La visite d’Heinrich Barth chez Soliman Ben Ayed.

Heinrich Barth, un explorateur hors pair.

À trente ans, le géographe allemand Heinrich Barth, qui parlait anglais, français, espagnol, italien et arabe, avait visité  plusieurs pays du Proche-Orient, la Tunisie et la Libye. L’explorateur anglais James Richardson, chargé par des sociétés protestantes anglaises d’étudier la piste de Tripoli au Soudan, ne trouvant aucun compatriote pour l’accompagner, fit appel à Barth et à Adolf Overweg, un géologue allemand. Partis de Tripoli le 25 mars 1850, ils atteignent Mourzouk, un marché d’esclaves au Fezzan, puis Rhat au Tassili, la ville des Touaregs qui leur sont hostiles pendant la traversée du Ténéré. Ils passent à Agadès. À Zinder, les explorateurs se séparent. Ils doivent faire leur jonction au bord du lac Tchad. Richardson n’y arrivera pas et Overweg mourra quelque temps après avoir recueilli des indications sur les crues et sur les parties navigables du lac. Entre-temps, Barth étudie les cours du Logone et du Chari, tous deux tributaires du lac Tchad. Il rejoint la Bénoué, affluent du Niger, à Yola, apportant ainsi des informations indispensables à une première explication du système hydrographique de la région.

Ses compagnons ayant disparu, il renonce à l’Afrique orientale et décide d’étudier le cours du Niger. Il rejoint celui-ci à Say et, passant par Hombori, atteint Tombouctou. Il y séjourne pendant six mois et écrit les premiers éléments d’une histoire des Songhaï à partir de manuscrits arabes. Il redescend le Niger jusqu’à Say, atteint le Tchad en passant par Sokoto et Kano, au Nigeria. Sur la route du retour, dans le massif du Bornou, il rencontre Vogel, un astronome allemand parti à sa recherche ; ce dernier, continuera le travail de Barth mais sera assassiné dans le massif du Ouaddaï.

Barth rejoint l’Angleterre par Tripoli (1855). Son voyage aura duré cinq ans, mais les informations ethnologiques, linguistiques, historiques et géographiques (relevé cartographique de 20 000 km2) qu’il rapporte sont les premières qui soient aussi rigoureuses et précises ; elles seront souvent confirmées par la suite. Il publia cinq volumes Reisen und Entdeckungen in Nord- und Central-Afrika (1857) qui furent traduits en anglais et en français : Voyages et découvertes dans l’Afrique septentrionale et centrale pendant les années 1849 à 1855 (1861), et obtint, seulement en 1863, une chaire à titre provisoire à l’université de Berlin. Jusqu’à sa mort en 1865, son pays refusa de reconnaître la valeur du premier explorateur scientifique du continent africain.

Illustration d’Heinrich Barth arrivant à Tombouctou.

Heinrich Barth chez Soliman Ben Ayed à Djerba.

Durant son voyage Heinrich Barth passa par la Tunisie qu’il explora du Nord au Sud, avant son départ pour Tripoli, il passa quelques jours à Djerba. Il nous raconte dans son mémoire que l‘après midi du 29 mars 1846, lorsque la chaleur se dissipait, il sortait en compagnie du chaouch mis à sa disposition pour se promener à travers les jardins avoisinants. Il fut rejoint par son ami Soliman fils du célèbre Sidi Mohamed Ben Ayed qui fut envoyé la même année en tant qu’en Ambassadeur d’Ahmed Bey auprès Roi Louis Phillipe de France. Soliman fut pendant de nombreuses année caïd-gouverneur de l’île de Djerba , Heinrich Barth le décrit comme un homme fort sympathique, de grande stature, au visage majestueux ornée d’une barbe à la couleur blanche argentée.

Amrah de Mustapha Pacha Bey destinée à Si Soliman Ben Ayed caïd-gouverneur de Djerba en 1835 pour accueillir le prince Hermann von PücklerMuskau.

Barth raconte : “Nous nous sommes assis tous les trois au sol à l’ombre d’un palmier, et on commença à discuter de choses et d’autres de la vie et de sujets concernant  chrétiens et musulmans.”

Petite parenthèse à ce sujet le caïd Soliman Ben Ayed avait accueilli quelques années auparavant en compagnie de l’agent consulaire de France d’origine algérienne Mustapha Ben Brahim, le pasteur Christian Ferdinand Ewald en 1835 qui venait prêcher l’Evangile aux juifs Djerbiens. Si Soliman les avaient accueillis honorablement et laissa la plus grande liberté au pasteur de diffuser son message comme bon lui semblait, l’ayant préalablement avertit de l’échec de sa mission.

Le pasteur Christian Ferdinand Ewald.

“Après cet échange, nous reprîmes notre balade et Soliman m’emmena dans sa grande propriété et m’expliqua les raisons pour laquelle celle-ci était mal entretenue par cause du manque de main d’œuvre depuis quelques mois. Il m’expliqua aussi que suite à l’abolition de l’esclavage (au mois de janvier de la même année) sous la pression des britanniques, certaines personnes abusant trop de leurs libertés et ne voulant plus travailler, avait formés des groupes de voleurs et faisaient dévier l’eau. Soliman m’emmena alors dans sa demeure dans laquelle il avait un bassin à poissons. Il me la fit visitait hormis la partie réservée aux femmes.”

Le pasteur Christian Ferdinand Ewald donne une brève description de cette magnifique demeure, il rapporte dans ses mémoires la visite du Saheb Ettaba chez le caïd-gouverneur Soliman Ben Ayed à Djerba qui voulant bien accueillir le ministre, l’invita dans son palais, celui-ci était meublé avec grand luxe et somptueusement aménagé que même les Rois auraient convoités. Devant ce décor le ministre ne resta pas insensible. Après quelques jours le caïd Soliman se voyait convoqué chez le Saheb tabaa afin de rendre des comptes, cette visite avait couté à Soliman Ben Ayed le prix de deux millions de piastres qu’il dut verser aux caisses de l’état.

Barth et Ben Ayed dinèrent ensemble à l’européenne ce soir là dans un luxueux salon, le chaouch accompagnant l’explorateur avait trouvé cela inapproprié car les Ben Ayed, suivant l’usage arabe, ne mangeait pas avec leurs hôtes. Le chaouch pour sa part en bon musulman mangea son repas par terre. “

Extrait de Semilasso in Africa de Hermann von Pückler-Muskau. Extrait des mémoires de Heinrich Barth. Extrait des mémoires de Christian Ferdinand Ewald.

Par Kais Ben Ayed

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