On dit que c’est à son retour de mission en France (1831) auprès du Roi Louis-Phillipe que Sidi Mohamed ben Ayed aurait entrepris, au sommet du Cap Carthage, la construction d’un nouveau pavillon de plaisance. Elevé à l’écart, il devait jouir d’une étendue sur la campagne et sur la mer.
C’est un château de forme circulaire, élégant et bien aéré. De ses nombreuses et belles fenêtres, on domine tout l’horizon, la vue de la mer et des jardins de la Marsa que l’on peut compter, cela ajoutait beaucoup à l’agrément de cette habitation, perchée sur le point le plus élevé des environs.
Mahmoud ben Ayed le rendit célèbre par le luxe qu’il y déploya à l’occasion des fêtes nocturnes auxquelles il conviait ses amis. Le bâtiment se dressait sur une véritable plate-forme émergeant de vergers ininterrompus amandiers, oliviers, vignes, jujubiers partagés par une allée bordée de figuiers.
On peut imaginer le raffinement que Mahmoud ben Ayed se plut à montrer en cet endroit que devait remplir l’éclat des ors, des miroirs et des verreries. Il ne s’agissait plus d’y organiser de froides et cérémonieuses réceptions officielles comme dans les autres palais. Véritable lieu de plaisir, le « Balace » de Gamarth bénéficiait de l’isolement et de la tranquillité nécessaires. Ici les brillantes et joyeuses festivités organisées par le ministre favori d’Ahmed bey étaient à ses amis en l’honneur desquels étaient conviés musiciens et danseuses.
Ce fut un incident à la Mohammedia qui aurait décidé Mahmoud Ben Ayed à quitter Tunis à la suite d’une critique publique qui lui fut infligée par le général Mrabet à la demande du bey en présence des officiers supérieurs de l’armée beylicale, au sujet de ses achats de blé en Egypte. Ben Ayed sentit alors la confiance du bey sur le point de lui échapper. Ce qui était arrivé à Youssef Saheb Ettabaa, l’ami de son grand père Hmida Ben Ayed allait se répéter. Ses rivaux préparaient sa chute, en le discréditant au près du Bey, Ben Ayed préparait son départ.
Le général Ben Ayed avait toujours un coup d’avance. Il avait installé au pied de la colline une fabrique de poterie. Il fit travailler là, notamment, des artisans siciliens et napolitains, dont certains avaient été capturés sur les côtes. Ceux-ci apportèrent les méthodes de leurs pays et influencèrent la production de cette faïencerie. La fabrique aurait aidé à sauver sa fortune dans des poteries sans éveiller de soupçons.
Ben Ayad s’embarqua sur un voilier en pleine nuit qui l’attendait à l’abri du Cap Gammarth, lors d’une de ces soirées tapageuses qui l’aurait mise à profit pour rendre inaperçue son départ en y laissant femmes et enfants pour gagner la France un 14 juin 1852.
Le départ de ses femmes et enfants.
C’est dans cette dernière demeure que Mahmoud vit pour la dernière fois ses femmes et enfants. Ne voyant pas son ministre de retour et ayant appris son installation à Paris, Ahmed Bey entra dans une colère rouge et fit confisquer tous ses biens, et si des amis n’étaient pas intervenus, il eût fait saisir ses enfants et ses femmes et les eût jetés dans les prisons du Bardo. Mais grâce aux conseils de Mustapha Khaznadar il se contenta de les faire garder à vue dans le palais de Gammarth.
Pendant de longs mois Ben Ayed écrivit à ses amis de lui envoyer son enfants et ses épouses mais personne n’osait contrevenir aux ordres-du bey. Enfin, le consul de France reçut avis de son gouvernement de disposer le bey à faire embarquer la famille Ben Ayed. Ce fonctionnaire comprenant les conséquences que cet ordre causerait à Ahmed Bey, n’osa pas le lui communiquer, et il agit sagement.
Sous un vain prétexte, des familles françaises pénétrèrent auprès des femmes de Ben Ayed, elles les habillèrent avec à la mode européennes et trompant, par ses déguisement la surveillance des soldats, ces dames sortirent de leur prison, gagnèrent la chapelle Saint-Louis, d’où une nacelle les porta à bord du courrier français en direction de Marseille. Mahmoud Ben Ayed les accueilli de façon triomphale pour les conduire à Paris, dans son nouveau palace parisien aux abord de la Seine.
Ruine du Palais Ben Ayed de Gammarth
Peu après le départ de la famille Ben Ayed, le palais et la faïencerie furent abandonnée. Chaque fois qu’on avait besoin de matériaux de construction et d’ornementation, on allait piller ce château et sa fabrique de poterie.
Ali 1er Pacha et le fils de Mohamed Bey frère aîné d’Hussein Ier Bey . Il devient gouverneur du Kef et de Sousse puis il est investi comme prince héritier le 17 janvier 1706 par son oncle Hussein et reçoit, à la suite de la demande de ce dernier, le titre de pacha en 1724 de la part du sultan ottoman.
Ali Pacha 1er est remplacé par son cousin Mohamed Rachid, le fils aîné d’Hussein Bey, en 1726. Il se réfugia à Alger, où, après avoir langui de nombreuses années, il finit par obtenir du Dey une armée qui le remit en possession de ses États. Il parvient à déposer son oncle Hussein Ier Bey le 7 septembre 1735 avec l’aide des troupes du dey d’Alger : il fait son entrée solennelle dans Tunis, précédé de son fils aîné Younès, en promettant aux habitants que leurs biens seraient respectés.
Ce qui n’empêche pas, durant les jours suivants, l’armée du dey d’Alger, campant sous les murs de la ville, de piller les magasins et les demeures particulières. Le trésor était épuisé. Ali Pacha 1er ne pouvait faire face aux exigences de ses alliés; et un jour, lassé d’attendre, les chefs de l’armée algérienne vinrent lui signifier au milieu de sa cour, qu’ils avaient résolu, ou d’obtenir le payement qui leur était du, ou de le ramener à Alger comme leur gage. Le malheureux prince se désespérait: il n’avait ni crédit ni argent, “Qui donc me sauvera? ” criait-il dans son angoisse. L’oncle du général Hmida Ben Ayed, Hadj Ali-Ben Ayed le djerbien, était présent :
— Moi ! répondit-il.
— Insensé! où trouveras-tu tant d’argent?
— Combien vous faut-il?
— Il fallait quatre millions.
— Hader Bach ! je suis prêt ! répliqua Hadj Ali, et il versa immédiatement l’énorme somme nécessaire pour délivrer le pays du poids de cette occupation. Ali Ben Ayed de Djerba paya cette somme en pièces d’argent qu’il fit charger sur 35 mules, et Ali Bey s’engagea à verser un tribut annuel de 50 000 piastres au Dey.
Le jour du départ de l’armée algérienne, une illumination générale célébra la générosité d’Hadj Ali Ben Ayad et la délivrance de la ville. La reconnaissance du peuple décerna au libérateur pour surnom le mot qu’il avait prononcé, en faisant son offrande; il devint désormais son nom : Hader Bach l je suis prêt !
Nous présentons ci-dessous, quelques unes des nombreuses lettres écrites ou citant diverses personnes du clan Ben Ayed, dont les Caïds Hmida, Mohamed, Hmida Ben Abderahmen, et Mahmoud Ben Ayed, sans oublier une lettre de la princesse Lesley Ben Ayed épouse du prince Abdullah Ben Ayed.
Lettre destinée à Si Hmida Ben Ayed, général et Caïd de l’Aradh.
Lettre destinée au Caïd de l’Aradh Hmida Ben Ayed du 17 mai 1817 et citant Si Slimen Fekih Ahmed.
الحمد لله و صلى الله على س يدنا محمد و سلم. حفظكم الله تعالى بمنه و تولاکم بلطفه، المکرم الأجل المحترم بالله ز و جل المرز س يد حميدة بن عياد اکرمه الله وافيا. السلام عليكم و رحمة الله و برکاته وبعد. تعلم س يد رعاك الله، قدم الى طرفنا تابع الس يادة س يد سليمان العلام،و تحاسبنا بعد على دراهم ال يت الذ على أأيدينا و بما بيننا الحساب، ولم باقي بطرفنا الى الس يادة سوى أأ ب رعة مائة ريال و تسعة زشر ريال. و باقي لنا المصروف الذ صرفنا على زيت المهدية، الي يقدم الى طرفنا فيه سليمان بن الفقيه احمد و زطانا المصروف، ذلک المراد و ان لم يعط نأأخذ ذلك من الدراهم المذکورة بأأيدينا. و کذلک س يد باقي الى الس يادة بطرف الذمي ميمون ثلاث ماية ريال مثل ما زرفناکم سابقا، وهذه زندنا زرفناکم به و لا نريد سوى الخير و السلام. من تابعكم مقلل بأأيدکكم الکرام محمد قلاز ،لطف الله بالجميع أأمين. في 17 رجب الأصب 1232
Deuxième lettre de Si Hmida Ben Ayed
Lettre de Hmida Ben Ayed de Novembre 1795.
اجتهدوا في الخلاص بالعزم و النجاز في غير زهدة و لا تراخي و لا غفلة و لابد …
” جمادى الأولى 1210ه “القايد حميدة بن عياد
Lettre citant Si Mohamed Ben Ayed
Lettre citant le Caid Si Mohamed Ben Hmida Ben Ayed
الحمد لله ترتبت للمكرم الأجل المرعي المبجل المحترم الأكمل القاري النبيه محمد بن عياد قايد الأعراض في التاريخ بذمت (بذمة) المكرم الأجل الشيخ محمد بن الحمروني الصنهاجي الشننّاوي القابسي و المكرم الحاج بلقاسم ابن عبدالله السنوسي الشنناوي القابسي و المكرم بوبكر بن عزيز بن عبد الدايم من القبيل و المكرم بلقاسم بن الحاج علي الراشدي من القبيل و المكرم محمد بن حسن البدروش و المكرم الحاج علي بن محمد بن جابر من القبيل و المكرم منصور بن احمد العكروت من القبيل الف ريال واحدة سكة الوقت من وجه سلف بالمعروف قبضوها منه بالسواء بينهم باعترافهم يدفعوا له ذلك بالحلول من غير قول لهم و لا حجة شهد على اشهادهم بذلك …. … مع أن من عرف الجميع الشيخ عمر بن سليمان عازق الدويري و المكرم بلقاسم بن علي حرّاق الدويري و بمعرفتهما …
Lettre de Ahmed Bey destinée à Si Mahmoud Ben Ayed
Lettre de Ahmed Bey 1er au Caïd Mahmoud Ben Ayed en Juillet 1849.
لحمد لله، الهمام المقرب الثقة الأحضى الأرضى الأعز أمير اللواء ابننا محمود بن عياد حرسه الله أما بعد السلام عليكم و رحمة الله فانك تخلفت عن القدوم الى المحمدية مدة و تحيرنا من ذلك و المانع خير ان شاء الله و أعلم أنه غدا ليلة الخميس المبيت عندنا بالمحمدية على العادة الدايمة ان شاء الله فاقدم و لا تتخلف الا لعذر و عافاكم الله و ابعث الزلابية و المخارق و المدموجة و العشا مثل العادة و دمتم في أمن الله. و السلام، من الفقير الى ربه تعالى عبده المشير أحمد باشا باي وقيه الله آمين و كتب ليلة الأربعاء 11 رمضان 1265،
Extrait de lettre citant Si Hmida Ben Abderahmen Ben Ayed
Lettre citant le Caid Hmida Ben Abderahmen Ben Ayed de 1865.
الحاج مصطفى بن المرحوم محمد الساحلي شهر بوخروبة و محمد بن حمودة البليدي و حسن بن ساسي الشايب به عرف كلاهم صبي معصرة …محمد بن علي الدويري رايس معصرة حميدة بن عياد داخل سور باب الجديد
… 1281ه
Lettre de Si Mahmoud Ben Ayed pour la fondation de la Banque Nationale de Turquie
Lettre de Sidi Mahmoud Ben Ayed pour la fondation de la Banque National de Turquie en 1879.
Lettre de Sir Thomas Reade, citant Si Mohamed Ben Ayed.
Lettre de Sir Thomas Reade, citant Sidi Mohamed Ben Ayed pour sa contribution dans la lutte contre l’abolition de l’esclavage dans la Régence de Tunis (1842).
Communiqués de Si Mohamed Ben Ayed
Communiqué de Sidi Mohamed Ben Ayed de 1824 – بيان تقييد أنفار من الدويرات عليهم قناطر حشيشة السنا حرم لمحمد بن عياد قايد الأعراض 1240
بيان تقييد قناطير حشيشة السناحرم على جماعة الدويرات لمحمد بن عياد قايد الأعراض Communiqué de Sidi Mohamed Ben Ayed de 1814 – 1230
Lettre de la princesse Lesley-Maud Ben Ayed
Lettre de la Princesse Lesley-Maud Ben Ayed de 1948.
Nos remerciements à Mrs. Samy et Mohamed Zied Fekih Ahmed et M. Laroussi KHEMIRA pour leurs recherches.
En 1853, après maintes démarches insistantes et diverses tractations plus ou moins secrètes effectuées par Ahmed Bey, le nouvel Empereur des Français, Napoléon III, exprima son accord, en vue de recevoir un ambassadeur dépêché par ce Prince Husseinite, avec, pour mission, de lui exprimer les compliments de la Régence de Tunis…
Au bout de plusieurs jours de voyage en Méditerranée, puis à travers la France, la délégation arriva, enfin, à Paris, le samedi 26 février 1853 à 22h.45.
Le Général Réchid et ses compagnons (Rousseau, Clément, le Capitaine Mourad et le Valet de chambre Zarrouk) trouvèrent, à la gare, Jules de Lesseps, l’agent du Bey, à Paris, venu les attendre pour les conduire chez Mahmoud Ben Ayed.
Mahmoud Ben Ayed
Et ce fut dans la voiture de ce dernier (aussi somptueuse que possible) que l’ambassadeur et sa suite arrivèrent au Palais parisien de celui qu’Alphonse Daudet appellera « Le Nabab ».
Le Palais Ben Ayed à Paris
L’Hotel Collot (Anciennement Palais Ben Ayed à Paris)
Le Palais Ben Ayed (aujourd’hui l’Hotel Collot – Galerie Kugel) est un immeuble portant le n°25 du quai d’Orsay et haut de trois étages. Il avait comme dépendance un second bâtiment dont il était séparé par une cour décorée de plantes vertes. Ce pavillon était à l’époque habité par Jules de Lesseps, agent du Bey à Paris.
Le capitaine Mourad dans son journal nous précise la situation de ce palais, “limité à l’Est par le fleuve qui traverse la ville, qu’on appelle la Seine et où l’on voit des bateaux-lavoirs, etc… au Nord par des immeubles dont le Palais du Gouvernement (sans doute le ministère des Affaires étrangères), à l’Ouest et au Sud par des immeubles appartenant à des particuliers.” Pour donner une idée du train de vie et de l’organisation de Mahmoud ben Ayed, Mourad donne une liste de ses serviteurs musulmans et français, avec l’indication de l’emploi et des gages de chacun d’eux. Secrétaires, commissionnaires, portiers, cuisiniers, valets de chambre, préposés à l’entretien des lumières, etc., sont au nombre de seize, et le total de leurs gages s’élève à 670 frs par mois. La maison est organisée « à l’européenne », et aucun de ces employés ne fait le travail d’un autre, note Mourad.
Mahmoud Ben Ayed accueillit ses hôtes avec joie, leur souhaita vivement la bienvenue et les conduisit, vu l’heure, aussitôt à table.
Après le dîner, tout le monde gagna la salle de réception richement décorée de consoles, de lustres et de candélabres. Sur les murs de cette salle « digne d’un sultan » selon l’appréciation de Mourad, figuraient, en bonne place, dans des cadres dorés, les portraits d’Ahmed Bey et de Napoléon III.
Cette salle et la chambre à coucher attenante étaient réservées, par Ben Ayed, à l’ambassadeur. Le médecin Clément, Rousseau et le capitaine Mourad furent logés dans des pièces parfaitement aménagées à l’étage supérieur.
Dans la matinée du dimanche, Réchid remit à Ben Ayed une lettre d’Ahmed Bey et deux lettres de Mustapha Khaznadar son premier ministre. Ensuite, il accorda une audience à Jules de Lesseps et à Charles Lagau, un ancien chargé d’affaires et consul général de France à Tunis ; Lagau, dont la mère était une de Lesseps, était venu en particulier, pour accompagner son cousin. De plus, il était là pour égrener des souvenirs sur la visite, effectuée à Paris sept ans plus tôt par Ahmed Bey et qu’il avait accompagné dans la capitale française en cette occasion mémorable.
Le Général Réchid lui remit, à lui aussi, des messages de Mustapha Khaznadar. A son tour, le Général Esterhazi, qui avait dirigé la mission militaire française dans la Régence, fut reçu par le Général Réchid qui, également, lui remit une lettre du premier ministre et lui transmit les compliments du Bey.
Mahmoud Ben Ayed organise très souvent de somptueux diners dans sa prestigieuse résidence parisienne, dans les notes du capitaine Mourad nous apprenons que :
Mercredi, 13 avril. – Ben Ayed offre en son palais un dîner au ministre des Affaires étrangères, à d’autres ministres, à des maréchaux et généraux. Mercredi, 20 avril. – D’autres personnalités officielles et des officiers généraux, parmi lesquels Youssouf, dînent chez les ambassadeurs de Tunis.. Mercredi, 27 avril. – Nouveau dîner au Palais Ben Ayed en l’honneur de généraux et d’ambassadeurs étrangers. Jeudi, 28 avril. – Soirée -aux Tuileries offerte par l’Empereur. Rachid, Ben Ayed, de Lesseps, Rousseau, Clément, .y assistent.
Mercredi, 4 mai. – Ben Ayed a pour invités l’oncle de l’Empereur et tous les princes et princesses de la Maison impériale. Avant le dîner, le prince Jérôme annonce des décorations: Rachid est promu à un grade supérieur, et Clément est nommé à l’ancien grade de Rachid (aucune précision, mais il s’agit certainement de la Légion d’Honneur: officier pour Rachid, chevalier pour. Clément). Les diplômes sont remis aux intéressés. Les invités ne se retirent que tard dans la soirée.
Visite officielle à l’empereur Napoléon III
C’est le mercredi 9 mars 1853 qu’eut lieu la visite officielle à l’Empereur. A 12h.30 arriva le deuxième introducteur des ambassadeurs, Feuillet de Conches. Il était monté dans une voiture de la cour, conduite par un cocher aidé de deux valets de pied et escorté par trois cavaliers de la garde impériale en grand uniforme. Feuillet de Conches déclara, aussitôt, qu’il était chargé par l’Empereur de conduire l’ambassadeur de Tunis et sa suite auprès du Souverain.
A 13 heures, Réchid, Mahmoud Ben Ayed, Feuillet de Conches et Jules de Lesseps prirent place dans la voiture de Mahmoud Ben Ayed. Tout le monde était en grand uniforme. A l’arrivée, au Palais des Tuileries, la garde présenta les armes. Les membres de la mission furent introduits dans le premier salon où se trouvaient, déjà, plusieurs ministres et hommes d’Etat.
L’arrivée des tunisiens fut aussitôt annoncée à l’Empereur. Au bout d’un quart d’heure, le premier introducteur des Ambassadeurs vint les appeler. Ils pénétrèrent, alors, dans un grand salon. Là, ils trouvèrent Napoléon III debout en grand uniforme, ainsi que le premier interprète Desgranges et le deuxième introducteur des ambassadeurs, Feuillet de Conches.
Les Tunisiens saluèrent, selon l’usage, puis le Général Réchid s’avança en tenant à la main la lettre d’Ahmed Bey et s’exprima en ces termes : « Notre seigneur et maître présente ses salutations à sa Majesté l’Empereur, dont l’avènement au trône l’a grandement réjoui ; c’est pour exprimer sa joie qu’il lui adresse cette lettre, le félicitant de son accession à la dignité impériale ».
L’interprète, alors, s’avança, traduisit et ajouta : « Son Altesse le Pacha de Tunis a déjà un ambassadeur à Paris, le Général Mahmoud Ben Ayed, mais, pour exprimer sa joie insigne, il a tenu à adresser, à votre Majesté, ce message et à le confier à un deuxième envoyé. Son Altesse a chargé ces deux ambassadeurs de présenter ses félicitations à votre Majesté ».
L’Empereur répondit : «J’ai été, également heureux, d’apprendre l’arrivée de cet ambassadeur, sachant l’estime dont il jouit auprès du Pacha. C’est un des généraux les plus renommés de son entourage et je vois dans cette mission une preuve de l’amitié et des sentiments fraternels et cordiaux qui règnent entre nous, mais nous avons appris avec peine que son Altesse est malade et nous savons qu’elle compte venir à Paris afin de s’y soigner… Nous espérons que ce voyage lui apportera la guérison et que nous pourrons avoir la joie complète de savoir sa santé bien rétablie ».
L’interprète dit alors : « Nous avons appris, en effet, qu’il compte venir à Paris, mais seulement lorsque la vapeur Mogador » pourra aller le chercher à Tunis ».
Napoléon III sourit, montrant sa satisfaction : « La chose est facile », dit-il, « le Mogador et d’autres bateaux peuvent être mis à sa disposition. Ce qui nous réjouirait, ce serait de le voir et de fêter son retour à la santé ».
Le Général Réchid présenta, alors, la lettre du Bey et l’empereur s’approcha lui-même pour la prendre. L’introducteur des ambassadeurs la reçut ensuite des mains du Souverain et la déposa sur une table proche.
L’Empereur, s’adressant au Général Mahmoud Ben Ayed lui dit : « J’ai appris que vous avez acheté quelques propriétés à Paris ».
Ben Ayed répondit par l’affirmative. Napoléon III dit ensuite au Docteur Clément : « Je sais que vous êtes Français et médecin dans l’armée tunisienne ».
Puis il lui demanda son nom et la durée de son séjour en Tunisie. Clément répondit après s’être présenté qu’il est né en Tunisie de père et mère français et qu’il est médecin du 2ème Régiment de l’Armée Tunisienne à Sousse sous le commandement du Général Réchid.
L’Empereur posa enfin des questions au capitaine Mourad, qui se nomma et indiqua son grade et son titre d’aide de camp. Avant de laisser sortir la délégation, Napoléon III complimenta le Général Réchid et le chargea de transmettre ses salutations au Bey.
L’esclavage a été aboli en Tunisie le 23 janvier 1846 sous le règne de Ahmed Bey. Le 2 février 1846, Sir Thomas Reade, consul général de Grande Bretagne, sans lequel cette décision historique aurait tarder à voir le jour organisait une réception afin de remercier toutes les personnes qui ont rendus cette mesure possible.
Décret d’Ahmed Bey du 23 janvier 1846.
Le consul général, accompagné de Monsieur Ferrier son vice-consul, Monsieur Santillana, chancelier du consulat et son fils, Messieurs Richardson et Holman, les célèbres explorateurs, quittèrent Tunis en direction du Palais du Bardo.
Le Bey les reçus de façon très cordiale dans sa salle d’audience privée en compagnie de ses ministres. Parmi lesquels et à ses cotés, Si Mustapha Khasnadar, son favori et ami intime, Si Ahmed Ibn Abi Dhiaf, son secrétaire privée du Bey, le chevalier Raffo son ministre des affaires étrangères, et Monsieur Bogo, son ministre des affaires liés aux résidents européens.
Ahmed Pacha Bey
James Richardson, donna les lettres de remerciements et les signatures au chevalier Raffo afin de les présenter au Bey. Ahmed Bey les donna alors à son secrétaire Ahmed Ibn Dhiaf pour les lire en langue arabe, les traductions en arabes ayant été préalablement faites. Le café fut servi avant la lecture des documents pour tous les visiteurs.
James Richardson
Le premier document qui fut présenté était la lettre de Monsieur Richardson dont voici un extrait:
“Je présente à votre Altesse au nom de Dieu, que tous chrétiens et musulmans adorent, nos remerciements et notre témoignage de gratitude signés par les officiers britanniques. Commerçants et résidents de Malte, de Gozo, de Gibraltar, de Florence, de Livourne, de Naples, de Smyrne et de Tripoli, remercient votre Altesse, pour ses premières étapes préliminaires que votre Altesse a décidé de franchir en vue d’abolir l’esclavage dans votre royaume. Parmi les noms, qui soutiennent votre décision, votre Altesse trouvera plusieurs gentlemens britanniques du plus grand talent et au rangs les plus éminents qui se sont spontanément manifestés pour vous témoigner leurs admirations et leurs gratitudes pour votre noble conduite philanthropique pour soulager la souffrance de l’Humanité et reconstruire de nouveau la grandeur de l’Afrique du Nord…”
“Nous sommes convaincus que votre Altesse a obtenu plus d’honneur pour cet acte en faveur de l’abolition de l’esclavage que n’importe quel prince musulman n’a jamais acquis par la guerre ou la conquête, ou par la promotion des arts ou de la science, et nous sommes persuadés que si votre Altesse continue ce grand travail d’émancipation pour l’Afrique, le nom de votre Altesse sera couvert de gloire …”
“Nos compatriotes sont profondément conscients du grand mérite du représentant de leur souverain à la cour de votre Altesse, qui a humblement et sans cesse représenté à votre Altesse le grand bien que ferait cette mesure et la réputation que votre Altesse pourrait acquérir en Europe et dans le Monde …”
” Nous sommes heureux d’apprendre également que des Français éclairés et philanthropes ont félicité Votre Altesse pour votre noble détermination à abolir l’esclavage, car dans cette immense mesure d’humanité, les rivalités nationales s’éteignent…”
Puis a suivi la lecture de remerciement de la British and Foreign Anti – Slavery Society. Lors de la lecture de ces documents, le Bey se montrait parfois très agité, et lancé des paroles en italien et en arabe, mettant sa main sur sa poitrine, et ajoutant: ” Je l’ai fait de bon cœur “!
Son Altesse s’est ensuite adressé à M. Richardson en ces quelques mots:
“Je vous suis très reconnaissant, Monsieur, de la peine que vous avez prise à préparer ses témoignages et à obtenir les signatures. Je suis extrêmement reconnaissant à ceux de vos compatriotes qui vous ont délégué de me présenter ces témoignages. Je suis profondément sensible au grand honneur qui m’a été ainsi conféré. Et je ne manquerai pas de saisir toutes les opportunités qui sont en mon pouvoir pour améliorer la condition des Noirs d’Afrique. J’ai commencé avec plaisir l’abolition de l’esclavage, et je ne cesserai de poursuivre le grand travail d’émancipation que lorsque j’aurai complètement extirpé l’esclavage de mon royaume.”
Une fois ces paroles terminés les visiteurs prirent congé de Son Altesse. Ils étaient très flatté de voir la cordialité qui existait entre Sir Thomas Reade et le Bey.
“Nous ne pouvons clore le récit sans présenter nos remerciements à Sidi Mohamed Ben Ayed, qui s’est beaucoup intéressé à la réussite de notre mission. Sidi Ben Ayed est l’un des principaux courtisans de Son Altesse le Bey; il est le personnage le plus opulent et le plus influent du royaume de Tunis et il y joui de grande faveur. En effet, sa générosité et son caractère aimable, ainsi que sa connaissance des pays chrétiens (car il a été en Europe), font de lui un favori universel. Sa famille est très puissante et possède un excellent caractère. Sidi Ben Ayed, pour des raisons urgentes, n’était pas présent à la réception, mais a exprimé ses plus chaleureuses sympathies pour le succès de la mission. “
Extrait de The British and foreign Anti-Slavery Reporter citant l’implication du Général Mohamed Ben Ayed dans l’abolition de l’esclavage en Tunisie.Lettre de Thomas Reade citant l’implication du Général Mohamed Ben Ayed dans l’abolition de l’esclavage en Tunisie.
(Extrait de “The British and Foreign Anti-slavery Reporter”)
Depuis les années 1840, la famille Ben Ayed était une alliée stratégique de la couronne britannique. En effet Sidi Mohamed Ben Ayed, très prévoyant, en incluant ses descendants (hormis son fils Mahmoud Ben Ayed) avaient obtenus le statut de protégés britanniques après la mort de Hussein II Bey dont il était le fidèle serviteur et son conseiller le mieux averti.
Sidi Mohamed Ben Ayed
Sidi Mohamed était l’une des personnes les plus influentes de la régence, ambassadeur et envoyé extraordinaire du Bey au roi Louis Philippes en 1831, où il observa toute la puissance des armées européenne, il permit grâce à ses conseils d’éviter une guerre in extremis entre la régence et le royaume de Sardaigne.
Sir Thomas Reade, consul général de Grande Bretagne de l’époque comprend rapidement qu’il doit en faire un précieux allié, dans son combat pour l’abolition de l’esclavage dans lequel Sidi Mohammed Ben Ayed jouera un rôle considérable en 1846.
Sir Thomas Reade
Sidi Mohammed Ben Ayad laisse peu à peu son fils Mahmoud prendre le relais pour devenir en peu de temps le financier omnipotent de la régence sous Ahmed Bey 1er.
En 1847, Sidi Mohamed Ben Ayed se brouille avec son fils Mahmoud et le Bey au sujet de diverses affaires notamment la création de la Banque de Tunisie pour laquelle il était contre. Se sentant menacé il cherche refuge auprès de son ami Sir Thomas Reade avec son neveu Hmida Ben Ayed au consulat britannique qui en informe Lord Palmerston à Londres.
Lord Palmerston
Lord Palmerston, premier ministre de sa majesté la Reine Victoria ordonne à son représentant à Tunis, Sir Thomas Reade de veiller à la protection de Sidi Ben Ayed et envoi un message à son altesse le Bey de la part de la reine Victoria on ne peut plus clair:
“Sa majesté la reine Victoria ne tolérera en aucun cas que l’on touche à un seul cheveu de Ben Ayed.”
Sa majesté la Reine Victoria
“La famille Ben Ayed se succéda durant de nombreuse année dans la gouvernance de L’île de Djerba, elle appartient à l’une des rares familles restantes de la noblesses arabes.”
(Extrait de The Last Punic War: Tunis past and Present.)
Arbre simplifié de la branche tuniso-djerbienne de la famille Ben Ayed
Après quelques années de recherche, nous avons réussi à reconstituer l’arbre généalogique de la branche tuniso-djerbienne des Ben Ayed de 1700 à nos jours.
Le père fondateur de la dynastie est Kacem Ben Ayed. Il est née vers 1700, il est originaire de l’île de Djerba. De simple commerçant, il gravit les échelons et remplit de nombreuses charges makhzéniennes pour devenir en 1758, le premier Caid de la famille. Son frère Ali en 1778 prendra la relève puis ses enfants Regeb, Ahmed et Hmida Ben Ayed succéderont à leur oncle.
Regeb Ben Ayed devient Caid du Cap Bon et grand douanier (décédé en 1800), Hmida Ben Ayed devient général de la cavalerie de l’Aradh et chargé des relations extérieures. Ahmed quant a lui occupera brièvement le poste de khasnadar puis s’exilera en Egypte à la suite d’un différend avec Ismail Bey, bey de camp sous Hamouda Bacha et qui finira par l’assassiner en Alexandrie. En plus de leurs fonctions, les frères Ben Ayed exercent des activités commerciales, et sont parmi les plus important armateurs corsaires de leur époque.
A la mort de Hmida Ben Ayed en 1817, ses enfants Younes, Salah, Said et Mohamed lui succèdent à la tête du caïdat de l’Aradh, mais c’est Mohamed qui se démarquera parmi ses frères et deviendra le chef de la famille Ben Ayed et l’un des hommes les plus influents de son temps.
En 1831 le Général Mohamed Ben Ayed, est nommé ambassadeur, il est envoyé en France pour le compte d’Hussein II Bey et c’est en cette qualité qu’il est présenté à Louis-Philippe, nouveau roi de France, par le consul Mathieu de Lesseps. Grâce à ses conseils, il évite in extremis une guerre entre la régence de Tunis et le Royaume de Sardaigne.
Le Général Mohamed Ben Ayed
À l’avènement d’Ahmed Ier Bey en 1837, il laisse progressivement sa place de principal conseiller du bey pour les opérations de commerce au profit de son fils cadet, le général Mahmoud Ben Ayed, progressiste et acquis aux nouvelles valeurs européennes. Mahmoud devient alors le chef de la famille, ses frères Abderahmen (mort en 1835) et Soliman se succéderont en tant que caid de Djerba.
Amrah du Bey de 1835 pour le prince Puckler Muskau se rendant dans le Sud Tunisien demandant au Caïd Soliman Ben Ayed de bien le recevoir.
A la suite de l’affaire Ben Ayed, Mahmoud s’exilera en France en 1852, son neveu par son frère Abderahmen, Hamida Ben Ayed lui succèdera et deviendra à son tour chef du clan Ben Ayed. Pour l’Histoire, l’année Boubarek en 1868, famine, invasion de sauterelles avec le choléra avait fauché en Tunisie 30000 personnes ! Le général Hamida Ben Ayed et sa famille avait mobilisés tous leurs moyens pour venir en aide au plus démunis, ils distribuèrent du pain et de l’huile, et achetèrent du grain, à Marseille, Naples et Tripoli. Les secours que la famille Ben Ayed avait prodigués aux nécessiteux se chiffrait par millions.
La famille Ben Ayed a également donné d’autres personnalités plus contemporaines, nous pouvons citer, Farhat Ben Ayed, qui fut garde des sceaux et l’un des fondateurs du parti Destour en 1920, le prince Adel Ben Ayed qui faillit accéder aux trône syrien, ou encore la princesse Khayriya Ben Ayed, qui fut la première femme du monde musulman à avoir publiée un ouvrage sur l’émancipation de la femme au début du XX ème siècle. Nous pouvons encore citer Aly Ben Ayed, le célèbre acteur et metteur en scène, figure emblématique et père du théâtre tunisien, le professeur en Médecine Hassouna Ben Ayed maître incontesté de la médecine tunisienne, sans oublier l’homme d’affaire feu Hédi Ben Ayed qui dès 1954 fut précurseur et introduisit l’electro-ménager en Tunisie et bien d’autres personnalités.
Après le bey, le Général Sidi Mahmoud Ben Ayed était le personnage le plus considérable de la régence de Tunis .
Il a réussi, grâce à l’héritage familial et aux différentes charges qu’il occupait à se hisser au sommet des responsabilités de la régence et à devenir le fermier général de tout ce qui constituait les revenus de l’Etat : il avait dans ses mains la perception de toutes les contributions en nature et en argent, la disposition de tout le système monétaire , la direction de la banque de Tunis : il était le munitionnaire général de l’armée , le fournisseur de tous les objets requis pour la personne du bey, pour la splendeur de sa cour, pour le besoin de sa maison civile et militaire; en un mot, Ben Ayed était le budget vivant du gouvernement de Tunis.
الحمد لله، الهمام المقرب الثقة الأحضى الأرضى الأعز أمير اللواء ابننا محمود بن عياد حرسه الله أما بعد السلام عليكم و رحمة الله فانك تخلفت عن القدوم الى المحمدية مدة و تحيرنا من ذلك و المانع خير ان شاء الله و أعلم أنه غدا ليلة الخميس المبيت عندنا بالمحمدية على العادة الدايمة ان شاء الله فاقدم و لا تتخلف الا لعذر و عافاكم الله و ابعث الزلابية و المخارق و المدموجة و العشا مثل العادة و دمتم في أمن الله. و السلام، 1265 من الفقير الى ربه تعالى عبده المشير أحمد باشا باي وقيه الله آمين و كتب ليلة الأربعاء 11 رمضان Lettre de Ahmed Bey demandant des services à Mahmoud Ben Ayed.
Comment, un beau jour , Ben Ayed s’est-il trouvé en délicatesse avec Sidi Ahmed bey ? Si vous écoutez le bey, il vous dira que les comptes de son ministre étaient entachés de graves irrégularités , et qu’en refusant de venir les expliquer lui-même, celui-ci n’a que trop justifié les soupçons qui pesaient sur lui .
Si vous vous en rapportez à Ben Ayed , l’irrégularité des comptes n’était qu’un prétexte. On l’avait desservi auprès de son souverain. Le bey , prêtant une oreille trop facile aux conseils intéressés qui l’engageait à battre monnaie sur le dos de son sujet , ne le rappelait que pour confisquer ses biens et livrer sa personne aux vengeances de ses ennemis. L’histoire de Youssef Saheb Ettaba ministre principal sous Hammouda Pacha, devenu lui aussi trop puissant et que les princes Hussein et Moustapha manipulés par Mohamed Larbi Zarrouk avaient assassinés et avaient également spoliés toutes sa richesse que le ministre avait amassées grâce à son dur labeur n’était guère lointaine dans l’esprit de Ben Ayed et cette histoire risquait de se répéter. Ce qui est certain, c’est que Ben Aved , s’était exilé en France comme envoyé de son souverain, et refusa net de retourner vers lui . Le khasnadar eut beau lui faire, au nom du bey, toutes les agaceries imaginables, Ben Ayed, qui a la prudence du serpent, ne s’y laissa pas prendre. La précaution était bonne.
Aussitôt que le bey avait été informé du refus de son ministre, il avait mis les biens de celui-ci sous le séquestre et retenu ses enfants en otage. Heureusement, Ben Ayed avait pu sauver sa famille, et une partie de sa richesse. A son arrivée à Paris , le général Ben Ayed très habile en affaire achète, d’abord le passage du Saumon, qu’il paya trois millions au duc de Montmorency, puis un hôtel au quai d’Orsay, l’actuel “Hotel Collot” devenu galerie d’art des frères Kugel ou encore la terre d’Epinay, puis enfin des biens dans le Berri . En 1853 on évaluait sa fortune à quarante millions.
Sidi Mahmoud Ben Ayed par Lafosse (1850-1851)
Les choses était poussées au point où elles ne pouvaient plus se dénouer à l’amiable. Ben Ayed réclamait, outre ses propriétés séquestrées, le payement des avances qu’il avait faites . Le bey lui demandait compte de 154,000 mesures d’huile et de 700,000 hectolitres de blé ou d’orge qu’il accusait son ancien sujet d’avoir détournés pour les lui revendre ensuite . L’empereur Napoléon III , choisi pour arbitre par les deux parties , confia l’examen du différend à une commission , dont M. Portalis fut le président. Cette commission, après une longue et minutieuse instruction, balança les prétentions respectives du bey et de son ancien ministre au moyen d’un solde de 34,727,227 francs en faveur de Ben Ayed.
Sentence arbitrale de Napoléon III dans l’affaire BEN AYED – partie 1
Sentence arbitrale de Napoléon III dans l’affaire BEN AYED – partie 2Sentence arbitrale de Napoléon III dans l’affaire BEN AYED – partie 3
Ce résultat , Ben Ayed le devait en grande partie aux efforts éclairés de son représentant auprès de la commission, M. Charles de Lesseps, frère du célèbre Ferdinand de Lesseps qui fit construire le canal de Suez. Pendant dix-huit mois, M. de Lesseps , un homme considérable , qui a été député et conseiller d’Etat , s’est complètement voué à ce travail au service du général Ben Ayed.
L’histoire loin de s’être terminée, à la mort du général en 1880 à Constantinople dont la fortune s’était fructifié, et qui avait laissé près de 300 millions de franc à ses nombreux héritiers, leur a également légué l’amour des procès. Son fils Ahmed Ben Ayed récupéra le dossier et réussit après de nombreuses années et sous le règne de Sidi Mohamed Naceur Bey réussi à récupérer une partie des biens spoliés qu’il finit par revendre aux enchères.
La princesse Khayriya Ben Ayed est née à Istanbul en 1873, son père n’est autre que le général Tunisien Mahmoud Ben Ayed qui a servi l’Etat Tunisien de 1837 à 1855. Ayant amassée une grande fortune dans les affaires, il se réfugia à Paris suite à des divergences avec le Bey. Après quelques années à Paris, il alla s’installé à Constantinople, en Turquie, où il commença une nouvelle vie. Il fut accueilli par le Sultan Abdulhamid II et put développer auprès des courtisans du Sultan un réseau d’influence considérable. Mahmoud Ben Ayed devint une figure importante de la Turquie.
Le général Mahmoud Ben Ayed (1850-1851 par Lafosse)
Dans son Palais au bord du Bosphore à Uskudar, Mahmoud Ben Ayed vécu à la mode turque où il multiplia les mariages et se constitua un vrai harem. Il eut en conséquences de nombreux descendants dont Khayriya. Mahmoud était néanmoins un homme éclairé et ouvert à la modernité. Il consacra à ses enfants une bonne éducation et envoya ses fils poursuivre leurs études en Europe.
La princesse Khayriya se maria à un Ali Nuri Bey écrivain et homme politique d’origine suédoise et converti à l’Islam, qui devint consul dans la région du Caucase (principale source d’odalisque blanche pour les harems ottomans). En suivant le courant moderniste et en prônant le droit à une plus de liberté au sein de l’Empire, les relations avec le sultan Abdulhamid II se détériorèrent, Ali Nuri Bey du alors se réfugier en Europe, plus précisément en Hollande où il s’installa à Rotterdam, laissant Khayriya et ses enfants en Turquie, qui le rejoignirent clandestinement sur un bateau français en réussissant à déjouer la vigilance de la police turque qui était à leur poursuite plus tard.
La princesse Khayriya Ben Ayed et son épou Ali Nuri Bey
Cette expérience si l’on peut dire de persécution politique et d’exil forcé ont permis à Khayriya de s’engager dans l’opposition politique. Elle organisa alors diverses conférences en Europe, et jusqu’aux USA afin de dénoncer le despotisme du sultan ottoman, mais également les difficultés que confère le statut de la femme Turque, et la dynamique interne ainsi que les injustices au sein du harem du Sultan dont elle était une observatrice de première ligne.
La princesse Khayriya Ben Ayed et ses enfants
Elle donna une conférence à Vienne qui fut traduite en langue allemande en 1904, et publiée sous le titre « La femme turque : sa vie sociale et le Harem. » (Die Turkish Frau : Ihr Soziales Leben und der Harem) Elle devint la première femme du monde musulman à avoir publiée un ouvrage sur l’émancipation de la femme au début du XX ème siècle. (Voir les travaux de M. Younis Wsifi, « Khayriya Ben Ayed, l’une des pionnières de l’émancipation de la femme à la fin du 19 ème siècle » 2005.)
Le prince Adel Ben Ayed est née dans le quartier de Uskudar à Constantinople en Turquie, en 1883. Il est apparenté, par sa mère la princesse Roukia Fazil Ibrahim, au Khédive d’Egypte Mohamed Ali.
Descendant des Omeyades, anciens rois de Syrie et d’Andalousie (voir article sur le Roi de Murcie et Valence Abdallah Ben Ayed). Sa branche paternelle a fourni, depuis plusieurs siècles, des ambassadeurs et des hommes d’Etat en Tunisie, en Orient, en Europe, et surtout à Paris. Son arrière grand-père Sidi Mohamed Ben Ayed fit don d’un splendide berceau, enrichi de pierres précieuses, pour le petit prince impérial Louis. Le roi Louis-Phillipe lui conféra les plus grand honneur en lui décernant la croix de Grand officier de l’Ordre National. Les Ben Ayed, très bien en cour sous le roi Louis-Philippe, furent, ensuite, les hôtes du palais impérial de Saint-Cloud et leurs relations avec Waldeck-Rousseau dépassèrent la simple amitié pour atteindre à l’affection véritable. Son grand-père n’est autre que le célèbre Sidi Mahmoud Ben Ayed.
Le Prince Adel Ben Ayed Parti en Egypte avec sa famille en 1903, il séjourna pendant vingt cinq années au Caire où il épousa sa cousine la Princesse Aïn el-Hayat fille du Prince Mohamed Ibrahim d’Egypte et dont il eu quatre enfants.
Princesse Ain Al Hayat Ibrahim épouse du Prince Adel Ben Ayed
Grand, élancé, sa physionomie, à la fois altière et franche, reflète la loyauté et l’intelligence.
Le Prince Adel Ben Ayed
Ancien élève du lycée Louis le-Grand et de la Faculté de Droit de Paris, le Prince nourrissait à l’égard de la France des sentiments de sympathie si sincères que sa vie s’est écoulée entre Le Caire et Paris.
En 1929, le prince Ben Ayed fut soutenu par la France comme étant le prétendant le plus notoire au Trône de Syrie, désirant par son action établir l’ordre et une paix véritablement féconde pour le Royaume de Syrie.
Le prince décédera en 1953 au Caire, en Egypte.
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