Voyage à Paris en 1846.
En 1846, Sidi Mohamed Ben Ayed était envoyé pour la seconde fois en tant qu’envoyé extraordinaire d’Ahmed Bey en France auprès du Roi Louis-Phillipe. L’un de ses objectifs était de préparer le voyage du Bey en France afin qu’un accueil digne des Grandes Nations lui soit accordé.



Le séjour de Sidi Mohamed Ben Ayed en France dura plusieurs mois. Le riche caïd de Djerba avait fait notamment l’acquisition d’un hôtel particulier Boulevard des Capucines, ce qui en fit le premier musulman à avoir acheter un bien immobilier en France. Durant sa mission, son fils Mahmoud Ben Ayed lui avait fait parvenir une demande d’achat de joaillerie pour le compte d’Ahmed Bey à Tunis. Sidi Mohamed Ben Ayed se rendit alors chez l’un des meilleurs joailliers de Paris: la maison Halphen, à laquelle il versa un acompte de 80.000 francs pour la commande d’un certain nombre de création. En Décembre 1847, le Sieur Léon Javal Halphen se rend à Tunis pour la signature d’un commun accord avec Sidi Mohamed Ben Ayed d’un échéancier qui lui permettra de finaliser la vente et de livrer la commande une fois le total paiement des 330,000 francs restants effectués. C’est le document ci-dessous qui sera à l’origine d’une protection accordée par la Grande-Bretagne à l’une des plus anciennes familles de Tunis et que les générations se transmettrons.



Enregistrement d’une obligation de 330,000 Fr souscrite par le sieur Mohamed Ben Ayad en faveur du sieur Leon Javal Halphen mandataire des héritiers
Halphen de Paris.
Je soussigné en vertu de la convention faite ce jour avec M. Leon Javal Halphen, chargé de procuration de Mrs les héritiers Halphen de Paris après lui avoir compté ce jour, pour le compte de ces derniers la somme de quatre vingt mille francs, déclare l devoir pour solde la somme de trois cent trente mille francs que m’engage à leur remettre soit directement, ou à M. Roux de Fraisinnet à Marseille leur représentant de la manière et aux époques suivantes.
50,000 Fr le 19 Janvier 1848
50,000 le 19 Février
50,000 le 19 Mars
50,000 le 19 Avril
50,000 le 19 Mai
50,000 le 19 Juin
30,000 le 19 Juillet
330,000 Fr ensembles
Lors du parfait payement de la dite somme de 330,000 Mrs Roux de Fraisinnet auront à me faire remise des 6 paquets joaillerie cachetés marqués A.B.C.D.E-F déposés entre leurs mains ainsi que de mes 4 engagements.
Si avant les époques sus dites, il le convenait d’effectuer le payement intégral des dits 330,000 Fr il est entendu que les dits paquets joaillerie et mes engagements me seront remis immédiatement.
Tunis l e quatorze d2cembre 1847.
(Et après ce qui précède est écrit en idiome ce qui suit)
اقبل في جميع الإتفاق المبين أعلاه و الكتب من الفقير الي ربه محمد بن عياد لطف الله به ١٦ محرم الحرام سنة ١٢٦٤
Et au dos est un cachet et au milieu duquel se trouvent ces mots en idiome arabes. محمد بن عياد
Enregistré littéralement d’après l’original l’orignal à nous représenté et retiré immédiatement par le sieur Leon Javal Halphen, négociant français, de
passage à Tunis.
Tunis ce dix sept décembre mil huit cent quarante sept. Le second interpréte, chancelier substitué. et approuvé un mot rayé à la sixièe ligne de la seconde
paye au présent enrefistrement. M Portallis’


Affaire de la joaillerie.

Selon le proverbe arabe, “Quand l’homme loyal donne sa parole, il la tient” Sidi Mohamed Ben Ayed en fit de même et rappela à son fils Mahmoud la commande qui lui avait été faite durant son séjour à Paris. Le fils à son tour en informa le Bey. Ce dernier s’étant trop habitué aux beaux cadeaux dont Ben Ayed le comblait refusa de payer. Mahmoud se retrouva rapidement entre le marteau et l’enclume, il devait choisir entre la disgrâce d’un père ou celle de son souverain. Son choix ne tarda pas à ce savoir et devant les pressions du joaillier et du consul général français, il avait décidé de mettre en résidence surveillé son père et de s’accaparer ses biens.




Le vieux caïd n’abandonnant pas la partie si facilement, accompagné de son petit fils Hamida, il décida de s’échapper de sa résidence gardé et se rendirent au consulat général britannique. Mohamed Ben Ayed savait pouvoir compter sur la protection du consul général, Sir Thomas Reade qui quelques temps auparavant avait sollicité les faveurs pour jouer de toute son influence sur le Bey et son gouvernement en vue d’obtenir l’abolition de l’esclavage dans la Régence de Tunis, mission qui fut couronné de succès que toutes les Grandes nations de l’époque saluèrent vivement. Devant un Homme de cette valeur, Sir Thomas Reade usa de tout son pouvoir pour accorder la protection à Sidy Mohamed et à ses descendants (hormis Mahmoud Ben Ayed) à leurs personnes et à leurs bien. Il les accueilli dans son consulat durant près d’un an, et soumis la demande de protection au premier ministre de sa Majesté Lord Palmerston qu’il valida comme en témoigne sa lettre ci-dessus le 15 février 1848.



Certaines personnes de l’époque comme le relate Ibn Abi Dhiaf dans ses récits, suggèrent que tout cette histoire était une mise en scène entre le père et son fils afin de mettre en sécurité une partie de la richesse familiale des exactions du Bey.

Ce qui est sur en revanche c’est que depuis 1848 et jusqu’à l’indépendance de la Tunisie en 1956, les descendants de Sidi Mohamed Ben Ayed bénéficiaient de la protection britannique ce qui leurs évita bien des tracas.
