Après le bey, le Général Sidi Mahmoud Ben Ayed était le personnage le plus considérable de la régence de Tunis .
Il a réussi, grâce à l’héritage familial et aux différentes charges qu’il occupait à se hisser au sommet des responsabilités de la régence et à devenir le fermier général de tout ce qui constituait les revenus de l’Etat : il avait dans ses mains la perception de toutes les contributions en nature et en argent, la disposition de tout le système monétaire , la direction de la banque de Tunis : il était le munitionnaire général de l’armée , le fournisseur de tous les objets requis pour la personne du bey, pour la splendeur de sa cour, pour le besoin de sa maison civile et militaire; en un mot, Ben Ayed était le budget vivant du gouvernement de Tunis.
Comment, un beau jour , Ben Ayed s’est-il trouvé en délicatesse avec Sidi Ahmed bey ? Si vous écoutez le bey, il vous dira que les comptes de son ministre étaient entachés de graves irrégularités , et qu’en refusant de venir les expliquer lui-même, celui-ci n’a que trop justifié les soupçons qui pesaient sur lui .
Si vous vous en rapportez à Ben Ayed , l’irrégularité des comptes n’était qu’un prétexte. On l’avait desservi auprès de son souverain. Le bey , prêtant une oreille trop facile aux conseils intéressés qui l’engageait à battre monnaie sur le dos de son sujet , ne le rappelait que pour confisquer ses biens et livrer sa personne aux vengeances de ses ennemis. L’histoire de Youssef Saheb Ettaba ministre principal sous Hammouda Pacha, devenu lui aussi trop puissant et que les princes Hussein et Moustapha manipulés par Mohamed Larbi Zarrouk avaient assassinés et avaient également spoliés toutes sa richesse que le ministre avait amassées grâce à son dur labeur n’était guère lointaine dans l’esprit de Ben Ayed et cette histoire risquait de se répéter. Ce qui est certain, c’est que Ben Aved , s’était exilé en France comme envoyé de son souverain, et refusa net de retourner vers lui . Le khasnadar eut beau lui faire, au nom du bey, toutes les agaceries imaginables, Ben Ayed, qui a la prudence du serpent, ne s’y laissa pas prendre. La précaution était bonne.
Aussitôt que le bey avait été informé du refus de son ministre, il avait mis les biens de celui-ci sous le séquestre et retenu ses enfants en otage. Heureusement, Ben Ayed avait pu sauver sa famille, et une partie de sa richesse. A son arrivée à Paris , le général Ben Ayed très habile en affaire achète, d’abord le passage du Saumon, qu’il paya trois millions au duc de Montmorency, puis un hôtel au quai d’Orsay, l’actuel “Hotel Collot” devenu galerie d’art des frères Kugel ou encore la terre d’Epinay, puis enfin des biens dans le Berri . En 1853 on évaluait sa fortune à quarante millions.
Les choses était poussées au point où elles ne pouvaient plus se dénouer à l’amiable. Ben Ayed réclamait, outre ses propriétés séquestrées, le payement des avances qu’il avait faites . Le bey lui demandait compte de 154,000 mesures d’huile et de 700,000 hectolitres de blé ou d’orge qu’il accusait son ancien sujet d’avoir détournés pour les lui revendre ensuite . L’empereur Napoléon III , choisi pour arbitre par les deux parties , confia l’examen du différend à une commission , dont M. Portalis fut le président. Cette commission, après une longue et minutieuse instruction, balança les prétentions respectives du bey et de son ancien ministre au moyen d’un solde de 34,727,227 francs en faveur de Ben Ayed.
Ce résultat , Ben Ayed le devait en grande partie aux efforts éclairés de son représentant auprès de la commission, M. Charles de Lesseps, frère du célèbre Ferdinand de Lesseps qui fit construire le canal de Suez. Pendant dix-huit mois, M. de Lesseps , un homme considérable , qui a été député et conseiller d’Etat , s’est complètement voué à ce travail au service du général Ben Ayed.
L’histoire loin de s’être terminée, à la mort du général en 1880 à Constantinople dont la fortune s’était fructifié, et qui avait laissé près de 300 millions de franc à ses nombreux héritiers, leur a également légué l’amour des procès. Son fils Ahmed Ben Ayed récupéra le dossier et réussit après de nombreuses années et sous le règne de Sidi Mohamed Naceur Bey réussi à récupérer une partie des biens spoliés qu’il finit par revendre aux enchères.
La princesse Khayriya Ben Ayed est née à Istanbul en 1873, son père n’est autre que le général Tunisien Mahmoud Ben Ayed qui a servi l’Etat Tunisien de 1837 à 1855. Ayant amassée une grande fortune dans les affaires, il se réfugia à Paris suite à des divergences avec le Bey. Après quelques années à Paris, il alla s’installé à Constantinople, en Turquie, où il commença une nouvelle vie. Il fut accueilli par le Sultan Abdulhamid II et put développer auprès des courtisans du Sultan un réseau d’influence considérable. Mahmoud Ben Ayed devint une figure importante de la Turquie.
Dans son Palais au bord du Bosphore à Uskudar, Mahmoud Ben Ayed vécu à la mode turque où il multiplia les mariages et se constitua un vrai harem. Il eut en conséquences de nombreux descendants dont Khayriya. Mahmoud était néanmoins un homme éclairé et ouvert à la modernité. Il consacra à ses enfants une bonne éducation et envoya ses fils poursuivre leurs études en Europe.
La princesse Khayriya se maria à un Ali Nuri Bey écrivain et homme politique d’origine suédoise et converti à l’Islam, qui devint consul dans la région du Caucase (principale source d’odalisque blanche pour les harems ottomans). En suivant le courant moderniste et en prônant le droit à une plus de liberté au sein de l’Empire, les relations avec le sultan Abdulhamid II se détériorèrent, Ali Nuri Bey du alors se réfugier en Europe, plus précisément en Hollande où il s’installa à Rotterdam, laissant Khayriya et ses enfants en Turquie, qui le rejoignirent clandestinement sur un bateau français en réussissant à déjouer la vigilance de la police turque qui était à leur poursuite plus tard.
Cette expérience si l’on peut dire de persécution politique et d’exil forcé ont permis à Khayriya de s’engager dans l’opposition politique. Elle organisa alors diverses conférences en Europe, et jusqu’aux USA afin de dénoncer le despotisme du sultan ottoman, mais également les difficultés que confère le statut de la femme Turque, et la dynamique interne ainsi que les injustices au sein du harem du Sultan dont elle était une observatrice de première ligne.
Elle donna une conférence à Vienne qui fut traduite en langue allemande en 1904, et publiée sous le titre « La femme turque : sa vie sociale et le Harem. » (Die Turkish Frau : Ihr Soziales Leben und der Harem) Elle devint la première femme du monde musulman à avoir publiée un ouvrage sur l’émancipation de la femme au début du XX ème siècle. (Voir les travaux de M. Younis Wsifi, « Khayriya Ben Ayed, l’une des pionnières de l’émancipation de la femme à la fin du 19 ème siècle » 2005.)
Le prince Adel Ben Ayed est née dans le quartier de Uskudar à Constantinople en Turquie, en 1883. Il est apparenté, par sa mère la princesse Roukia Fazil Ibrahim, au Khédive d’Egypte Mohamed Ali.
Descendant des Omeyades, anciens rois de Syrie et d’Andalousie (voir article sur le Roi de Murcie et Valence Abdallah Ben Ayed). Sa branche paternelle a fourni, depuis plusieurs siècles, des ambassadeurs et des hommes d’Etat en Tunisie, en Orient, en Europe, et surtout à Paris. Son arrière grand-père Sidi Mohamed Ben Ayed fit don d’un splendide berceau, enrichi de pierres précieuses, pour le petit prince impérial Louis. Le roi Louis-Phillipe lui conféra les plus grand honneur en lui décernant la croix de Grand officier de l’Ordre National. Les Ben Ayed, très bien en cour sous le roi Louis-Philippe, furent, ensuite, les hôtes du palais impérial de Saint-Cloud et leurs relations avec Waldeck-Rousseau dépassèrent la simple amitié pour atteindre à l’affection véritable. Son grand-père n’est autre que le célèbre Sidi Mahmoud Ben Ayed.
Le Prince Adel Ben Ayed Parti en Egypte avec sa famille en 1903, il séjourna pendant vingt cinq années au Caire où il épousa sa cousine la Princesse Aïn el-Hayat fille du Prince Mohamed Ibrahim d’Egypte et dont il eu quatre enfants.
Grand, élancé, sa physionomie, à la fois altière et franche, reflète la loyauté et l’intelligence.
Ancien élève du lycée Louis le-Grand et de la Faculté de Droit de Paris, le Prince nourrissait à l’égard de la France des sentiments de sympathie si sincères que sa vie s’est écoulée entre Le Caire et Paris.
En 1929, le prince Ben Ayed fut soutenu par la France comme étant le prétendant le plus notoire au Trône de Syrie, désirant par son action établir l’ordre et une paix véritablement féconde pour le Royaume de Syrie.
Comme une sorte d’annexe au Palais Ben Ayed de Cedghiane, palais datant de 1775 dont une grande partie est en ruine, pourquoi ne pas créer un nouvel espace culturel événementiel et artistique ?
Ce lieu à ciel ouvert pourrait accueillir de petit événements ou des spectacles familiaux par exemple. Un endroit de vie où les gens pourront venir le matin, l’après-midi, le soir… un endroit où Il se passera toujours quelque chose.
Avec la création de ce nouveau théâtre en plein air, l’association pour la restauration du palais pourra ainsi, par la suite, utiliser les fonds récoltés pour la restauration et la sauvegarde du palais tout en faisant de lui un lieu de vie, accueillant rencontres, concerts ou expositions.
Il y avait à peu près six mois qu’une femme, qui n’avait pas de rivale en beauté, était arrivée à Paris, où son entrée dans le monde avait fait sensation; on s’accordait à dire qu’elle possédait une immense fortune, et l’on savait qu’elle n’était venue à Paris que pour visiter ce que la capitale renfermait de plus séduisant et de plus curieux. Grande, brune, avec une figure douce, des traits admirables, des épaules magnifiques, un port de reine, une toilette pleine de goût, Ben-Aïad (c’était le nom de l’étrangère) méritait certaine ment qu’on s’occupât d’elle. Ben Ayed était continuellement en mouvement. A deux heures, on la voyait aux Champs-Elysées ; à trois heures, au Palais-Royal; à huit heures, au théâtre. Son hôtel était envahi tous les jours par une foule d’importuns qui venaient lui présenter leurs hommages. Quoique ces continuelles réceptions ne fussent pas du goût de Ben-Aïad, elle accueillait cependant ses visiteurs avec une grâce si parfaite que ceux-ci, pour la plupart, ne la quittaient qu’en se promettant de revenir la voir.
L’étrangère sortait toujours seule, et cette circonstance
n’était pas celle qui intriguait le moins. Agée au plus de vingt-cinq ans,
ayant un grand usage du monde » dans lequel elle brillait non-seulement par ses
qualités physiques, mais encore par celles de son esprit, Ben-Aïad n’avait
certainement que l’embarras du choix pour prendre un époux parmi ses nombreux
adorateurs. Avait-elle donc fait vœu de célibat? Un certain jour cependant, des
gens dignes de foi affirmèrent l’avoir vue dans son carrosse en compagnie d’un
monsieur âgé. Sa voiture, assuraient-ils, avait suivi la ligne des boulevards
et s’était engagée dans l’avenue des Champs-Elysées. Cette nouvelle ne fut pas
plutôt accréditée, que tous ceux qui avaient contribué à faire de Ben-Aïad leur
idole, s’empressèrent de la briser. L’étrangère, tout d’un coup, descendit au
rang de courtisane, et les quelques désœuvrés qui s’occupèrent encore d’elle y
furent poussés par la curiosité de savoir à qui elle avait accordé ses
préférences.
Le fait cependant n’était exact que sur un point seulement : celui de la présence du monsieur dans la voiture de Ben-Aïad mais il n’était pas vrai que cet homme eût obtenu les faveurs de l’étrangère. Le personnage en question était consul de France en Egypte. Reçu plusieurs fois dans les salons de Ben-Aïad, il avait fait sa connaissance, et s’était cru dans l’obligation de lui présenter ses hommages en revenant à Paris, où il ‘avait été appelé momentanément pour affaires politiques. L’étrangère, en lui offrant une place dans sa voiture, ne croyait certainement pas commettre une imprudence. Alfred, qui avait entendu parler de la princesse et qui savait qu’elle fréquentait assidûment l’Opéra, s’y rendit un soir dans l’intention de la voir. A peine venait-il de se placer, que la porte d’une loge, qui faisait face à la sienne, s’ouvrit et donna passage à Ben-Aïad. Le consul était derrière elle.
Un murmure d’admiration l’accueillit à son entrée. Alfred ne put détacher son regard de cette femme dont la beauté le ravissait, et il n’eut plus qu’un désir : celui de lui parler. Au premier entr’acte, il se rendit donc à la loge de Ben-Aïad et demanda la faveur de lui présenter ses civilités. Il n’eut qu’à décliner son nom pour être reçu. L’accueil que lui fit l’étrangère fut si charmant, qu’Alfred ne se rendit compte du temps qu’il avait passé auprès d’elle que quand on leva le rideau. Alors il s’excusa et voulut partir, mais Ben-Aïad le pria de vouloir bien rester dans sa loge jusqu’à la fin de la pièce, ce qu’il accepta. Le consul, cette fois, se trouvait relégué au second plan.
— Je prends un grand intérêt, dit l’étrangère à Alfred, à tout ce que j’entends dire de vous dans le monde. J’ai visité moi-même les établissements publics que vous avez fondés, et je déclare que j’ai été émerveillée de la façon intelligente suivant laquelle les soins sont donnés à vos protégés. Vous me laisserez la satisfaction, je l’espère, de concourir, dans une certaine mesure, au développement de vos idées philanthropiques. Je regrette de m’y prendre si tard, mais c’est aujourd’hui, pour la première fois, vous le savez, que j’ai l’avantage de me trouver avec vous.
— Madame, répliqua Alfred, c’est à moi qu’il appartenait de solliciter votre concours et je m’accuse de ne l’avoir pas fait. La crainte d’être pris pour un importun est ma seule excuse.
— Il n’y a d’importuns que les gens sans esprit, répondit l’étrangère en dirigeant son regard vers le consul qui devint pourpre ; vous ne serez jamais du nombre.
— Monsieur, sans doute, est un de vos parents ? dit Alfred en saluant le consul. — Monsieur est le consul de France en Egypte, répondit négligemment Ben-Aïad; mais son séjour à Paris ne peut plus être de longue durée maintenant, attendu que les affaires qu’il avait à traiter sont sur le point d’être terminées.
— J’avais l’intention, Madame, de demander un congé d’un mois, dit le consul d’une voix tremblante; mais comme je ne veux pas vous désobliger, je partirai quand ma mission sera finie.
— Comme il vous plaira, Monsieur; vous êtes parfaitement libre d’agir comme il vous convient. Le consul ne répondit rien, mais il serra les poings avec colère.
— Ne trouvez-vous pas, continua l’étrangère en se retournant vers Alfred, que cette pièce est ennuyeuse? Sur ma parole, nous n’avons plus de bons auteurs.
— Je suis de votre avis, Madame. Si même votre intention est de quitter la salle avant la fin de ce dernier acte, je vous demanderai la faveur de vous reconduire jusqu’à votre hôtel.
— Je vous prie seulement de m’accompagner jusqu’à ma voiture, dit Ben-Aïad en se levant. Cette dernière phrase, qui accordait au consul un congé plus long que celui qu’il voulait solliciter, lui mit la rage au cœur. Il saisit son chapeau, salua la princesse Ben Ayad, et sortit en jetant un regard haineux sur de Lathélize.
— Vous vous êtes fait un ennemi, Monsieur, dit Ben-Aïad, prenez garde ! les gens sans esprit sont ordinairement vindicatifs et méchants.
— Celui-ci n’est point à craindre, répondit Alfred en souriant. Et, offrant son bras à l’étrangère, il descendit avec elle et la reconduisit jusqu’à son carrosse.
— Maintenant que je suis votre débitrice, lui dit-elle, vous ne refuserez sans doute pas de venir me voir. Vous saurez que je n’aime pas à attendre pour régler mes comptes. Alfred fit la promesse qu’on exigeait de lui, et quand Ben Ayed l’eut quitté, il monta lui-même dans sa voiture et rentra chez lui.
Le lendemain, au moment où Alfred se disposait à sortir, Joseph lui présenta une carte. C’était celle du consul.
— Fais entrer, dit-il. Joseph introduisit le consul dont les lèvres tremblaient de colère, malgré les efforts qu’il faisait pour se contenir.
— La visite que j’ai l’honneur de vous rendre, Monsieur, dit-il, ne doit pas vous étonner. Je suis certain que vous deviez m ‘attendre.
— Votre visite m’honore, répondit Alfred, mais je n’en vois pas encore le but. Dans tous les cas, soyez le bienvenu et veuillez-vous expliquer.
— Je pensais, Monsieur, que vous m’épargneriez cet ennui ; mais puisque vous exigez que je m’explique, je m’expliquerai. Vous vous souvenez sans doute de votre entrée dans la loge que nous occupions, la princesse et moi, hier soir, à l’Opéra?
— Parfaitement, Monsieur.
— Vous n’avez également pu oublier qu’à la suite de la conversation que nous avons engagée avec elle, j’ai été éconduit de la façon la plus ridicule qu’il soit possible d’imaginer?
— Permettez. Je me souviens très-bien de tout ce que j’ai dit dans cette soirée, mais je ne me rappelle pas qu’un ridicule quel conque ait été jeté sur vous.
— Vous ne me forcerez pas, je l’espère, à reproduire cette
scène! dit le consul d’une voix frémissante. J’ai été froissé et insulté devant
vous et j’ai le droit de vous en demander raison.
— Je conteste votre droit; aussi me permettrez-vous de ne pas accepter ce que vous me demandez.
— Vos motifs ? — Ils sont simples. Je n’accepte la responsabilité d’un acte que quand cet acte émane de moi ; or, comme je ne sache pas vous avoir insulté, je n’ai par conséquent pas … Le consul ne le laissa pas achever.
— Dans ce cas, Monsieur, je dis que vous n’êtes qu’un lâche ! — Vous regretterez, j’en ai la conviction, de m’avoir poussé à bout, dit Alfred avec un grand sang-froid. — J’attends vos ordres.
— Je prendrai les vôtres.
— Trouvez-vous alors, ce soir même, à quatre heures, à la porte de Saint-Mandé. — J’y serai avec mes témoins. Votre arme?
— Le pistolet.
— C’est entendu. Le consul fit un salut et sortit.
— Imbécile! murmura Alfred en haussant les épaules. Quand je pense que c’est son sot amour-propre qui lui fait commettre une pareille sottise ! Ce disant, il jeta un regard sur sa pendule et vit qu’il était dix heures.
— J’ai bien juste le temps de me procurer des témoins, se dit- il; il faut que je sorte à l’instant. Au moment où il allait sonner Joseph, celui-ci entra et lui remit une seconde carte.
— Le marquis de Boisguyon ? exclama de Lathélize avec étonnement ; mais je ne le connais pas ! N’importe, fais-le entrer. Après les salutations d’usage, de Boisguyon expliqua à Alfred qu’il venait le voir dans l’intention de s’entendre avec lui au sujet de la création d’un orphelinat. Il lui dit qu’il s’associait de tout cœur à ses œuvres charitables et qu’il était tout prêt à lui prêter son concours. Il termina en disant qu’il serait heureux qu’Alfred lui indiquât le moyen de dépenser convenablement ses revenus.
— Je suis flatté, Monsieur, que vous ayez songé à me venir me trouver dans cette circonstance, répondit Alfred ; je me mets dès à présent à votre disposition. Seulement je dois vous dire que je suis si pressé en ce moment qu’il m’est impossible de vous accorder un plus long entretien. Vous allez en juger vous-même. De Lathélize rapporta alors en quelques mots ce qui s’était passé entre lui et le consul.
Le marquis répliqua :
— Eh! mais, Monsieur, votre premier témoin est tout trouvé, si toutefois vous voulez me faire l’honneur de m’accepter comme tel.
— Volontiers, Monsieur le marquis. Dans ce cas, si vous voulez accepter une place dans mon coupé, nous nous mettrons tout de suite en quête de trouver le second. — Avec plaisir, Monsieur, répondit de Boisguyon. Une demi-heure après, Alfred se présentait chez un de ses amis, qui consentait à le suivre, et tous trois allaient déjeuner, en attendant qu’il fût l’heure du rendez-vous.
— Soit alors, vous l’aurez voulu, dit Alfred. Et, étendant
le bras dans la direction de la poitrine de son adversaire, il l’atteignit au
cœur. Celui-ci tomba foudroyé. On le transporta aussitôt dans la voilure qui
l’avait amené, et quand les témoins eurent déclaré que tout s’était loyalement
passé de part et d’autre, Alfred reconduisit son ami ainsi que de Boisguyon, à
leurs domiciles respectifs ; puis après, avoir quitté ce dernier et lui avoir
fait promettre de revenir le voir, il remonta dans son coupé et lança à son
groom l’adresse de Ben-Aïad ! L’étrangère ne témoigna aucun chagrin en
apprenant la mort du consul, mais elle fut épouvantée en songeant au danger
qu’avait couru De Lathélize pour lequel elle éprouvait déjà un sentiment
qu’elle cherchait vainement à combattre. Ce sentiment grandit même si vite avec
le temps qu’elle en vint au point de laisser entrevoir à Alfred le désir
qu’elle avait de l ‘épouser ; mais celui-ci ne l’eut pas plutôt devinée, qu’il
devint tout à coup plus circonspect à son égard.
Le souvenir de Rose occupait une si grande place dans son
esprit, qu’il en arriva à ne plus rendre visite à Ben-Aïad qu’à de rares
intervalles et finit, plutôt que de feindre un amour qu’il n’éprouvait pas, par
rompre toutes relations avec elle.
Quand l’étrangère fut convaincue qu’Alfred l’avait abandonnée, elle en conçut un chagrin si violent que lie résolut de se détruire. Un certain jour, tout Paris apprit que la belle Ben Ayed s’était empoisonnée par désespoir d’amour. Cette fin tragique et inattendue frappa chacun de stupeur. Les uns blâmèrent énergiquement De Lathélize et l’accusèrent d’être l’auteur de la mort de Ben-Aïad; d’autres, plus enthousiastes pour les faits scandaleux, se plurent, au contraire, à faire son éloge. Quoi qu’il en fut, ce fatal événement jeta un nouveau voile de tristesse sur l’âme déjà si éprouvée d’Alfred et ce ne fut que long temps après qu’il parvint à l’oublier.
Le professeur Hassouna Ben Ayed, est né le 21 juillet 1926 à Cédriane Djerba et décédé le 22 février 2010 à Tunis Carthage. Il est le fils ainé de Si Mustapha Ben Ayed.
Etudes primaires à l’école franco arabe de Mahboubine
Etudes secondaires à Houmt Souk puis à Tunis (Lycée Alaoui, Lycée Carnot)
Etudes médicales en France à la Faculté de Médecine de Paris
1957 – Interne des Hôpitaux Paris
Titres et distinctions académiques :
1966 – Professeur agrégé des facultés françaises
1970 – Professeur titulaire – Faculté de Médecine de Tunis
1976 – 1985 – Doyen de la Faculté de Médecine de Tunis
1988 -Membre correspondant de l’Académie Nationale deMédecine – France
2002 – Médaille Jean Hamburger
Responsabilités et activités hospitalières :
1962 – Chef de service, Hôpital Charles Nicolle à Tunis
1963 – Première dialyse péritonéale en Tunisie
1986 – Première greffe rénale en Tunisie
1991 – Départ à la retraite administrative
Sociétés Savantes :
1967 – Président de la Société tunisienne des Sciences Médicales
1983 – Président et fondateur de la Société tunisienne de Néphrologie
1989 – Président et fondateur l’Association tunisienne de Réanimation
1990 – Président et fondateur de la Société tunisienne de Médecine Interne
1997 – Création de la Société Maghrébine de Médecine Interne
Vie Associative :
1978 – Président et fondateur de l’Association Médicale Tunisie Palestine
1987 – Président du comité d’éthique de l’Association de Lutte contre le cancer
1996 – Président et fondateur de l’Association Sanitaire et Socio-culturelle de Jerba
Quelques photos valent mieux qu’un long discours, découvrez sans plus tarder notre diaporama de la Djerba d’antan. Certaines photos datent d’avant 1900.
Une pétition pour la restauration a été lancée le 15/01/2020, nous avons dépassé les 3000 signataires. Signez ici. Nous comptons sur vous pour rejoindre le mouvement.
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