. La famille djerbienne à quelques unités près ne varie guère, son niveau démographique étant maintenu par l’émigration bien connue des Djerbiens dans le bassin méditerranéen. Quand le cercle de famille s’agrandit l’essaimage à lieu et un nouveau menzel s’élève (fig. 6).

Autour d’une cour carrée ou rectangulaire, où se tiennent généralement les femmes et où se font les travaux domestiques, sont disposées trois chambres longues et étroites, le quatrième étant clos par les communs (cuisine, w-c, magasins, entrée à baïonnette, sqifa). A une extrémité de chaque chambre une sorte d’estrade surélevée, la doukana, sert de lit, et sauf a Guellala et à Cedouikech, est surmontée d’une coupole (PI. 1-I). La chambre principale et parfois les autres chambres communiquent par un escalier intérieur avec une petite chambre au premier étage, chambre carrée qui sert d’observatoire et de lieu de réunion ou de repos l’été (PI. I-II). Elle est ouverte soit aux quatre vents (en djerbien. Kouchk), soit seulement au Sud et l’Est (en arabe, Ali). Ce sont ces chambres hautes qui, à l’extérieur, donnent aux menzel cette allure de château avec tours carrées aux angles. Il est à noter que souvent une ou plusieurs tours possèdent un escalier extérieur donnant sur la cour au lieu d’un escalier intérieur donnant sur la chambre. Sous les kouchk, la petite pièce sert de cabinet de toilette, bien primitif il est vrai, mais pratique, de sorte que chaque chambre du menzel possède sa salle d’eau particulière garnie de brik pour l’eau des ablutions et d’un écoulement des eaux usagées. L’hygiène dans le menzel n’est donc pas oubliée, la disposition des cuisines, des magasins à réserve de denrées et des latrines est rationnelle. Les latrines donnent sur une fosse généralement bien close. N’oublions pas que les Djerbiens sont jardiniers et que l’engrais humain est pour eux chose précieuse. Sauf les fenêtres des chambres hautes soigneusement grillées et la porte d’entrée, aucune autre ouverture ne donne à l’extérieur. Les portes qui, de la cour, s’ouvrent sur les chambres, sont étroites et closes à deux battants. Entre la chambre et le mosthan, point de porte mais une tenture. Les petites fenêtres qui éclairent les chambres sont grillées et munie de volets pleins intérieurs*.

La décoration intérieure des chambres est fruste: parfois la doukana est pourvue d’un arc faisant alcôve. Les palintrages des portes en léger défoncement portent au sommet les cinq pointes prophylactiques qui se répètent à la clef de voûte des arcs intérieurs. A noter deux détails pittoresques : sous la doukana une niche sert de « table de nuit » et de réserve pour l’accoucheuse.

Prés de la porte d’entrée un petit trou creusé dans le sol permet le ramassage facile des débris du balayage de la pièce; en effet, le seuil de la porte est surélevé par rapport au sol de la cour et de la chambre afin de faciliter l’ajustage des battants et pour éviter les rentrées d’eau en cas de pluies torrentielles. La porte principale d’entrée, de dimensions restreintes, s’ouvre à l’intérieur par deux battants. Elle est massive et fortement garnie de systèmes en bois pour la bloquer de l’intérieur; une grossière serrure de fer permet de la fermer de l’extérieur. Les anciennes portes deviennent très rares, on peut encore en voir dans les vieilles huileries : elles étaient confectionnées avec des shannour (stipes de palmier refendus) joints par des clous d’olivier durcis au feu. Rien de particulier sur le montage des vantaux qui virent sur une crapaudine dans le sol (nom arabe fels, du nom de l’ancienne pièce de monnaie que l’on plaçait autrefois dans cette crapaudine pour faciliter la rotation et, en haut. dans un trou percé dans la planche fixée sous le palintrage, Ce trou est souvent armé d’une pièce de fer pour éviter l’usure et renforcer l’axe).

Figure 6 – Menzel

Pour le mobilier (du moins autrefois) : des coussins de laine, des tapis et des nattes pour le couchage, quelques coffres rapportés très souvent de lointains voyages Aux murs des images pieuses et les tablettes de bois où s’étale soigneusement calligraphiée la dernière leçon du moueddeb aux jeunes garçons du menzel. D’un mur à l’autre, des cordes d’alfa soutiennent la garde robe et des pièces de literie. Enfin, près de la porte, un clou réservé uniquement à pendre le chapeau de la maitresse de maison. La femme djerbienne se croirait déshonorée de sortir sans son m’dalla, que ce soit de jour comme de nuit. Ces m’dalla si caractéristiques de Djerba sont tressés en palmier et leur forme varie selon chaque cheikhat. D’un diamètre de 25 à 30 centimètres pour les femmes de Guellala et Cedouikech, il s’étale jusqu’à 70 à 80 centimètres pour celles de Midoun. La coiffe s’élève en pain de sucre ou bien s’aplatit en coupole hémisphérique. C’est la copie très exacte de l’antique tolia grecque et non, comme on le dit souvent, du pétase. La porte d’entrée donne dans la sqifa, sorte d’antichambre où l’on reçoit les étrangers à la maison, les fournisseurs, le juif colporteur, où l’on entrepose les “bardas” des montures, le menu outillage de culture, les dalous de puisage, en général, les instruments qui ne doivent pas trainer dehors ni dans la cour intérieure, la sqifa communique avec cette cour par une ouverture percée dans le coin diamétralement opposé à la porte d’entrée pour obtenir un effet de baïonnette empêchant les passants de jeter un regard indiscret à l’intérieur. Souvent cette ouverture est laissée sans porte de fermeture. Point ou peu de clous ornementaux sur la porte, un double dok-dok très simple, l’un placé à la hauteur d’un cavalier monté sur un âne, l’autre plus bas pour les piétons; autour de la porte quelques anneaux de fer scellés dans la muraille pour attacher les montures et éventuellement les chiens de garde.

L’orientation générale du menzel est assez constante et tient toujours compte des vents dominants et de l’éclairage du soleil. La porte est placée souvent à l’Ouest, mais aucune règle précise ne parait observée à ce sujet. Très souvent la chambre principale, celle du maitre de maison est orientée avec la doukana vers l’Est pour des raisons religieuses (Prière). De la visite du menzel se dégage une impression de calme, de sérénité, de bonheur qui semble bien provenir de l’harmonie de sa conception, de l’équilibre de ses proportions et la simplicité de sa construction.

*A Djerba la chambre s’appelle Bit, la maison entière se nomme houch et les petites fenêtres roucha et les petits placards intérieurs des chambres taga.

Dans le menzel il y a tout ce qui est nécessaire, mais pas plus; tout y est calcule, mesuré, pesé pour entrer dans le cadre d’une vie simple mais sans austérité.

Figure 7 – Puits et Menzel (Dessin de Jacques Revault).

Le Djerbien a su réaliser un ensemble que l’on peut qualifier de parfait pour abriter sa vie et celle de sa famille. A l’image de sa conception philosophique de la vie il a créé son menzel, simple halte sur le chemin du futur, il a fait celle halte la plus agréable possible à l’échelle de ses possibilités matérielles.

Sur cette ile naturellement désolée mais que le travail a rendue verdoyante, sur cette ile sans eau courante, sans sources, sans pierres solides pour y tailler des voûtes, sans arbres pour y débiter des poutres, il a, par son astuce et son intelligence. tiré le maximum. Voyons donc comment il s’y est pris.

Figure 8 – Extraction et transport de pierres.

A proprement parler, l’île de Djerba ne possède, comme pierre à bâtir, que le travertin marin qui forme au-dessus des argiles le soubassement géologique du pays (Pléistocène moyen, calcaire brun saumon un peu gréseux à pâte fine) (fig. 7). Ce travertin est classé par les Djerbiens en deux catégories :

1° Le chakhch, plus blanc, facile à tailler, sert pour la construction des arcs, des palintrages, des pieds droits. On l’extrait des carrières de Jouaffar et de Sidi Djemmour.

2° La hajra somm, pierre plus dure et d’aspect légèrement rougeâtre; elle sert pour les murs et la préparation de la chaux. On l’extrait un peu partout dans les dahrat.

Figure 9 – Abri en roseaux.

Ces deux sortes de matériaux ne valent pas grand chose, leur friabilité est grande. Sous l’action du soleil, du vent, de l’humidité marine et de la pluie, ils s’érodent rapidement. (A ce sujet il n’y a pas de meilleur exemple que la forteresse “dite espagnole” d’Houmt Souk dont les moellons sont rongés parfois sur plus de 25 cm. de profondeur). Pour durer il convient de mettre cette pierre à l’abri, ce que le maçon djerbien obtient en la recouvrant d’un enduit épais de mortier, lui-même recouvert d’un autre enduit de chaux grasse renouvelé presque chaque année. Cette absence de pierre de taille ajoute encore à la simplicité de l’architecture djerbienne. Point de colonne possible, mais des piliers épais et massifs. point d’arcatures finement ajustées, mais des voutes lourdes aux claveaux noyés dans le mortier, point de linteaux et de pied-droit sculptés et décorés comme dans le Cap Bon ou même à Gafsa. La pierre n’apparait jamais, seul demeure le linceul blanc de la chaux. Et pour obtenir un aspect agréable de sa construction le maçon djerbien ne peut que jouer sur les lignes générales et l’équilibre des volumes*.

*Nombre de carrière dans l’île: 9. Prix du mètre cube de pierre sorti de la carrière de 70 à 100frs en 1944. 99 fours à chaux dans l’île – Prix de la chaux en 1945 de 450 frs à 500 frs la charge de chameau (chouari) 4 fours à plâtre. Prix de la charge de chameau de 550 frs à 650 frs en 1945.

Figure 10 – Abri en roseaux et menzel.

Pour lier ces pierres entre elles, un mortier de chaux grasse et de sable. Une seule carrière de sable, encore est-elle abandonnée. existe à Cedouikech. Le sable est tout simplement recueilli dans les petites dunes que forme le vent le long des tabia un peu partout. Pour les murs de faible importance, ou tout simplement par raison “d’économie”, le mortier est remplacé par l’argile pétrie et dégraissée avec du sable. En effet la chaux est chère dans l’ile par suite des difficultés d’approvisionnement en bois de chauffage pour les fours.

A signaler un mortier particulier très solide s’il est à l’abri par chaulage : le chaab fabriqué à Guellala en mélangeant moitié chaux et moitié cendre de four de potier. Enfin le maçon emploie le plâtre qui provient des carrières de Béni-Diss et plus souvent des fours de potiers où ces derniers font cuire les blocs de roses de sable trouvées dans l’argile.

Longtemps à l’avance le Djerbien a repéré l’emplacement de son futur menzel. Jamais il ne bâtira sur les ruines d’un ancien, cela porterait malheur, parait-il. D’ailleurs les menzel ruinés sont rares et ceux qui existent ne datent tout au plus que du siècle dernier, lors de l’expédition punitive de Zarroug. Longtemps il en a calculé les dimensions et l’emplacement pour ne sacrifier ni un palmier, ni un grenadier, ni tout autre arbre fruitier; il l’a choisi non loin du puits et sur un terrain propice à la fouille de la citerne. (fig. 8). Les terrassiers sont venus creuser les fondations (de 50 à 70 cm. environ). Les charretiers ont amené les pierres et la chaux: près du puits ils ont aménagé la fosse pour le mortier. Enfin un matin, de très bonne heure, le maitre maçon et ses ouvriers sont venus. Avant le lever du soleil (un mercredi généralement: le mardi est tabou pour entreprendre une construction); ils ont mangé la bsissa, des dattes et bu du lait: puis le futur propriétaire a procédé au sacrifice de fondation: sur l’emplacement du seuil il a égorgé un coq de couleur unie et a déposé une louha ou un moumni (sorte de plaquette d’argent, d’étain ou de cuivre gravée de caractères arabes et de dessins prophylactiques). Le travail a alors seulement commencé. L’équipe comprend le maître maçon assisté de quatre ou cinq manœuvres. Le premier ne fait uniquement que placer les pierres; ses aides les lui présentent et placent le mortier. Le travail avance très rapidement (en une journée de travail l’équipe bâtit un mur de 12 mètres de long sur 4 mètres de hauteur et de 60 cm, de largeur à la base). Comme outils, les outils normaux des maçons, des couffins pour le transport des matériaux et des tamis en alfa et palmier pour le sable.

Figure 11 – Menzel

Quand le mur s’élève un léger échafaudage permet d’atteindre le chantier, Le mur est bâti de façon à présenter du coté intérieur de l’habitation une surface plane perpendiculaire au sol et du côté extérieur un perré sensible à l’œil nu qui donne aux bâtiments djerbiens une allure vaguement égyptienne. Ce dévers a pour but de remplacer les contreforts pour recevoir la poussée des voûtes de couvertures et alléger la construction qui normalement doit être plus étroite au sommet qu’à la base. Le calcul de ce perré est empirique mais se rapproche beaucoup du calcul basé sur les tables actuelles. Si l’habitation doit être recouverte, non pas par des voûtes mais par une terrasse plate le perré est beaucoup moins accentué. Le maître maçon n’ajuste pas les pierres en bâtissant comme le fait le maçon européen, il place d’abord une grosse pierre, puis la cale avec d’autres plus petites (maharoum, pierres servant à caler les grosses pierres) le mortier assure la liaison et l’unité du bloc. Quand le gros œuvre est terminé les aides bouchent les trous laissés entre les grosses pierres sur les surfaces extérieures au moyen de pierre plus petite appelé “march”.

Bâtir des murs est à la portée du premier venu, mais poser par dessus une toiture demande la solution d’un problème ardu. C’est justement le toit des bâtisses qui caractérise un peuple, une époque, un siècle. A Djerba, il ne saurait être question de poutres en bois, encore moins en fer. La terrasse en shannour est lourde, chaude en été, difficile d’entretien; elle devient vite une repaire pour les insectes. Son seul avantage est d’obtenir une terrasse plate, commode pour y faire sécher les dattes, le sorgho, le raisin, les piments, etc. Aussi le Djerbien réserve-t-il ce mode de couverture pour la partie non habitée du menzel : cuisine. dépôt aux provisions, latrines, sqifa encore ne l’emploie-t-il que rarement. Pour bâtir ce genre de terrasse, des stipes de palmier refendus (shannour) sont jetés d’un mur à l’autre, Sur ce champ de simili-poutres on étend à contre-sens un lit de palmes puis, par dessus un lit d’algues de mer. On colmate le tout avec l’argile et on badigeonne à la chaux. Dans certains vieux menzel les shannour sont remplacés par des branches de thuya. Ce bois importé d’Asie mineure et de Cyrénaique servait comme piquets pour les pêcheries fixes; après un long séjour dans l’eau de mer il devient imputrescible*.

* A noter l’emploi de ce matériau pour les plafonds de quelques palais beylicaux de Tunis et des environs.

Figure 12 – Loud de Djerba.

Pour couvrir sa maison, il ne reste plus au Djerbien que l’emploi de la voûte. Mais il y a voûte et voûte. On peut faire une voûte en pierres plus ou moins appareillées. Outre son prix de revient très élevé, cette voute ne saurait convenir. Elle est lourde et exige des murs très épais et très solides des qu’on veut l’élever assez haut. Aussi le Djerbien ne l’emploie-t-il qu’exceptionnellement dans le menzel, pour soutenir une ghorfa par exemple. Il la réserve aux édifices utilitaires. ateliers, huileries, et aux bâtiments religieux : mosquées, zaouia et marabouts. On peut encore faire des voûtes et des coupoles en cailloutis et mortier, dans le genre du béton romain: mais cette construction est également lourde, elle est, de plus, difficile à mener; elle nécessite des coffrages couteux une main d’œuvre spécialisée et dispendieuses. La portée de ces voûtes est limitée et leur solidité très précaire en cas de malfaçon. Le Djerbien bâtit ses voutes et ses coupoles légères rapidement, sans coffrage, tout au plus un gabarit est-il employé pour régulariser les courbes. Sa voûte est isothermique, avantage appréciable en pays chaud. Pour ce faire, il utilise la brique, non la brique rectangulaire celle percée de trous, très difficile manuellement, mais une brique dérivée, semble-t-il, de la brique romaine et que les potiers de Guellala tournent rapidement dans leurs ateliers. Elle a une forme légèrement tronconique terminée du coté de la petite base par un méplat et du côté de la grande base par un hémisphère un peu aplati. Cette forme est parfaitement étudiée; la forme tronconique donne, vue en coupe, une allure de claveau. La différence des diamètres des extrémités donne la courbure de la voûte presque automatiquement, L’ouvrier n’a donc aucun calcul a faire. L’extrémité inférieure de la brique, plate, permet un enduit facile à l’intérieur des voûtes et des coupoles. La forme bombée de l’extrémité supérieure donne une grande solidité et une grande résistance, l’écrasement (forme d’œuf) nécessaire pour les voûtes où l’on peut marcher assez souvent. Enfin une voûte formée de ces éléments présente un lacis de petites cloisons de terre cuite imitant les cellules d’abeilles et forme une couche d’air protégeant de la chaleur ou du froid extérieur. Le poids de la voûte est réduit au minimum, de sorte que les murs peuvent être allégés. La pose est facile et la tenue de l’ensemble beaucoup plus solide qu’avec les briques plates employées dans le Nord de la Tunisie. Pour construire, le maçon place ses briques, arceaux par arceaux, en s’aidant d’un cintre en bois qu’il déplace vers lui au fur et à mesure. Ce cintre ne nécessite aucun échafaudage intérieur, s’appuyant sur les murs où son passage laisse subsister un léger retrait que l’on remarque dans les chambres des menzel. Pour les coupoles, il est indispensable de transformer le plan carré des murs, en octogone se rapprochant le plus du cercle de la coupole. Le maçon remplace les trompes en voûtes ordinaires par un simple palintrage de pierre portant sur deux murs.

Pour les grandes ouvertures : porte d’entrée par exemple, le palintrage en pierre de Djerba aurait à supporter un effort trop grand, aussi les maçons soulagent-ils la portée par un arc de décharge, arc qui est noyé dans la maçonnerie. A ce sujet, il convient de noter pour la construction de ces arcs l’emploi de la règle de plomb. Les pierres à appareiller sont placées à plat sur le sol, et pour ajuster leurs angles, intervient cette règle de plomb qui prend facilement la mesure de la pierre déjà taillée pour la reporter sur celle qui suivra.

Le menzel bâti, l’ensemble de la construction est enduit de mortier (en arabe, liga). C’est à ce moment qu’interviennent les petits éléments. Tout le long des terrasses un rebord étroit est élevé pour retenir les eaux de pluie et les canaliser, c’est le gafoun (de 25 à 50 cm. de hauteur environ). Au sommet des coupoles, on scelle un pied de mosbah lampe à huile vernissée vert) placé à l’envers. Si l’enduit des murs est fait grossièrement, un plus grand soin est apporté à celui de la couverture pour obtenir les pentes d’écoulement des eaux qui, guidées dans les rigoles à ciel ouvert ou dans des tuyaux de poterie de Guellala, vont toutes se déverser soit dans une fesguia (citerne rectangulaire et peu profonde réservée aux terrains mous), soit dans un majen (citerne profonde en forme de bouteille réservée aux terrains durs ou argileux). Avec le mortier le maçon dessine quelques listels très simples a dents ou a grecque autour des ouvertures et, à la hauteur du premier étage, il établit un bandeau saillant qui rompt l’uniformité des murs. Il ne reste plus qu’a bâtir les petits abris extérieurs pour le chameau ou le mulet des animaux n’entrent jamais dans la cour du menzel, seul le mouton de l’Aïd a droit au logement dans la sqifa), le magasin à paille, l’enclos pour le bois où l’on fera la cuisine lors d’un décès dans le menzel) et l’aire de dépiquage (fig. 9 et 10). Enfin quand le mortier sera sec, le menzel recevra sa première couche de chaux qui chaque année sera renouvelée.

Qui a visite un menzel a visité tous les autres. Si l’on songe que depuis des siècles le Djerbien parcourt le bassin méditerranéen puis revient finir ses jours dans son ile, on reste frappé d’étonnement devant sa fidélité à la tradition architecturale (fig. 11). D’Egypte, de Grèce, d’Italie, d’Espagne, d’Asie mineure, il n’a rapporté que de l’argent et quelques coffres bariolés. En aucun coin de Djerba ne se révèlent ces apports étrangers que l’on peut voir dans les banlieues européennes où les styles se mêlent et se heurtent sans se confondre. En parcourant l’ile, la vision des innombrables coupoles et cubes blancs amoncelés sous le soleil violent et le ciel pur rappelle qu’en architecture nos essais les plus modernes se rapprochent de ces constructions primitives. Peut-être faut-il voir dans ce rapprochement un retour aux vraies intentions de l’architecture. La recherche de l’utile, dans la discrétion de son humble nécessité, atteint par les moyens les plus simples, mais avec un sens artistique inconscient, l’accord parfait des volumes, des surfaces et des lignes.

Par J. L. COMBES.

Extrait de Cahiers des arts et techniques d’Afrique du Nord n°5 (1959)

Si Farhat Ben Ayed avec ses hauts et ses bas

Nous retranscrivons ci-dessous un article de Abdelhac paru dans la Jeune Tunisie du 15 Août 1948 à la suite de la mort de Si Farhat Ben Ayed, une figure quelque peu oubliée de la mémoire tunisienne qui pourtant aura été l’un des membres fondateurs du Destour, et qui aura été l’un des acteurs de l’activisme politiques à Paris en 1920.

Si Farhat Ben Ayed

“L’autre jour, nous avons accompagné jusqu’à sa dernière demeure un vieux Tunisien. Il n’était pas tellement âgé, mais avec lui, comme avec ses semblables, disparaissent une époque, des traditions, des souvenirs vécus sur les premiers pas du Destour qui, lui, a vieilli au fil des ans.

Si Farhat Ben Ayed est mort des complications d’une vieille maladie. Ni la discipline souriante du malade, ni sa docilité vis-à-vis des médecins, ni son moral de musulman n’ont pu avoir le dernier mot. Le mal l’a enlevé, sans toutefois le surprendre. Il s’est éteint doucement, plongé, dès les premières heures, dans un état de somnolence où la douleur se perd. Une mort paisible, à l’image du caractère et de la vie du défunt.

Ses parents ont dû regretter de n’avoir pas veillé ni soigné longtemps un être cher ; pour eux, c’eût été une forme de consolation, pour lui, c’était la meilleure façon de les quitter; sur la pointe des pieds, sans déranger personne, en homme du monde.

Toute sa vie, Si Farhat Ben Ayed n’a pas été autre chose. Malgré la vieillesse qui le courbait un peu, la maladie qui détruit souvent les apparences, en dépit de la modicité de la fortune aussi, il a gardé, jusqu’à la fin, une allure distinguée. Avec son complet toujours sombre, son col droit, sa cravate lâchement nouée, son fez incliné en arrière, quelqu’un d’autre aurait figuré un Tunisien moyen ou un fonctionnaire en retraite. Grâce à ses maigres atouts, Si Farhat, à son insu, tenait l’élégance par les cheveux; une élégance authentique, parce que légèrement négligée, à la manière de Maurice Barrés ou de quelque diplomate de la Sublime Porte. Dans son uniforme de garde des sceaux, il devait trancher, à la Cour, sur tant de dignitaires improvisés.

Homme du monde, il le fut surtout en société. Quelqu’un se rappellerait-il d’avoir vu cet homme en colère ? Moi je le trouvais d’une humeur égale, anglaise en quelque sorte, mais point d’air hautain, car il était à la portée de tout le monde, le sourire au visage, le compliment discret et, au bout des lèvres, un souhait au prochain ou une prière au Seigneur.

On peut être l’ami de tous sans être bon vis-à-vis de personne. Bon, sensible a la misère des autres, Si Farhat le fut ; on le savait ou on le devinait; jusqu’où pouvait aller cette sensibilité ? Je l’ai su après sa mort de la bouche des gens du peuple : le laitier, le boucher, l’épicier, le marchand de journaux, le plus éloquent de tous fut le sourd-muet, journalier à Amilcar, mon village.

Les grands savent être généreux, bien sûr. On est encore plus généreux quand on a fait l’apprentissage des privations. Si Farhat en avait vécu des mois et des mois, en plein Paris, alors capitale de l’opulence.

C’était au lendemain de l’autre guerre mondiale. Les promesses des alliés, la Conférence de la Paix, Wilson surtout, et ses 14, principes avaient donné de grands espoirs aux peuples dépendants. Paris devenait le pôle d’attraction de leurs délégations. De Tunis, Thaâlbi est parti le premier. Au service de son pays, il a réalisé une œuvre à laquelle on a cru mettre un terme en le ramenant captif dans sa patrie.

Si Farhat Ben Ayed a déployé, des efforts non moins fructueux. Auprès des ministres, des parlementaires, des journalistes, des hommes de lettres, il a été un démarcheur impénitent de la cause tunisienne. Cet homme a beaucoup fait. Ayant à servir dans les mêmes conditions, j’ose témoigner, sans offenser la vérité, que des Tunisiens œuvrant en France, aucun ne l’a dépassé.

Pour les jeunes qui l’ignorent comme pour les vieux qui l’ont oublié, Si Farhat Ben Ayed est parvenu à réaliser une belle performance avec cette pétition parlementaire en faveur de l’octroi d’un Destour à la Tunisie.

A côté des signatures des hommes de gauche, Si Farhat a pu recueillir l’adhésion des parlementaires de la droite comme Taittinger et le Prince Murat. Tous ces frères ennemis de la politique française se réconciliaient sur le plan des réformes qu’exigeait l’évolution du Protectorat. Ils le faisaient presque tous sans intérêt, comme sans calcul, convaincus et acquis par la sincérité persuasive de notre compatriote. D’aucuns sont parvenus à nourrir à l’égard de notre pays une affection comparable à la sensibilité d’un Pierre Loti aux choses de la Turquie.

Je me rappelle encore les lamentations du père Tridon dans sa « Tunisie Française » de l’époque, quand il faisait à la cause destourienne une guerre sainte de tous les jours. La pétition du Prince Murat, disait alors ce moine ligueur de la Prépondérance, c’était la clé de la maison qu’il fallait rendre à ses propriétaires tunisiens. Excessif, mais un peu vrai. De nos jours, On parlera de la valise et du cercueil, les mœurs ayant évolue.

A l’actif de Si Farhat Ben Ayed, il faut mettre la fameuse consultation juridique Barthélemy er Weiss, sur la légitimité et la légalité constitutionnelle du Destour. Tout récemment encore, on faisait appel à l’autorité des deux jurisconsultes dans le débat constitutionnel dont le dossier est resté lamentablement ouvert.

Il n’est pas question de retracer ici toute l’activité de Si Farhat Ben Ayed à Paris. Je veux simplement noter que ce Tunisien avait servi la cause de Son pays, sans avoir la dialectique de M. Blum, l’éloquence de M. Herriot, encore moins une tête bourrée de connaissances comme un clerc en Sorbonne. Par la distinction des ses manières (c’est beaucoup à Paris), par la bonté de ses sentiments, par son esprit pratique, son bon sens et sa ténacité, si Farhat a été un ambassadeur habile et heureux.

Heureux, il le fut de temps à autre, devant le succès qu’il cueillait comme un fruit au bout d’un labeur persévérant. Dans sa vie matérielle à Paris, il a été plutôt malheureux.

On ne fait pas de la politique à l’étranger avec des sourires et des bénédictions. Il y a des exigences pécuniaires impérieuses. Délégué d’un grand parti, Si Farhat ne pouvait habiter à Paris rue Saint Julien le Pauvre; il fallait être correctement mis, recevoir, inviter du monde et, souvent, gratifier des journalistes qui ne se font pas de leur métier une idée platonicienne.

Au début tout allait bien. Tunis envoyait des fonds. Puis avec le temps, les ressources ont commencé de tarir, jusqu’au jour où Tunis ne répondit presque plus. D’un côté, les sacrifices des supporters avaient des limites, de l’autre, des brebis galeuses (comme il y en a dans tous les partis) trouvaient plus intéressant de garder l’argent là où il est, au lieu de le gaspiller ailleurs.

Des témoins vous raconteront mieux que moi les vicissitudes de la vie parisienne de Si Farhat. Depuis longtemps déjà, il avait quitté le Grand Hôtel; il continuait toutefois à y recevoir son courrier moyennant quelques pièces glissées au personnel. Où est-il allé se loger ? Nul ne l’a su. Probablement dans une mansarde ou dans quelque taudis qu’il gagnait furtivement dans l’obscurité protectrice de la nuit.

Le lendemain, gai, souriant, optimiste, Si Farhat prenait une brioche et un crème bien blanc, au comptoir d’un bar, en compagnie d’un étudiant tunisien dont il réglait, bon gré mal gré, la consommation avec la sienne.

Quand il n’en avait pas les moyens, il fuyait le Quartier Latin, le bar et tous ses compatriotes. Si par hasard, l’un d’eux le repérait quelque part dans le grand Paris, Si Farhat se découvrait à l’instant des obligations politiques qui l’appelaient ailleurs de toute urgence.

Les vrais mauvais jours étaient ceux où il recevait, dans son courrier du Grand Hôtel, une lettre où des intrigants lui disaient, ou lui faisaient décrire la vie facile ou fastueuse de ses camarades à Tunis.

On divise comme l’on peut, même au prix de la souffrance…

Un jour, Si Farhat a cédé en devenant directeur du protocole.

C’est humain, disent ses amis, pour justifier la défaillance. Moi je m’interdis de la juger. Je constate simplement que cet homme, en bon musulman, ne pouvait recourir au suicide. Il lui fallait pourtant vivre. Comment ? quand il n’avait ni des rentes, ni un métier, ni une profession à exercer sous le ciel.

Il a choisi une occupation de figurant dans l’administration de son pays. Et Il a exercée jusqu’à sa mort, sans avoir à desservir une cause ni a compromettre quelqu’un. L’ayant connu durant cette retraite forcée, j’ai discerné dans son regard la gêne où il se trouvait de porter un uniforme. Et j’en ai un peu voulu à des amis communs qui le taquinaient, sans méchanceté. Lui, répondait discrètement, à sa manière, par un sourire mélancolique qui semblait être un long plaidoyer.

Je ne crois pas le trahir en disant que, jusqu’à son dernier souffle, il ne s’est point désintéressé de l’avenir de la Tunisie.

Je l’ai vu pour la dernière fois ; c’était chez lui où j’avais hésité d’aller, de peur de le gêner.

Par l’architecture, la demeure devait lui rappeler ses origines et tout le passé. Le présent ? Des canapés ornés de cretonne autour d’une table couverte de toile cirée. Des journaux, quelques brochures, un vase plein d’œillets.

Nous avons parlé de sa santé, de politique et de fleurs (il tenait à m’offrir les seules qu’il avait). Contrairement à mes prévisions, il s’est plu à me recevoir dans ce cadre modeste. J’étais parfaitement à l’aise. Je dirais même que je l’ai beaucoup aimé ainsi. Un grand seigneur, loin des décors trompeurs de la vie, vous tendant une main affectueuse, vous parlant avec son cœur de nobles sujets.

Croyons-le : malgré les apparences, Farhat Ben Ayed fut un bon Tunisien et un grand honnête homme. Guidé par l’instinct, j’ai pleuré le compatriote et l’ami.”

(La Jeune Tunisie)

15 août 1948

Par Abdelhac

L’armateur corsaire Hamida Ben Ayed et les marins d’Ajim

Les Ben Ayed ont figurés parmi les plus importants armateurs corsaires de la Régence de Tunis de la fin du 18-ème et 19-ème siècle. Nous citons ci-dessous le témoignage du Cheikh Mohamed Al Mosaabi, qui nous raconte l’un des épisodes de cette période.

Liste des armateurs corsaires au début 19 éme siècle.

Au mois de Ramadan de l’année 1200 de l’hégire (correspondante à l’année 1786), le gouverneur de Djerba Sidi Hamida Ben Ayed pris un navire Vénitien et le ramena à Djerba chargé de bois et autre. Le bateau resta quelques jours amarré à Houmt Souk. Le caïd par crainte que les chrétiens ne s’en emparent, voulu le déplacer à la Marsa d’Ajim et envoya des marins de ce village pour cette mission. En chemin, ils croisèrent un grand navire vénitien, venu à Djerba. A leur vue les vénitiens voulurent s’emparer du bateau et commencèrent à le suivre
jusqu’aux abord du phare (Borj Jlij).

Borj Ajim en 1873

Les habitants de cette région s’apercevant de cette traque, se regroupèrent et prirent la mer à bord de leur barque. C’est alors que les marins d’Ajim prirent conscience que les Vénitiens les avaient suivis et qu’ils voulaient s’emparer du navire. Les marins du caïd se rapprochèrent alors de la plage de Borj Jlij et y noyèrent le bateau, puis ils rejoignirent la côte à la nage. C’est alors que les marins de la région montèrent à bord, et enlevèrent une partie de la cargaison et quelques appareils de navigations et autres tandis que les Vénitiens tiraient des boulets de canons. Une fois que les marins reprirent la mer, les Vénitiens rejoignirent à leur tour le bateau au moyen de barques et ayant échoués à le reprendre, ils décidèrent d’y mettre le feu. Ils restèrent un ou deux jours puis ils repartirent.

Borj Jlij en 1890.
Extrait de la lettre du Cheikh Mohamed Al Mosaabi.

Extrait des lettres du Cheikh Mohamed al Mosaabi. Merci à Ramzi Rais.

Par Kais Ben Ayed

Mystery at Ben Ayed

Le Mercredi 5 octobre 2022 nous avions eu le plaisir d’accueillir une équipe venue spécialement de France pour le shooting de la marque So Hélo Bijoux , une expérience formidable qui a permis une belle mise en valeur du palais Ben Ayed.

Retrouver l’intégralité du shooting en cliquant ici.

Merci de votre visite !

PhotographerTHOMAS AUDIFFREN|PhotographerVIVIEN MALAGNAT|VideographerSANDY CLUZAUD|LocationTHE BEN AYED PALACE|Artistic direction & organisationSO HÉLO|Local wedding planner & organisationMAKE MY WED|Artistic direction, design & floralVÉRONIQUE LORRE|DressesGÉRALDINE DAULON|BeautyAFFINITÉ BEAUTÉ|Jewellery & accessoriesSOHÉLO|StationeryINSIEMECREATIONS|ModelLYSA|ModelMORGAN|PastryBNINA DJERBA|Turban and headband – collaborationSO HÉLO & TEJ ALIK|Film labCARMENCITA FILM LAB

Le voyage à Djerba du Baron Heinrich Von Maltzan

Le Baron Heinrich Von Maltzan est un célèbre explorateur allemand du 19 éme Siècle, qui a visité la Tunisie en 1869. Au mois de Février après avoir fait le tour de quelques villes de la Régence, il se rend de Sfax à Djerba par la mer.

Heinrich Von Maltzan

De Sfax à Djerba

Le soir du 12 février, V. Maltzan embarque sur une goélette dont le rais Mohamed et la majorité de l’équipage sont djerbiens. Il est étonné de l’harmonie qui règne au sein de l’équipage et nous donne une brève description du Rais djerbien, qui en tant que pieux musulman prend à sa charge un jeune mi-grec mi-arabe pour en faire un honnête homme et un bon musulman. Il n’hésite pas également à rapparier un compatriote dans le commerce aurait été ruiné en Alexandrie.

Arrivée à Houmt-souk

Mosquée des étrangers en 1848.

Après 48 heures de traversée, le célèbre explorateur fait un arrivée triomphale sur la terre djerbienne, porté sur les épaules des marins. Cela lui évitera de prendre un bain car la mer peu profonde ne permettait au navire même les plus modeste de se rapprocher de la côte. Il est accueilli par l’agent médical du Bey et un commerçant italien qui le conduiront à travers les belles palmeraie à Houmt-Souk, ou se trouve la résidence de fonction du caïd de Djerba, Hamida Ben Ayed récemment investi de cette fonction. Le caïd très cordialement le Baron et ordonne qu’un appartement lui soit affecté durant toute la durée de son séjour. Durant les prochains jours, par suite du mauvais temps, l’explorateur ne se limitera qu’a la visite de Houmt-souk, il cite la mosquée turque et la mosquée des étrangers puis le marché. V. Maltzan est fasciné par le paysage que forme les différentes composantes l’architecture djerbienne, les coupoles blanches des marabouts et des mosquées, les ateliers locaux, ainsi que les arcs et voûtes rondes des bazars, offrent selon lui à ce petit village un aspect très particulier, sans aucun doute l’un des paysages les plus gracieux de l’architecture orientale dit-il. Il visitera également le fort espagnol, et l’église Saint-Joseph et donnera les détails du démantèlement de la Tour aux crânes, qui fut l’un des plus sinistres monuments de l’île.

La tour aux crânes et le fort espagnol en 1848.

Le caïd Hamida Ben Ayed

L’arrivée du voyageur à Djerba coïncide avec la nomination récente de Sidy Hamida Ben Ayed, en tant que caïd de l’île de Djerba, en remplacement du Général Rostem, dont le bilan semblait être catastrophique. Ce dernier est décrit par V. Maltzan comme étant un rapace sanguinaire, “vivant en grande partie à Tunis et ne se souciant guère de la situation de population locale. Il usait des moyens les plus cruels pour extorquer de l’argent n’hésitant pas à faire enchaîner les gens aux arbres, puis les menaçant de les brûler vifs s’ils ne payaient pas, en bref, il remplissait sa bourse sous les larmes et les soupirs de ses subordonnés.”

La Général Hamida Ben Ayed (1875)

Le voyageur semble parallèlement à son séjour avoir mener son enquête sur le nouveau caïd. Pour lui le gouvernement semble avoir pris la bonne décision en désignant, le chef de cette riche famille à ce poste car il constitue selon lui une exception parmi les grands musulmans en général, et les membres de cette famille en particulier. Selon Von Maltzan, le nouveau gouverneur se soucie vraiment du bien-être de ses subordonnés. Loin de forcer le paiement des impôts par la violence, il accorde des facilités et des délais de paiement autant que possible, et ne demande à personne plus que ce qu’il ne peut supporter. Sa façon singulière de rendre justice lui fait gagner l’amour de ses subordonnés. En effet dans la mesure où un accusé est passible de bastonnade, d’emprisonnement et autres moyens habituellement utilisés par les fonctionnaires tunisiens, ce Qâyid semble s’impliquer dans la recherche de la vérité et s’efforce de mettre les choses au clair entre demandeurs et prévenus par des procédures inquisitoires, et contrairement à ses prédécesseurs, il ne requiert d’autres moyens que dans de très rares cas. L’explorateur raconte que : “Le deuxième jour après mon arrivée, j’ai assisté à l’une de ces audiences. Le nombre de plaignants était considérable, mais aucun ne s’en est retourner insatisfait, même les accusés semblaient toujours d’accord avec le verdict. Mais ce qui constitua la chose la plus marquante pour les Djerbiens fut le fait qu’avec l’avènement du nouveau Qâyid toutes les taxes financières dont ils avaient été frappées jusqu’alors furent suspendues. À la suite de la rapacité excessive de l’administration précédente, l’île était redevable de sommes considérable, qu’elle devait payer au gouvernement. Aucune comptabilité n’avait été tenue, cela ne permettait pas donc de savoir le montant des impôts qui avaient été réellement déjà réglées. Le nouveau Qâyid, dans son abondante richesse avait dès le départ, assumé ces sommes comme sa propre dette personnelle. Ces avances seront probablement récupérées par la voie fiscale dans les années avenirs mais cette décision du Qâyid a rendu un service inestimable à tout le pays. Partout à Djerba, je n’ai entendu que du bien du nouveau Qâyid, et même les Européens locaux ne pouvaient rien dire de mal de lui, bien que leurs intérêts fussent mieux sous l’administration précédente.

Visite de Hara Kebira

Malgré, ses compliments sur le caïd V. Maltzan trouve la vie dans la maison du caïd très ennuyeuse. Il est contraint à cause du mauvais de temps de rester en compagnie du fils du dignitaire et de son secrétaire, un juif européanisé, qu’ils trouvent très prétentieux et stupides, car ils ne lui sont d’aucune utilité pour son voyage et ne manifestait pas le moindre intérêt. A la première occasion donc le voyageur se réfugia donc les excursions aux alentours, et il profita d’une après-midi pour visiter Hara Kebira dont il fait la description. Ce petit village lui apparait à première vue pauvre et avec des rues sales. Il se dirige ensuite vers la petite placette où est érigé un petit souk , qui malgré son apparence, présentait une activité commercial importante. Il souligne le contraste avec l’apathie des marchés arabe dans la variété des marchandises qui y étaient proposées à la vente. Afin de fuir le tumulte du marché, il se réfugie dans le silence des synagogues dont il en visite quelques unes. Ils souligne leurs similitudes d’un point de vue architecturale dans leur sobriété et l’absence de décor avec les mosquée djerbiennes qu’il trouve assez belle.

Visite des ruines de Djerba

Après quelques jours à Houmt-souk, apprenant que son voyage allait du retard Heinrich Von Maltzan décide de mettre à profit son temps pour faire un tour des ruines romaines de l’île. Il se rend donc à Ajim dans un premier temps, durant le trajet il est fasciné par la beauté du paysage, avec ses palmeraies et ses oliveraies et la fertilité que procure l’île de Djerba qu’il décrit comme un tapis vert. Le but principal de sa visite à Ajim était d’explorer les ruines des Henchir Bu Ghrara et Henchir Rumiya, mais une querelles de la Tribu Ouerghemas rendant cette excursion très dangereuses, lui fit abandonner cette idée. Il passa la nuit à Ajim où il profita de l’hospitalité du Moqqadem d’Ajim. Le lendemain, il se rendra aux ruines d’El Kantara, où il découvre les restes d’une grande richesse de la capitale qui fut autrefois Meninx. Il se rend ensuite à Ḥenchir Borgo non loin de Cedriane dont qui lui interpelle beaucoup de question. Enfin il décide de rejoindre Houmt-Souk en passant par le pittoresque village de Guecheine.

Embarquement pour Aghir

Le 24 février Von Maltzan embarque depuis Houmt-Souk dans le navire du Rais Amr El Haddad, un drôle de personnage qui lui donnera beaucoup de mal pour se rendre à Tripoli. Après trois heures et à son grand étonnement, les marins jettent l’encre à Aghir, où le voyageur devra patienter encore quelques jours. Il y à terre un logement dans une pièce lugubre au pied du Bordj qui était occupé à cet époque par une garnison de soldat. Il passera ses journée en attendant la venue du Rais, dans la chasse et profitera pour visiter le village de Midoun. Il fera également la rencontre d’un soldat qui lui fera découvrir un spectacle hors du commun et des plus fabuleux qui restera pour lui inoubliable, un festival de danse djerbien (mahfel) organisé dans un décor innatendu une maasara ou huilerie souterraine de Djerba.

Vous trouverez ci-dessous le récit fascinant du passage d’Heinrich Von Maltzan à Djerba extrait de son livre Voyage dans les Régences de Tunis et Tripoli disponible uniquement en langue allemande et que nous avons traduit en langue française pour le plus grand bonheur des amoureux de Djerba.

Voyage-à-Djerba-par-Heinrich-Von-Maltzan-f

Remerciement à M. Ramzi Rais, pour son aide à la reconnaissance de certains endroits de l’île de Djerba.

Par Kais Ben Ayed