Sir Wemyss Reid chez le général Ben Ayed

A Alya Baccouche Ben Said, descendante de Si Hmida Ben Ayed par La Mamia Ben Ayed.

Sir Thomas Wemyss Reid

Sir Thomas Wemyss Reid, plus souvent appelé Wemyss Reid  est né à Newcastle  le 29 mars 1842 et mort à Londres le 26 février 1905, c’était un grand journaliste et écrivain anglais. Wemyss Reid fut un des pionniers de la presse régionale britannique d’abord au Newcastle Journal puis au Leeds Mercury pour laquelle il obtint une reconnaissance nationale en réussissant à accéder aux galeries réservées à la presse à la Chambre des communes. Il écrivit aussi des biographies, dont celle de Charlotte Brontë et divers romans, dont “The Land Of The Bey” paru en 1882 à Londres dans lequel il raconte son voyage en Tunisie une année après l’occupation française de la régence de Tunis. L’auteur s’embarque depuis Marseille à bord du Charles Quint et arrive après quelques jours au port de la Goulette. Il passera quelques jours à Tunis et ses environs dont il fera une remarquable description, il s’aventurera jusqu’à Kairouan et retournera à Tunis en passant par le Cap Bon. Durant son séjour, il rencontrera plusieurs personnalités, dont le Général Hmida Ben Ayed avec lequel il passera une soirée mémorable.

Sir Wemyss Reid et sa rencontre avec Si Hmida Ben Ayed.

Sir Wemyss Reid raconte dans son livre : “C’est sous la direction de M. Lévy que lors d’une visite pendant mon séjour à Tunis j’ai eu le plaisir de vivre une expérience que je qualifierai d’unique, une vrai soirée de divertissement à l’orientale. J’avais rencontré chez M. Reade (Consul Général) un gentleman tunisien d’une noble et richissime famille, le Général Ben Ayed. Ce gentlemen est juste considéré comme le spécimen le plus beau de l’aristocratie mauresque vivant actuellement à Tunis. Cela peut paraitre étrange à raconter, le général est protégé britannique de naissance; son grand-père (Si Mohamed Ben Ayed) il y a une cinquantaine d’années s’était inscrit comme protégé du roi d’Angleterre afin de mieux protéger ses propriétés de la rapacité des Français qui, même à cette époque, avaient commencé à jeter leurs regards avides sur Tunis. Il possédait non seulement de splendides domaine, mais également de nombreux autres beaux palais dans le pays. Le général Ben Ayad prend plaisir à faire preuve d’hospitalité à tous les visiteurs anglais de la Régence…” Apprenant cependant que je n’avais à ce jour pas eu l’occasion d’assister à une de ces soirée de danses orientales caractérisant la Régence, il me convia gentiment à une soirée festive chez lui, qui sera organisée entièrement en mon honneur.”

The Land Of The Bey p. 213.
Passage Ben Ayed à Bab Jdid.
Cours du Palais Ben Ayed. Bab Jdid.

“M. Levy nous accompagnant, moi et deux de mes amis anglais résidant dans la Régence. L’heure fixée pour notre arrivée était sept heures et demie au soir, et peu avant cette heure nous partîmes de l’hôtel. Après une promenade de vingt minutes à travers un merveilleux réseaux de ruelles étroites avec des murs blanchis à la chaux de chaque côté, des arcades et portes voûtées ici et là, le chemin nous conduisit enfin sur une petite cour entourée de bâtiments apparemment de la plus grande misère. Tout était sombre et silencieux, on ne risquait de croiser personnes en ce lieu. Levy avait poussé une porte, et tâtant prudemment le trottoir avec son bâton ferré, montait un grand escalier à balustrade en chêne, des marches en marbre et des murs carrelés de céramiques. Personne n’apparaissait encore. Une lampe à huile solitaire projetait une lumière vacillante sur l’escalier, mais il nous semblait que nous étions rentrés dans une maison déserte.”

The Land of the Bey p. 215.


“Soudain, une porte s’était ouverte, et, comme par magie, toute la scène avait changée. Nous voyons devant nous un vaste appartement brillamment éclairé, dont l’extrême longueur ne pouvait pas être inférieure à soixante pieds, ni sa largeur inférieure à quarante. La demeure était brillamment éclairée à la fois par des lampes à gaz et d’innombrables bougies, ses murs richement carrelés et son plafond peint gaiement brillé lui aussi de luminosité. Il était meublé avec d’énormes miroirs balançant comme ceux utilisées par les femmes dans leurs chambres, des armoires de grandes tailles. Toutes les boiseries était en vermillon rouge le plus brillant, richement orné d’or, et l’effet général de cette splendeur barbaresque était si grand que j’étais rempli de surprise en me retrouvant dans cette belle salle, j’était complétement ébloui par la magnificence de cette scène qui était apparue soudainement devant nous. Des canapés aux couleurs éclatantes, de nombreuses chaises, des petites tables, etc., étaient éparpillés un peu partout sur le sol de l’appartement, et sur les murs étaient accrochés beaucoup de belles et vielles gravures, y compris, étrange à dire, un portrait du pape défunt – c’est plutôt curieux de trouver un tel objet dans la maison d’un musulman. “

The Land of the Bey p. 215.
Palais Ayed à Bab Jdid.

“Ben Ayed, son fils aîné et plusieurs parents ainsi que les domestiques, nous attendaient dans cet appartement, et le grand et majestueux général arabe m’accueillit chaleureusement. Il s’excusa en même temps de ne pas m’avoir pu mieux m’accueillir. Sa maison principale, semble-t-il, était à Sidi Bou Saïd, et en conséquence il ne pouvait que m’inviter à souper entre garçon. En m’expliquant cela il désigna en souriant une grande table ronde, sur lequel était disposé un repas qui promettait bien de la satisfaction et du confort pour les pauvres créatures affamées que nous étions. Puis il me conduisit dans un deuxième salon, une autre pièce encore plus belle que la précédente. Cette pièce faisait quarante pieds carrés. De tous côtés, il y avait des portes et des fenêtres avec de riches rideaux; de splendides canapés et chaises en or et cramoisi y étaient placés, sauf d’un côté de la pièce, où se trouvait un énorme canapé, d’au moins vingt-cinq pieds de longueur. Sur des consoles en marbre se trouvaient de précieux vases de Sèvres, et deux horloges en bronze doré, le don de Louis Philippe au grand-père de Ben Ayad (Si Mohamed Ben Ayed), mais la plus belle caractéristique de cette pièce était la belle arabesque du plafond, l’un des spécimens les plus parfaits de la décoration mauresque que je n’ai jamais vue autre part.”

The Land of the Bey p.216.
Palais Ben Ayed Bab Jdid.

“Comment cela aurait réjoui le cœur d’Owen Jones ! Un énorme lustre en cristal pendait du plafond, mais il n’était pas allumé, la pièce étant éclairée en lampe à huile et à gaz. J’avoue que pendant un instant j’étais complètement déconcerté par le changement soudain de la misère et de l’obscurité des rues de l’extérieur à l’intérieur brillant dans lequel je me retrouvé maintenant. Après avoir échangé un peu avec Ben Ayed, et bu du café, servi dans un beau service en argent par des serviteurs gracieux en habit arabe, les musiciens et les danseuses qui devaient nous divertir entrèrent. C’étaient des juives et des juifs dans leur costume traditionnel national. Ils s’accroupirent sur des coussins disposés au sol, et après avoir été servis de quelques rafraîchissements, ils commencèrent à jouer. Leurs instruments étaient un violon, une mandoline, un tambourin et une darbouka. Ils jouèrent une longue mélodie arabe plaintive, pittoresque et même bizarre, étonnamment différente de tout ce que j’avais entendu auparavant, en Turquie ou des gitans de Roumanie. Cette musique, qui était une sorte de prélude au divertissement, ayant cessé, nous sommes allés dîner. “

The Land of the Bey p. 217.
Dar Ben Ayed Bab Jdid.

“C’était un repas vraiment somptueux, presque tous les plats étaient cependant arabes. Nous avons commencé avec un délicieux couscous; puis vint, la boutargue, des œufs séchés de mulets rouges. Cette délicatesse, qui est faite à Bizerte, ressemble quelque peu au caviar, mais sans le caractère gras de ce dernier. Olives, radis, etc., étaient également en accompagnement. Ensuite, un autre plat arabe était servi, ce qui, cependant, n’était pas tout à fait très agréable au goût, celui se composait de beignets chauds et gras, contenant de la viande et des œufs; du poulet froid servi avec une sorte de pâte à l’œuf, très légère et délicate; un excellent mouton rôti; du foie gras en aspic, et un des plus bel assortiment de pâtisseries et de bonbons pour clôturer cette partie du repas. Je devrais mentionner ici que les bonbons et les pâtisseries étaient d’origine arabe et non italienne, et étaient les plus délicieusement parfumés à la pistache. Melons, grenades, et d’autres fruits exquis étaient servis après le repas, qui était accompagné par du Bordeaux, du Malaga, et un excellent champagne, la glace étant abondamment fournie avec le vin. Nous avons tous bu les uns aux autres, à la prospérité de la Tunisie, et de nombreux discours très polis fait par l’hôte et le reste d’entre nous, avaient étés prononcés.”

The Land Of the Bey p. 218.
Palais Ben Ayed Bab Jdid.

“A la fin de ce repas on retourna au salon, où nous avons écouté une nouvelle chanson donnée par tous les musiciens et danseuses. Aucun mot ne peut décrire cette mélodie particulière. C’était d’une extrême mélancolie, de longs gémissements, accompagnés de soudains éclats de discorde. On me raconta cependant que c’était la chanson d’amour préférée à Tunis. La plus jeune et la plus belle des danseuses ayant quittée la salle pour quelques minutes, réapparut en costume grec. Elle applaudit bruyamment pour donner le ton de la musique et commença à danser, la figure ressemblant quelque peu au “Highland Fling” (danse irlandaise), les mouvements étant plutôt grotesques que gracieux. Parfois elle faisait le tour de la pièce sur une jambe, parfois elle sautait comme une grenouille; parfois elle bondissait du sol, agitant des écharpes de soie au-dessus de sa tête. Puis la partie la plus intéressante de la danse commençait. Bien qu’il n’y ait pas eu de grossièretés dans sa performance, la femme étant décemment vêtu, personne ne pouvait rester insensible.”

The Land Of the Bey p. 219.
Dar Ben Ayed Bab jdid.

“A la fin de cette danse, des cafés, des cigares et des liqueurs ont été servis par toute une suite de serviteurs. Ben Ayed avait envoyé ses serviteurs se procurer certaines des meilleurs danseuses arabes pour nous divertir davantage; mais ses serviteurs étaient revenus bredouille. Ils avait réussi à se procurer les femmes, paraît-il; mais quand on a découvert qu’on leur demandait de danser devant un chrétien, les voisins lapidaires les malheureux domestiques, et empêchèrent les femmes de les accompagner ! Ce n’est que longtemps après minuit que je quittais le toit hospitalier de mon ami arabe, cinq de ses serviteurs m’escortèrent à travers les rues avec des lanternes et des armes à la porte de mon hôtel.”

Palais Ben Ayad de Bab Jdid.
L’une des portes du Palais Ben Ayed Bab Jdid.
Plafond du Dar Ben Ayed.
Sculpture du Dar Ben Ayed de Bab Jdid.
L’une des pièces du palais Ben Ayed Bab Jdid.

Extrait du livre “The Land of The Bey” 1881. Sir Wemyss Reid.

Par Kais BEN AYED

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