Une autre version de l’affaire Mahmoud Ben ayed

Après le bey, le Général Sidi Mahmoud Ben Ayed était le personnage le plus considérable de la régence de Tunis .

Il a réussi, grâce à l’héritage familial et aux différentes charges qu’il occupait à se hisser au sommet des responsabilités de la régence et à devenir le fermier général de tout ce qui constituait les revenus de l’Etat : il avait dans ses mains la perception de toutes les contributions en nature et en argent, la disposition de tout le système monétaire , la direction de la banque de Tunis : il était le munitionnaire général de l’armée , le fournisseur de tous les objets requis pour la personne du bey, pour la splendeur de sa cour, pour le besoin de sa maison civile et militaire; en un mot, Ben Ayed était le budget vivant du gouvernement de Tunis.

الحمد لله،
الهمام المقرب الثقة الأحضى الأرضى الأعز أمير اللواء ابننا محمود بن عياد حرسه الله أما بعد السلام عليكم و رحمة الله فانك تخلفت عن القدوم الى المحمدية مدة و تحيرنا من ذلك و المانع خير ان شاء الله و أعلم أنه غدا ليلة الخميس المبيت عندنا بالمحمدية على العادة الدايمة ان شاء الله فاقدم و لا تتخلف الا لعذر و عافاكم الله و ابعث الزلابية و المخارق و المدموجة و العشا مثل العادة و دمتم في أمن الله.
و السلام،
1265 من الفقير الى ربه تعالى عبده المشير أحمد باشا باي وقيه الله آمين و كتب ليلة الأربعاء 11 رمضان 
Lettre de Ahmed Bey demandant des services à Mahmoud Ben Ayed.

Comment, un beau jour , Ben Ayed s’est-il trouvé en délicatesse avec Sidi Ahmed bey ? Si vous écoutez le bey, il vous dira que les comptes de son ministre étaient entachés de graves irrégularités , et qu’en refusant de venir les expliquer lui-même, celui-ci n’a que trop justifié les soupçons qui pesaient sur lui .

Si vous vous en rapportez à Ben Ayed , l’irrégularité des comptes n’était qu’un prétexte. On l’avait desservi auprès de son souverain. Le bey , prêtant une oreille trop facile aux conseils intéressés qui l’engageait à battre monnaie sur le dos de son sujet , ne le rappelait que pour confisquer ses biens et livrer sa personne aux vengeances de ses ennemis. L’histoire de Youssef Saheb Ettaba ministre principal sous Hammouda Pacha, devenu lui aussi trop puissant et que les princes Hussein et Moustapha manipulés par Mohamed Larbi Zarrouk avaient assassinés et avaient également spoliés toutes sa richesse que le ministre avait amassées grâce à son dur labeur n’était guère lointaine dans l’esprit de Ben Ayed et cette histoire risquait de se répéter. Ce qui est certain, c’est que Ben Aved , s’était exilé en France comme envoyé de son souverain, et refusa net de retourner vers lui . Le khasnadar eut beau lui faire, au nom du bey, toutes les agaceries imaginables, Ben Ayed, qui a la prudence du serpent, ne s’y laissa pas prendre. La précaution était bonne.

Aussitôt que le bey avait été informé du refus de son ministre, il avait mis les biens de celui-ci sous le séquestre et retenu ses enfants en otage. Heureusement, Ben Ayed avait pu sauver sa famille, et une partie de sa richesse. A son arrivée à Paris , le général Ben Ayed très habile en affaire achète, d’abord le passage du Saumon, qu’il paya trois millions au duc de Montmorency, puis un hôtel au quai d’Orsay, l’actuel “Hotel Collot” devenu galerie d’art des frères Kugel ou encore la terre d’Epinay, puis enfin des biens dans le Berri . En 1853 on évaluait sa fortune à quarante millions.

Sidi Mahmoud Ben Ayed par Lafosse (1850-1851)

Les choses était poussées au point où elles ne pouvaient plus se dénouer à l’amiable. Ben Ayed réclamait, outre ses propriétés séquestrées, le payement des avances qu’il avait faites . Le bey lui demandait compte de 154,000 mesures d’huile et de 700,000 hectolitres de blé ou d’orge qu’il accusait son ancien sujet d’avoir détournés pour les lui revendre ensuite . L’empereur Napoléon III , choisi pour arbitre par les deux parties , confia l’examen du différend à une commission , dont M. Portalis fut le président. Cette commission, après une longue et minutieuse instruction, balança les prétentions respectives du bey et de son ancien ministre au moyen d’un solde de 34,727,227 francs en faveur de Ben Ayed.

Sentence arbitrale de Napoléon III dans l’affaire BEN AYED – partie 1
Sentence arbitrale de Napoléon III dans l’affaire BEN AYED – partie 2
Sentence arbitrale de Napoléon III dans l’affaire BEN AYED – partie 3

Ce résultat , Ben Ayed le devait en grande partie aux efforts éclairés de son représentant auprès de la commission, M. Charles de Lesseps, frère du célèbre Ferdinand de Lesseps qui fit construire le canal de Suez. Pendant dix-huit mois, M. de Lesseps , un homme considérable , qui a été député et conseiller d’Etat , s’est complètement voué à ce travail au service du général Ben Ayed.

L’histoire loin de s’être terminée, à la mort du général en 1880 à Constantinople dont la fortune s’était fructifié, et qui avait laissé près de 300 millions de franc à ses nombreux héritiers, leur a également légué l’amour des procès. Son fils Ahmed Ben Ayed récupéra le dossier et réussit après de nombreuses années et sous le règne de Sidi Mohamed Naceur Bey réussi à récupérer une partie des biens spoliés qu’il finit par revendre aux enchères.

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