Poème perdus et retrouvés de Ben Moussa El Fetairi

Les vers de Ben Moussa poète satirique et moraliste jouissaient autrefois d’une renommée considérable dans la Régence de Tunis malheureusement oublié de nos jours. Ahmed Ben Moussa connu sous le nom de Ben Moussa El Fetairi, fabricant de beignets, est originaire de Ghomrassen. D’abord apprenti dans la boutique paternelle puis patron. Il eut tout en confectionnant ses huileuses pâtisseries, tout loisir de songer à la fragilité des choses humaines, à l’inconstance de la fortune, aux dangers des mauvaises fréquentations, à la morgue orgueilleuse du parvenu, aux importunités du sot, considérations qui constituent le fond habituels de sa poésie. Ce fût au cours de sa tâche quotidienne que, penché sur son chaudron, un bras appuyé sur un genou, la bouche protégée par un bandeau contre l’écrêté de la fumée de la friture, il commença à composer dans son for intérieur ces vers qui réjouissaient tant les Tunisiens. Il eut ensuite plus souvent occasion de se livrer à ses méditations philosophiques de prédilection quand, abandonnant son métier, il occupa au gouvernement tunisien un emploi de chaouch et plus tard une charge d’intendant qui l’obligèrent à de fréquent séjours à la cours beylicale. D’aucuns assurent même qu’il fut bouffon en pied de Mohammed Es Sadok, souverain sous le règne duquel Ben Moussa est mort. Découvrons quelques uns de ses poèmes.

ارض السبخه ما تنبت غرس * والفرفوري ما اجي من الطين
خلطت سارق من شرو ط الحبس * وخلطت عالم من شرو ط الدين
مع لسالك ما تكبر نفس * رطابت لسانك تندفع في الدين
مع لاكابر ما تكثر حس * حتي تلقي لدخول إمنين
اما الغلّة مآ تطيب بمرس * حتي اجيها وقتها و تلين
صحن سلاطة و خبزتين و نصف * مع طاجين قلاية طايب بين نارين
برّا اذا خلّاك مول العرس * كول معاه بلا اغسيل ايدين

En terrain salin, aucune plantation ne peut vivre. La porcelaine ne se fabrique pas avec de la boue.

La fréquentation d’un voleur vous conduit en prison; celle du savant vous facilite la pratique de la religion.

Avec ton créancier, ne fait pas l’arrogant; adoucis test expressions, ta dette s’acquittera.

Avec les grands, ne prolonge pas le bruit tant que n’auras pas trouvé un moyen d’accès.

Les fruits ne murissent pas à force d’être palpés: le moment venu, d’eux mêmes, ils deviennent tendres.

Une assiette de salade, deux peins et demi, une poêlée de viande sautée, préparée entre deux feux (voilà le bonheur suprême).

Tant pis si le maitre de la noce te fait asseoir: mange avec lui même si tu n’as pas les mains propres.

حسبت سيدي من الاسياد * و الا شيخ و صاحب ديّا
ولا قايد من القياد * كيف ريتو في هاك الهيا
خاطم كنر بن عياد * متعدي بالفنطزيا
كنو عنتر بن شداد * عبارو ثلاث الاف و ميا
توا عندوالريح انزاد * ماشي يبيع البطنيا
تاجر بلارباح اتفاد * يتسبب في الكاكويا
جايب دوار و فاد * ماشي الدار العزبيا
من معرفتو فلاجواد * سلملي علي بوسعديا

Je le prenais pour un grand seigneur, au moins pour un cheikh, (personne considérable) pour un homme généreux.

Ou bien pour un des caïds, quand je l’ai vu sous cet aspect. Il passait tel Ben Ayed, marchant fièrement.

Tel Antar Ben Chedad, qui a la valeur de 3100 guerriers.

Maintenant, le vent de l’orgueil souffle chez lui plus fort; pourtant il est obligé de vendre jusqu’à sa couverture.

Fait du négoce pour en retirer des gains, débite des cacahouettes.

Il véhicule des tripes et de la fressure, en vue de leur vente, mais fréquantant les Azzabia;

Se donne comme ayant des relations dans les familles honorables, et pourtant
il présente ses salutations à Bou Saadia.

هذا العجب ما ريت * علي قدر ما ذاريت
الي سمعت حكيت * لا زدت لا خليت
قال الحجر اصقيت * جبت الحديد شعيت
قال الحديد اعصيت * با مباردي ترحيت
قال الزتون للزيت * علي خاترك تمحيت
اخذيت الماء غليت * في أنيا في البيت
اسقيت الشجرا رويت * يقول الماء بتثبيت
عود الذي حييت * بامقاصو تكويت

Ce que j’ai vu est bien un sujet d’étonnement, même étant donné ce que je savais déjà. Les propos que j’ai entendus, je les ai rapportés, sans rien ajouter ni retrancher.

Le minerai a dit: “Je me suis transformé; j’ai donné le fer qui s’en va en étincelles” Le fer à son tour: Je vous ai résisté, ô limes; ô vous à qui j’ai donné naissance, vous m’avez usé.

L’olive reproche à l’huile: Pour toi, j’ai été écrasée, j’ai été prise sur l’eau que l’on a fait bouillir, dans un vase, dans la maison.

Et l’eau à son tour : J’ai arrosé abondamment l’arbre en vérité. Le bois qui me doit la vie, s’est transformé en charbons ardent qui m’ont réduite en vapeur.

Extrait de revue par H. Briquez.

Par Kais Ben Ayed

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